[Pau] Action contre les projets inutiles ! Non à Notre Dame, LGVs, E7…

 

IMG_0689Samedi 19 janvier en début d’après-midi, une vingtaine de personnes se sont réunis autour du péage autoroutier de Vinci à Lescar (Béarn, près de Pau). Ils ont levé les barrières du péage, laissant passer les véhicules gratuitement. Des banderoles ont été brandies, avec pour message, dénoncer les intérêts de Vinci et les politiques de grands projets inutiles, tel que l’aéroport de nantes, les LGVs(AHT, TAV), la pau-Oloron(E7)….. Cette action fait suite à l’appel de soutien de Notre Dames des Landes.

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Réflexions sur les luttes contre les grands travaux

Des acteurs-trices engagés dans les luttes contre des grands chantiers (construction d’une LGV au Pays Basque sud, projet d’aéroport à notre Dame des Landes -NDDL, mise en place d’une ligne THT Cotentin-Mayenne) se sont retrouvés cet été, aux rencontres d’Eychenat (Ariège) organisées par l’OCL-OLS.

Il s’agissait d’échanger des informations et des analyses sur chacun de ces combats, d’analyser leurs forces et leurs faiblesses et de voir comment contribuer à renforcer les dynamiques engagées.

L’objet de cet article n’est pas de présenter les caractéristiques de ces différents chantiers ni les spécificités des luttes qui s’y opposent. De nombreux articles de Courant alternatif leur ont été, leur sont et leur seront consacrés et nous vous invitons à vous y référer [1].

Il s’agit ici plutôt de rendre compte de quelques questionnements et analyses que nous avons échangés au cours de ces rencontres.

Une politique de métropolisation

« Grands Travaux Inutiles Imposés » – GTII-, cette expression convient-elle pour désigner ces chantiers ? En fait, elle apparaît comme un label déposé que des mouvements institutionnels de gauche comme ATTAC, le Front de gauche ou certains Verts ont collé sur ces grands chantiers. Mais, inutiles à qui ? L’adjectif sans autre précision n’a pas beaucoup de sens. Il serait plus adéquat de dire que ces travaux sont socialement inutiles, pire, nuisibles et destructeurs, et imposés aux populations par le mensonge et par la force. Tous ces grands chantiers en projet ou en cours portent en commun un même modèle de développement. Ils s’inscrivent dans une dynamique de métropolisation, par l’accroissement de la densification de l’habitat, par la mise en place de plans de rénovation urbaine, par le développement des nouvelles Industries Culturelles et Créatives (ICC) ; ils relèvent d’une politique d’aménagement du territoire visant à la concentration des richesses, à l’intensification de leur circulation d’un grand pôle à un autre. Ces pôles urbains sont mis en concurrence entre eux. Les terres ne sont plus qu’un lieu de passage, un espace à détruire ou bien à transformer en ressource touristique et de récréation.

Pour tenter de se faire accepter, ces projets se parent parfois de l’image d’un capitalisme vert, d’un développement dit durable, alors qu’ils ont des conséquences désastreuses sur l’environnement, des impacts très néfastes et destructeurs sur les plans économiques, sociaux, culturels.

C’est ce que dénoncent ceux-celles qui s’y opposent en remettant en cause à la fois le modèle de société et de développement que ces grands chantiers impliquent et la façon dont ils sont décidés, leur gestion politique, puisqu’ils sont imposés aux populations contre leur gré. Continuer la lecture

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Procès pour entartage anti-TGV : appel à la solidarité

Bonjour ! Le dossier “APPEL À LA SOLIDARITÉ : DES PEINES DE 4 A 9 ANNÉES DE PRISON POUR UN ENTARTAGE A LA CRÊME CONTRE LE TGV ?” que vous trouverez ci-dessous, a pour but de lancer una campagne informative de solidarité aussi bien en Euskal Herria (Pays Basque) et au niveau international avec les quatre membres du mouvement de désobéissance au TGV Mugitu ! accusés devant l’Audience Nationale de Madrid (tribunal d’exception) suite à l’entartage de la présidente navarraise Yolanda Barcina le 27 octobre 2011 à Toulouse. Nous faisons ainsi un appel à la solidarité face à ce nouveau cas de criminalisation de la lutte contre le TGV et de la désobéissance comme forme de lutte sociale, en dénonçant notamment par rapport à ce procès :

1. Ce qui n’est qu’une action comique de protestation et n’entraîne presque aucune conséquence légale dans la plupart des pays occidentaux, est au contraire dans l’Etat espagnol l’objet d’une criminalisation et d’une poursuite pénale écrasante, avec des demandes du procureur allant de 4 à 9 années de prison. 2. La vengeance politique du Gouvernement de Navarre qui recherche une punition exemplaire et vindicative à l’Audience Nationale de Madrid, tribunal d’exception hérité du franquisme devenu actuellement l’organe de répression le plus feroce de la dissidence dans l’Etat espagnol. 3. La collaboration judiciaire-policière des autorités françaises en laissant paralysées les diligences qui avaient été ouvertes au début à Toulouse, où cette action d’entartage anti-TGV n’aurait été l’objet que d’un Jugement de Contravention ; cette démarche a permis l’inculpation et la brutale poursuite pénale de ces quatre personnes à l’Audience Nationale espagnole.

Nous remercions votre attention et nous vous demandons de diffuser ce dossier, que l’on vous envoie en français ainsi qu’en englais , espagnol et langue basque.

Merci beaucoup. Pour contact : mugituaht@gmail.com. Plus d’informations sur l’entartage sur le site Mugitu! AHT Gelditzeko.

Publié sur Indymedia Paris le 11 janvier 2013.

Quatre à neuf ans de prison pour un entartage?

C’est la peine requise contre quatre opposants à la ligne à grande vitesse, une de plus de celles qui visent à transformer les Pyrénées en gruyère… Car il n’y a pas que les Alpes qui sont menacée par les Grands projets inutiles (et la Cour des comptes elle-même vient de dénoncer le coût et l’opacité du projet Lyon-Turin), il y a aussi le pays basque: le 27 octobre 2011, des joyeux drilles (groupe basque M!M et militants du mouvement occitan Libertat) sont venus dire de réjouissante manière à Mme Yolande Barcina, présidente de la Communauté de Navarre leur opposition au projet de TGV. Ils sont pour cela traduits devant l’Audience nationale, le sinistre tribunal répressif que les Basques connaissent bien, et Aurore Martin, ressortissante française livrée par Valls mieux que personne (cette affaire, invraisemblable scandale, n’a pas soulevé beaucoup d’émotion et on s’en veut ici d’ailleurs de ne pas lui avoir consacré de message, on y reviendra).
Le procureur réclame contre les quatre de 4 à 9 ans de prison pour « attentat contre l’autorité ». On trouve un dossier complet sur l’affaire et sur l’opposition à la ligne basque sur le site Mugitu.
Et pour les dernières nouvelles du front de la guérilla pâtissière, n’oubliez pas le site de Noël gloup gloup Godin.

Publié le 7 novembre 2012 sur Les contrées magnifiques.

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LGV Bordeaux-Toulouse : Notre-Dame-des-Landes comme épouvantail

Chantage à la construction de la LGV (Leur Presse, Le Parisien, 9 janvier 2013)

Le président socialiste du conseil général de la Haute-Garonne, Pierre Izard, a mis en garde mercredi contre un abandon du projet de TGV à Toulouse et le risque de voir se reposer la question d’un nouvel aéroport dans la région toulousaine, avec le danger d’une évolution à la Notre-Dame-des-Landes.
M. Izard s’est dit inquiet d’un abandon de la ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) qui doit mettre Toulouse à un peu plus de trois heures de Paris, contre cinq heures vingt actuellement, mais qui est aujourd’hui remise en question.

« S’il n’y a pas la LGV, il y aura inévitablement une discussion nouvelle sur un (nouvel) aéroport », a-t-il dit en marge de ses voeux à la presse. Car « la LGV est une réponse à trop d’avions », a déclaré M. Izard, dont la collectivité est associée au financement du projet ferroviaire.
« Bien entendu », a-t-il répondu à une question sur le danger qu’un tel débat tourne à la querelle façon Notre-Dame-des-Landes, dans une région réputée très contestataire.
La construction d’un deuxième aéroport dans la région toulousaine est un vieux serpent de mer. Ressortie des cartons par les pouvoirs publics au début des années 2000 pour parer à une future saturation de Toulouse-Blagnac, l’idée avait profondément divisé et suscité de vives protestations. Avec l’arrivée attendue du TGV, cette idée passe aujourd’hui pour enterrée.
Mais la prolongation jusqu’à Toulouse de la future LGV Tours-Bordeaux, dont les travaux ont commencé en 2012, est à présent remise en question par le gouvernement au nom du réalisme budgétaire.

Pour mieux faire avaler la pilule (Leur Presse, Le Figaro, 10 janvier 2013)

Le président François Hollande a confirmé jeudi la réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse au delà de Bordeaux, qui figurait parmi les grands projets d’infrastructures de transport remis en cause par le gouvernement au nom du réalisme budgétaire.

En déplacement en Gironde sur le thème des investissements d’avenir, le chef de l’Etat a dit « souhaiter que nous puissions moderniser le réseau ferroviaire, au moins 1000 km de rail par an », ajoutant qu’un « un schéma national sera proposé ».

Dans un centre de formation aéronautique à Latresne, François Hollande a souligné qu’il y avait « en Aquitaine (…) les 250 km de ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux et puis même la suite (ndlr vers Toulouse et l’Espagne) ». « Je sais qu’il y a quelques endroits où c’est toujours difficile mais ça passera parce que ça doit passer, parce que c’est l’avenir », a-t-il dit.

D’ors et déjà, les préemptions d’immeubles ont commencé dans le quartier de Matabiau à Toulouse.

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Dernière nouvelle : le Lyon-Turin passera finalement par Grenoble

Mardi 8 janvier 2013. Aujourd’hui (1), le Daubé interviewait le Daubé, et un peu aussi Geneviève Fioraso, ministre à la place des autres. Toute la rédaction du torchon s’est prise en photo en plein « face-à-face » avec elle. On se doute que ça a dû être une joute verbale sans pitié… Les journalistes aiment se mettre en scène, c’est précisément ce qui fait d’eux autre chose que des journalistes.
Au programme : un « balayage de l’actualité nationale et locale ». Et locale. Et aussi locale. La nomination de Fioraso au ministère des cerveaux, l’ambiance à l’Élysée, Soitec, STmicro, le plan Nano2017… et le Lyon-Turin. Tient ? Fiofio serait-elle devenue ministre de l’industrie, ou des transports ? Non : après Bernard Soulage (2), Jacques Chiron (3) et Michel Destot (4), voilà encore une huile Grenobloise qui apporte son soutien à ce projet de LGV, qui ne passe pourtant pas du tout à Grenoble. Attention, les élus Grenoblois vont finir par en parler plus que ceux de Lyon, Chambéry et Turin réunis. Et on pourrait finir par trouver ça louche.

Voyons donc ce que nous en dit Fiofio, représentante de commerce pour le CEA au gouvernement :

1. D’abord, elle commence soft, en précisant que « l’opposition au Lyon-Turin est une forme de conservatisme ». Ha oui, jusque là tout est vrai : l’opposition aux grands projets industriels vise bien à conserver des terres agricoles, des espaces naturels, des modes de vie décents basés sur le développement local. Un point pour Fiofio.

2. Ensuite, ça se gâte quand elle joue la carte du développement durable, à propos du « frêt, qui est bon pour notre planète ». On suppose qu’elle veut parler du transfert modal (cad transporter des marchandises sur des trains plutôt que sur des camions). Mais elle a dû être mal renseignée, y a un sous-fifre qui a oublié de lui passer la fiche qui dit que ça existe déjà, et que ça marche pas du tout. Faut pas causer des dossiers qu’on connaît pas, sinon on glisse.

3. Suit l’habituel chantage à l’emploi : le projet va « faire travailler un certain nombre de personnes ». Le nombre est plutôt incertain, justement : LTF annonce 10 000 emplois sur dix ans pour l’ensemble du projet, dont 3500 pour le tunnel international au maximum du chantier. On est sympa : même avec ce chiffre très optimiste (les travaux du tunnel suisse du St-Gothard en 2009 n’ont employé que 1000 personnes en pointe), c’est un investissement de 2,4 millions d’euros par emploi créé. Un peu cher non ? Et combien d’emploi dans l’agriculture ou le tourisme ne seront pas créés dans les territoires détruits par les travaux ?

4. Et puis elle lance un slogan, qui tonne comme un coup de canon : « Il faut désenclaver Grenoble ». Ha bon. Pourquoi, on a bouché la vallée du Grésivaudan ? Le Vercors et la Chartreuse ont fusionné la nuit dernière ? Désenclaver Grenoble … pourquoi pas désenclaver Lyon, ou Paris tant qu’on y est. Ils ont d’ailleurs l’air tout coincés, les Lyonnais, dans leurs collines, faut vite faire quelque chose pour eux. En fait, dans ce cas précis, désenclaver signifie raccourcir le trajet Grenoble-Paris d’1/4 d’heure. C’est vrai que c’est fondamental, surtout pour elle qui passe ses semaines « dans des trajets TGV entre Grenoble et Paris »… À l’heure ou le pays entre en récession, il faut de bonnes infrastructures de transport à nos polichinelles d’état pour qu’ils puissent répondre à des journaleux béats.
Fioraso va même jusqu’à dire que « si on fait cet investissement et qu’on n’en profite pas pour désenclaver Grenoble, on est les rois des c… » (sic). Ha, non, pour l’instant vous n’êtes que ministre, mais vous avez de l’ambition.

(1) Toutes les citations sont tirées du Daubé du 8/01/13.
(2) http://www.no-tav-savoie.org/2012/1…
(3) http://grenoble.indymedia.org/2012-…
(4) http://grenoble.indymedia.org/2012-…

Publié sur Indymedia Grenoble le 8 janvier 2013.

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Nanotechonologies, métropole alpine et grande vitesse

Attention ! Michel Destot fait quelque chose.

M. Destot nommé rapporteur à l’Assemblée pour le Lyon-Turin.

Tout vient à point à qui sait attendre : même à Michel Destot, qui après 14 années de députation n’a à peu près aucun fait d’armes à son actif à l’Assemblée et se traîne une réputation de parlementaire fantôme ; même à lui, qui après les présidentielles a vu s’envoler tous ses rêves de portefeuilles ministériels. Aujourd’hui, le voilà contraint de ramasser les miettes : voilà qu’il vient d’être nommé « Rapporteur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Italie pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin ». Le maire de Grenoble, ancien ingénieur nucléaire au CEA et fervent promoteur des nano et bio-technologies, a toujours été un soutien du bétonnage des territoires : c’est assez logique de le retrouver impliqué dans un projet aussi inutile et néfaste que le Lyon-Turin. Il y a quelques mois, nous avions déjà épinglé Jacques Chiron, un autre élu Grenoblois lors d’une séance de promotion publique. M. Chiron est d’ailleurs, en tant que représentant de la ville de Grenoble, membre de la Transalpine. La Transalpine est un lobby composé d’industriels et de politiques, présidé par le PDG de Danone. Ce lobby « a pour objet de mener toute action de nature à faciliter ou accélérer la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ». Apparemment, le lobby en faveur de la LGV a bien fonctionné à Grenoble.

La LGV Lyon-Turin, l’ombre du sillon alpin.

En décembre 2003, l’État a retenu la candidature du Sillon alpin comme « métropole européenne émergente », et ses promoteurs s’investissent déjà dans toutes sortes de projets communs, tels que « la liaison ferroviaire Lyon-Turin qui confirmera la position de métropole européenne du Sillon alpin ». La cause du Val de Suse est notre cause. La destruction de cette vallée alpine sur l’autel de la très grande vitesse économique n’est qu’une des conditions nécessaires à la destruction du sillon alpin. M. Destot et M. Chiron sont par ailleurs les promoteurs du projet « sillon alpin ». Le « sillon alpin » (nom donné à la zone s’étendant de Valence à Genève) est un projet à long terme consistant en la création d’une ville unique (une « conurbation », dirait M. Destot) sur 200 km. Pour réaliser ce projet, il serait nécessaire de construire des routes, des ponts, des tunnels, des immeubles… Mais que la ville soit pratiquement partout, n’empêcherait visiblement pas qu’il faille aller toujours plus vite pour s’y rendre. Pour ceux qui souhaitent habiter une ville de 200 km de long et de 2 millions d’habitants, il est donc nécessaire de construire des infrastructures de transport à la hauteur de leurs ambitions. Des infrastructures telles que la LGV Lyon-Turin. Ces deux projets vont de pair, et suivent d’ailleurs la même logique : la destruction de notre territoire.

Bien sûr, M. Destot nous soutiendra que ces projets nous apporteront l’emploi, et la croissance, bien qu’il n’y croie pas lui-même. Par contre, il oubliera certainement de vous dire que le trafic de marchandise dans les Alpes est en baisse depuis des années, que les sommes d’argent public investies sont démesurées (minimum 26 milliards d’euro, soit deux fois le déficit de la sécurité sociale !), et que ces grands travaux favorisent, en Italie comme en France, les intérêts industriels et mafieux, à notre détriment, aujourd’hui et demain.

Nous nous opposons à ces projets, certes parce qu’ils sont inutiles, coûteux, et néfastes. Mais nous ne voulons ni les amender, ni les améliorer. Seraient-ils gratuits et optimisés que nous n’en voudrions pas non plus, parce qu’ils ont été conçus loin du débat public, par les industriels et leurs techniciens, et que leurs intérêts s’opposent en tout à ceux des populations.

No TAV : les vallées qui résistent.

De l’autre côté des Alpes, le Lyon-Turin c’est une vallée occupée par l’armée et la police, une opposition quotidienne et massive, des dizaines de blessés, des habitants noyés sous les gaz lacrymogènes, des personnes arrêtées puis jetées en prison, des entreprises qui s’envolent avec les financements européens… Non pas seulement un projet avançant au mépris des habitants, mais une violence dirigée contre eux. Là bas, en Italie, les choses ont au moins le mérite d’être plus claires.

De ce côté-ci des montagnes, le temps de discuter pour savoir si le Lyon-Turin est souhaitable ou non est déjà écoulé, comme celui des critiques techniques. Après le sommet du 3 décembre 2012, c’est la phase politique du projet qui commence, et nous devons plutôt employer notre temps à savoir comment nous nous y opposons. Comme en Italie, le mouvement des « NO TAV » (no treno alta velocità), né de vingt années de contestation de la ligne, se répand bien au-delà du tracé, parce qu’il est devenu un symbole de la résistance des petits face aux puissants, et de la revendication à une vie décente, qui ne soit pas constamment menacée par les gourous de la croissance. Les élus qui se couchent devant les lobbyistes deviennent aussi responsables des exactions qui accompagnent le chantier côté italien. Il se placent du côté de ceux qui bafouent la démocratie qu’ils sont sensés incarner, de ceux qui usent de toutes les armes dont ils disposent contre les populations qu’ils devaient représenter, de ceux qui font valoir les intérêts privés des industriels contre ceux des habitants.

Comité No Tav Chambéry, décembre 2012.

 

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À toute vitesse ! Sur le projet LGV Poitiers-Limoges et son monde

Attention LGV!

Septembre 2012, les habitants du Poitou-Charentes et du Limousin apprennent que l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique du tracé de la LGV (ligne à grande vitesse) Poitiers-Limoges est repoussée au printemps 2013. Une annonce qui vient après celle du Ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, en juillet dernier, à propos des conclusions de la Cour des comptes qui envisagent la révision, voire l’abandon de grands chantiers tels que sont les LGV car trop onéreux pour l’État [1].

Cette décision paraît être une victoire pour les différents collectifs opposés au tracé prévu alors que pour les fervents défenseurs, au contraire, c’est plutôt un gain de temps suffisant pour encore convaincre du monde de la nécessité d’un tel projet.

En effet, c’est un projet issu d’une volonté politique datant d’une dizaine d’années. Bien évidemment une politique d’aménagement du territoire telle que la traversée d’un train à grande vitesse n’est pas détachée d’enjeux socio-économiques et environnementaux liés au pouvoir et à son idéologie, en l’occurrence le capitalisme. Pouvoir qui depuis quelques années s’obstine à un maillage toujours plus serré du territoire et de ses populations et dont la conception de l’espace urbain est actuellement marquée par le processus de la métropolisation. C’est à dire le fait d’agencer une ville et ses alentours de manière à polariser l’attractivité des structures et des ressources humaines, économiques, techniques, sociales et culturelles. Ce qui entraîne un aplanissement des territoires en réduisant encore plus la dichotomie – déjà largement entamée – entre ville et campagne, par une réorganisation des flux avec de nouveaux moyens de transports collectifs (exemple des BHNS, Bus à Haut Niveau de Service, dans l’agglomération poitevine).

Ainsi, la mobilité, la vitesse et l’immédiateté sont les nouvelles donnes privilégiées de notre époque : un « ordre des choses » qui en plus de maintenir des inégalités de classe, de causer des désastres écologiques, permet une accélération de la circulation (toujours plus rapide) du Capital, et des flux de marchandises, entraînant des altérations de notre rapport à l’espace, au temps et une perpétuation de l’aliénation [2].

Une volonté politique au niveau européen

En 2003, Jean-Pierre Raffarin alors premier ministre parle déjà de ce projet. À vrai dire, c’est le parlementaire Bernard Joly, membre du groupe RDSE (rassemblement démocratique et social européen) et de la Commission des affaires économiques du Sénat, le rédacteur du rapport intitulé «Interconnexions des LGV européennes-Rapport à Monsieur le premier Ministre sur les projets des lignes à grande vitesse en Europe, les enjeux d’interopérabilité et les conséquences de l’ouverture à la concurrence-» [3].

Les mauvaises langues disent que c’est pour faire plaisir à la conseillère générale de Sarran qui n’est autre que Bernadette Chirac, épouse du président de l’époque pour désenclaver son Château de Bity et l’amener directement au Palais de l’Élysée.

Vu le titre de ce rapport l’on peut constater que c’est effectivement un projet d’envergure éminemment transnational, européen que les technocrates veulent imposer. Il s’agit de mettre en place un véritable réseau d’interconnexions et de flux entre les métropoles intermodales du continent. Le but est le parachèvement de l’uniformisation du réseau des transports européens à grande vitesse en établissant un corridor ferroviaire paneuropéen qui relierait la capitale du Portugal, Lisbonne à celle d’Ukraine, Kiev.

C’est en 2009 que la machine se met véritablement en branle, lorsque le projet est déclaré dans le Grenelle de l’environnement [4] (rencontres sous l’égide de Sarkozy entre l’État, collectivités locales, industriels et des bureaucraties d’organisations écologistes) inscrit au SNIT (Schéma National d’infrastructures des Transports), nouvel outil stratégique de planification. Précisons qu’un an auparavant, il y a eu des pressions venant d’élus pour que le projet soit déclaré au Grenelle de l’environnement comme celles de Bernadette Chirac et de Marie-Françoise Pérol-Dumont députée socialiste et présidente du conseil général de Haute-Vienne [5].

En réaction à cette décision, sont nés les collectifs contre la LGV dans la Vienne et en Haute-Vienne. D’autant plus que nombre d’habitants de la région Poitou-Charentes avaient assisté de manière impuissante à la déclaration d’utilité publique de la LGV entre Tours et Bordeaux. Le tracé Tours-Bordeaux qui longe des villages et les villes à proximité de Poitiers fait partie du gigantesque projet de construction de la LGV SEA (Sud-Europe-Atlantique). Nous n’omettons pas le fait que ce projet est détenu par le groupe LISEA composé de Vinci – bétonneur invétéré – de la Caisse des dépôts et du groupe AXA. Tout ça pour la modique somme de 1,7 milliards d’euros [6].

Propagande et chantage

À partir de là une propagande tambour battant s’enclencha, étant donné que le projet a de nombreux appuis tant au niveau local que national. Et pour cause, ce sont surtout des élus qui ont voté pour le projet et pas des moindres car à l’époque, François Hollande qui n’était pas encore Président de la République mais député-maire de Tulle (Corrèze) est pour le projet. Ainsi que le député-maire de Poitiers Alain Claeys, le maire de Limoges Alain Rodet ou encore le Président de la Région Limousin, Jean-Paul Denanot (joueur d’accordéon à Tulle un soir de victoire électorale) [7].

En plus de l’appui d’élus notables dans les deux régions, Jean Marc Pouzols, chef de mission pour la LGV Poitiers-Limoges à RFF (Réseau ferré de France) a commandé une enquête à l’institut de sondage Ifop (Institut français d’opinion publique) annonçant que 80% des personnes interrogées sont pour le projet même si 71% le jugeaient inutile !

Après, ce fut le chantage économique à l’emploi (et donc au chômage !) comme ce fut le cas pour le tracé entre Tours et Bordeaux dont le consortium consacré à la construction s’est établi à Poitiers pour le bonheur d’Alain Claeys. Ce chantage est réutilisé à chaque fois que des politiques de grands chantiers sont mis en place à l’image de l’aéroport à Notre-Dame des Landes à coté de Nantes, ou du TAV entre Lyon et Turin). Il est accompagné de discours ronflants sur la modernisation de la logistique, des infrastructures et de la rénovation technologique, du développement économique et du progrès humain mais surtout de la nécessité de désenclaver des régions présentées comme perdues sur une carte de France telles que le Limousin et le Poitou-Charentes.

En outre, il n’en fallait pas tant à certains médias pour relayer l’idée que la question de la LGV est déjà pliée, qu’il n’y aura pas de marche arrière, l’a déclaré Alain Rodet à une presse publicitaire pictavienne [8]. Guerre de territoire et/ou guerre psychologique menée contre des opposants dont on voit les tags et inscriptions sur les bords en Sud-Vienne (N147) et les rassemblements, mais qui peinent encore à avoir une assise très populaire dans la ville de Poitiers.

Multiples oppositions, enjeux multiples

Parmi l’opposition au projet, il existe une pluralité de positions et de réflexions. Bien entendu nous soutenons celles et ceux qui s’opposent farouchement au projet et au monde qui l’accompagne. Ceci dit, nous n’occultons pas le fait qu’il y des intérêts divergents au sein des collectifs opposés au projet.

Il y a ceux qui ne sont pas contre le principe d’une construction de la LGV mais s’oppose au tracé choisi car il traverse leur commune chérie. Ceux qui y sont opposés pour des raisons financières : c’est le cas de la Présidente de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal puisque ce sont les collectivités territoriales qui doivent mettre la main à la pâte en ce qui concerne le financement du projet. Cependant si l’État décidait de financer le projet, alors la Présidente serait prête à revoir la question, même si elle reste dubitative quant aux retombées économiques du projet.

De la recomposition d’un paysage rural…

L’argument du financement est un point important pour les élus et pour les administrés que nous sommes : on l’a bien vu lors des élections régionales en 2010 dans le Limousin, la question de la LGV et de son financement ne furent pas un point de détail puisqu’elle provoqua, entre autres raisons, une division de la coalition de gauche conduite par Jean-Paul Denanot en 2004.

En effet, l’ex déchu de l’Élysée qui n’est autre que Nicolas Sarkozy voyant les caisses de l’État un peu vides, a décidé que le financement des LGV serait l’apanage des collectivités locales par le biais des impôts et donc de nos portefeuilles. Soulignons que cette décision fut entérinée par un vote d’élus de droite comme de gauche pour que cette construction se fasse dans le cadre d’un partenariat Public-Privé comme pour la construction du Centre Pénitentiaire Poitiers-Vivonne.

Toutefois, il existe une opposition plus vive et plus critique qui n’exclut pas l’argument économique à travers la question du financement, mais en apporte d’autres. Elle a déjà appelé plusieurs fois à des rassemblements, des manifestations devant des mairies et des préfectures, des envahissements de conseils municipaux afin d’habiter un espace où puisse résonner sa colère et son aspiration.

Elle est incarnée par des associations locales ou nationales écologistes (Amis de la Terre..), citoyennes (Coordination des Riverains et Impactés), des partis politiques (gauche radicale ou Verts [9]), des membres de syndicats ou de simples individus qui ont occupé l’espace public pour se faire remarquer afin de peser contre le tracé. On peut aussi souligner la position de certains élus, comme ceux du Conseil municipal de Peyrilhac (Hautre-Vienne) qui ont fait recours au Conseil d’Etat afin de faire annuler le tracé prévu actuel.

Opposés au projet, ils proposent pour la plupart une alternative qui serait la rénovation de la ligne déjà existante appelée P.O.L.L.T (Paris-Orléans-La Souterraine-Limoges-Toulouse), ce qui reviendrait à débourser 500 millions d’euros, au lieu des 2 milliards pour gagner selon les estimations entre 15 et 20 min. Ça fait cher la minute !

Cette proposition alternative au tracé étatique est accompagnée d’une certaine forme d’expertise sur la question environnementale en démontrant les nuisances qu’engendreraient les travaux de la LGV sur la biodiversité des lieux et de sites classés Natura 2000 (réseau européen qui identifie les espaces où vivent des espèces végétales, animales ou sauvages fragiles donc menacées de disparition). Pour exemples : à Chaptelat en Haute-Vienne, un écosystème est menacé par une déforestation, à Palais sur Vienne toujours en Haute-Vienne, des nuisances provoquées par un viaduc ou bien à Aslonnes dans la Vienne où c’est un agriculteur qui sera gêné. Bref, de nombreuses situations que les administrateurs du désastre ne veulent évidemment pas entendre [10].

« Metropolis delenda est » [11]

« Quand on revoit les mêmes gens plusieurs fois par jour, même si on les ignore, on s’aperçoit que les murs d’une métropole gardent les gens à l’étroit ». Jean-Jules Richard, humoriste quebécois.

Les grands travaux concoctés ces dernières années (LGV, implantation de ligne THT entre la Mayenne et le Cotentin, le réacteur EPR de Flamanville, l’exploitation du Gaz de schiste ou encore l’extension de parcs éoliens dans le Tarn, etc) sont une aubaine pour les politiques et les industriels, ils sont les socles des métropoles c’est pourquoi ils nécessitent des travaux longs et harassants qui absorbent une capacité de main d’œuvre importante en période de crise. C’est cette carte que le gouvernement va tenter de jouer : un modèle économique dépassé tel que le keynésianisme, basé sur le vieux mythe des grands travaux rooseveltiens des années 30. C’est ainsi qu’il souhaite faire illusion, du moins jusqu’aux prochaines échéances électorales. Et ce n’est pas le parti bureaucratique Europe Écologie-Les Verts qui va peser sur quoi que ce soit vu leur position sur l’industrie nucléaire. Celle-ci qui par ailleurs se frotte les mains quant à l’éventualité de la construction de ces grands projets pour continuer sa mainmise sur nos existences.

C’est donc avec une volonté et un sens politique à contre-courant, contre l’inertie que s’étaient rassemblées des centaines de personnes à Notre-Dame des Landes pour affirmer une opposition convergente européenne aux « grands projets inutiles » en juillet dernier, en liant les différentes luttes en cours.

La gentrification (phénomène d’embourgeoisement des quartiers à majorité prolétaire) des quartiers ouvriers et/ou populaires des grandes villes de l’hexagone, est aussi liée à celle de la mise en valeur marchande et spectaculaire de villes moyennes et de leurs zones rurales limitrophes, autrement dit une vaste opération de « marketing territorial ». À l’image de la politique de la communauté de l’agglomération poitevine avec sa technopole du Futuroscope, ses Viennopôles et son Cœur d’agglo ! Pour ainsi dire, il n’y a pas de gentrification sans métropolisation. Celle-ci va toujours de pair avec une injonction à un ordre bourgeois, à un mode de vie urbain standardisé par la logique du profit intrinsèque à l’économie capitaliste. Pour qui sont faites les LGV ? C’est souvent ceux qui ont de l’argent – vu le prix d’un billet de train de la SNCF – comme ces cadres dynamiques et mobiles, hommes politiques, bureaucrates ou ingénieurs qui ont de la valeur à revendre.

Eventrer, réaménager le territoire…

En fin de compte, rien de nouveau sous le soleil : la classe possédante, c’est à dire la bourgeoisie pense à ses propres intérêts de classe donc elle « travaille » toujours pour forger le monde à sa propre volonté, sa propre image.

Et ce, de manière duelle, elle intègre et pacifie pour modeler et dominer d’un coté et de l’autre elle exclut, expulse, discrimine.

Donc si réaménager le territoire permet d’éventrer les territoires jusque là non attractifs voire rétifs à la colonisation du Capital et de la marchandise, afin de les quadriller pour rogner sur les solidarités locales et leurs autonomies ; faire fuir et assujettir les populations qui y habitent tout en gagnant de l’argent, c’est parfait.

Les petits malheurs de la LGV Tours-Bordeaux

Source : presse locale

Déjà à l’œuvre depuis le début de l’année 2012, le chantier subit quelques ralentissements. Serait-il frappé par la malédiction ou par la sorcellerie picto-charentaise ? En effet, de biens curieux événements viennent troubler le train-train quotidien du chantier :

-Avril 2012 : En Charente, une quinzaine de véhicules endommagés sur un chantier du coté de Roullet Saint-Estèphe, à base de terre, de coupures de câbles et de graissage.

-Août 2012 : Trois véhicules (deux camions et un tractopelle) appartenant au groupe COSEA qui participe à la construction de la LGV ont été entièrement incendiés au niveau du Rond-Point de la Folie à au Nord de Poitiers.

-Septembre 2012 : Découverte d’amphibiens, les tritons de blasius, espèce rare et protégée qui a nécessité un arrêt temporaire du chantier.

-Septembre 2012 : Un matin dans la commune d’Avanton dans la Vienne, en allant au boulot,un travailleur de la société Colas Rail filiale du groupe Bouygues, a été gravement brûlé (et amputé) par l’explosion de sa bagnole causée par une bouteille d’acétylène.

_________________________________________________

1. «Le gouvernement pourrait annuler certains projets LGV», Le JDD, le 11/07/12.

2. «Accélération.Une critique sociale du temps» Hartmut Rosa, La Découverte, 2010.

3. Disponible sur le site de La Documentation Française.

4. Lire à ce sujet la brochure « Notes sur l’écologisme d’Etat et le capitalisme vert », du Collectif contre la société nucléaire, disponible sur : www.infokiosques.net

5. Journal Officiel, Question orale/Assemblée Nationale, Séance du 03/06/08.

6. « La LGV reste sur les rails », La Nouvelle Republique, le 04/10/12.

7. Il a interprété « La vie en Rose » d’Édith Piaf, le soir de la victoire de Hollande.

8. «LGV Poitiers-Limoges : le Maire de Limoges est confiant», 7 à Poitiers, le 13/07/12.

9. Au sein des partis tels que EELV ou Parti Communiste, il y a des différences de positions selon les départements.

10. Reportage France 3-Limousin-Midi Pile-du 08/01/11

11. « La métropole est à détruire » vu à la manifestation du 24 mars 2012 à Nantes contre l’aéroport Notre-Dame des Landes.

Publié le 19 décembre 2012 sur L’épine Noire.

Publié dans En France, Textes & Analyses | Marqué avec , , , , , | Commentaires fermés sur À toute vitesse ! Sur le projet LGV Poitiers-Limoges et son monde

Lyon-Turin : comment Hollande s’apprête à dépenser 11 milliards pour que les businessmen prennent le train

Relier Lyon et Turin en deux heures, une belle idée… au coût pharaonique de 26 milliards d’euros ! C’est pourtant bien ce que comptent dépenser les gouvernements français et italien pour creuser une ligne à grande vitesse sous les Alpes. Prévisions de trafic marchandises à la baisse, conflits d’intérêts, perte de foncier agricole, absence de débats publics, pollutions de la vallée de l’Isère et de la Maurienne… Les opposants dénoncent un « grand projet d’inutilité publique ». Enquête.

C’est un projet d’infrastructure gigantesque, déjà vieux de vingt ans. La réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin prévoit notamment de creuser sous les Alpes le plus long tunnel d’Europe (57 km). Initié au début des années 90 par François Mitterrand, le projet a été remis au goût du jour ces derniers mois par François Hollande. Le 3 décembre, aux côtés du président du conseil italien Mario Monti, il a réaffirmé l’intérêt du projet transalpin avec la signature d’une « déclaration commune relative au tunnel Lyon-Turin ». François Hollande vient ainsi d’engager l’État français à financer 42 % du projet. Soit 11 milliards d’euros ! Objectif de cette dépense : relier Lyon et Turin en 2h, Paris et Milan en 4h30.

Côté italien, le projet suscite une vaste opposition de la part des « No Tav » (pour Treno a alta velocità, train à haute vitesse). Entre occupations de chantier, batailles rangées contre les forces de l’ordre et manifestations de milliers de personnes, ils sont parvenus à retarder de plusieurs années le lancement des travaux. « Notre-Dame-des-Landes et No Tav sont deux luttes sœurs. On retrouve le même activisme des gouvernements à empêcher toute expression par la force militaire », estime Paolo Prieri, l’un des coordinateurs italiens de la lutte. En France, la contestation monte. Mais la militarisation de la répression va bon train.

Des milices privées pour protéger le chantier ?

Le gouvernement italien, soucieux de démarrer rapidement le chantier – à cause d’une possible annulation de subventions européennes – a mobilisé 2 000carabinieri en juin dernier pour protéger les débuts des travaux : le percement de la galerie de la Maddalena, à proximité de Suse. Le coût du dispositif policier avoisinerait les 868 millions d’euros, pour 56 mois de travaux, rapporte le site La voix des Allobroges. Les travaux sur cette galerie sont estimés à 143 millions d’euros…

Le chantier de la ligne Lyon-Turin pourrait-il prendre la tournure d’une « zone militaire d’intérêt stratégique » des deux côtés de la frontière ? Une filiale commune de Réseau Ferré de France (RFF), qui gère le réseau ferré national, et de son homologue italien Rete Ferroviaria Italiana, la société LTF (Lyon Turin Ferroviaire) est « en charge des études et des travaux de reconnaissance »pour la section transfrontalière de la ligne de chemin de fer. Ses prérogatives semblent aller plus loin. En septembre 2012, cette société a émis un appel d’offre d’une valeur d’1,8 million d’euros pour « le support logistique aux forces de l’ordre présentes dans la zone de chantier ».

Via ce marché, RFF va donc contribuer à la rémunération de forces de l’ordre privées pour sécuriser le chantier côté italien. « C’est très grave, souligne Paolo Prieri, d’autant que cela se fait dans l’opacité la plus totale. Mais les pressions n’auront pas de prise sur nous, nous sommes résolus. »

Un coût similaire au déficit de la Sécurité sociale

Le coût de la sécurité du chantier alourdit une note déjà bien salée. Le tunnel entre l’Italie et la France a été d’abord évalué à 8,5 milliards d’euros. Mais les« coûts prévisionnels sont en forte augmentation », pointe la Cour des comptes, qui a adressé un référé au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en août dernier. L’estimation du coût global est passée de 12 milliards d’euros, en comptant les accès au tunnel côté français et le renforcement des règles de sécurité dans les tunnels, à 26 milliards !

Le coût de la seule partie française serait supérieur à 11 milliards d’euros, soit l’équivalent des prévisions du déficit de la Sécurité sociale en 2013. La Cour des comptes prévoit une réévaluation, car ce budget ne prend pas en compte les difficultés géologiques, révélées par les premiers forages. Plus grave : « Les données disponibles concernant le projet ferroviaire Lyon-Turin ont difficilement permis d’apprécier l’évolution des coûts », relève la Cour des comptes. Plus de dix millions d’euros auraient été versés pour le creusement de la galerie de Venaus qui n’a jamais vu le jour, pointe l’hebdomadaire Politis. Une illustration de la gestion douteuse du projet par son maître d’ouvrage, la société Lyon-Turin Ferroviaire.

Malgré ces réserves, Jean-Marc Ayrault persiste et signe. Dans sa réponse à la Cour des comptes, datée du 8 octobre, il réaffirme la volonté du gouvernement de réaliser le tronçon de ligne grande vitesse. Il reconnaît pourtant que « le budget nécessaire à la réalisation de ce grand projet est considérable, spécialement à un moment où le niveau des dépenses publiques doit être maîtrisé. En conséquence, une participation importante de l’Union Européenne au financement du projet est indispensable ». La participation financière européenne dépend du futur budget européen 2014-2020. Parallèlement, l’Élysée envisagerait un recours aux crédits de la Banque européenne d’investissement et à des emprunts obligataires. Bref, s’endetter davantage dans le seul but de relier Lyon et Turin en 2h…

Un projet écologique ?

Le gouvernement Ayrault justifie cet investissement faramineux par sa volonté de réduire le trafic routier – et les émissions de CO2 – avec un transfert vers le rail.« Toutes les études ont tablé sur une croissance inéluctable du trafic routier. Mais dans les faits, le trafic des marchandises diminue sur l’axe Lyon-Turin », rétorque Daniel Ibanez, de la coordination des opposants. En 2011, le transport des marchandises était effectivement équivalent à celui de 1988 [1]…

« Le risque de saturation des infrastructures existantes n’est aujourd’hui envisagé qu’à l’horizon 2035 », confirme la Cour des Comptes. De quoi remettre sérieusement en question la pertinence du projet. La ligne existante n’est utilisée qu’à 20 % de sa capacité, renchérissent les opposants. Qui suggèrent de construire des plateformes de chargement, de favoriser le transport combiné, ou d’imposer le remplissage des camions… La Cour des comptes va dans le même sens en proposant « de ne pas fermer trop rapidement l’alternative consistant à améliorer la ligne existante ». Les opposants à la LGV Lyon-Turin soulignent que 90 % des émissions de CO2 en Savoie et Haute-Savoie proviennent des automobiles et poids lourds de desserte régionale, contre 10 % pour le trafic poids lourds franco-italien. « Il ne s’agit pas de ne rien faire mais au contraire de faire immédiatement, en commençant par investir dans les transports collectifs de proximité », estiment les No Tav. Les 11 milliards n’y seraient-ils pas mieux investis ?

Utilité publique pour business privé

Le jour où la Cour des comptes confirmait un coût supérieur à 11 milliards d’euros pour la France, la commission d’enquête rendait son avis favorable. L’aspect financier étant essentiel pour l’appréciation de l’utilité publique, pourquoi la commission d’enquête n’a-t-elle émis aucune réserve ? Plusieurs conflits d’intérêts entachent le dossier. Dans son rapport, la commission d’enquête incite fortement RFF, le maître d’ouvrage, à passer un marché avec une entreprise de travaux publics dirigée… par le frère d’un des commissaires enquêteurs ! Le Canard enchaîné, qui a révélé l’affaire le 3 octobre dernier, indique que le coût de cette opération pourrait générer « un chiffre d’affaires de 20 à 50 millions d’euros ».

Les opposants pointent d’autres conflits d’intérêts chez les membres de la commission d’enquête [2]. Son président, Pierre-Yves Fafournoux, a également participé au travail sur le contournement ferroviaire autour de Lyon (CFAL), dont la rentabilité dépend de la réalisation de la LGV Lyon-Turin [3]. « Comment avoir une appréciation impartiale des projets CFAL et Lyon-Turin en ayant instruit dans une décision récente une forte dépendance économique entre les deux projets d’investissements d’un même maître d’ouvrage ? », interrogent les opposants. Dans son référé du 5 novembre, la Cour des Comptes rappelle que les intervenants ne devaient avoir « eu à travailler sur le dossier et [n’avoir] pas de conflit d’intérêt au regard des suites du projet ». Les No Tav demandent l’annulation de l’enquête publique.

3 millions de m3 de déchets entassés dans les villages

Trois descenderies et des couloirs de forage ont déjà été creusés sur le territoire français, dont une à Villarodin-Bourget (Savoie). « 400 000 m3 de déblais sont stockés en contrebas de notre commune alors qu’il ne devait en rester aucun », s’emporte le maire Gilles Margueron. « Avec le creusement de la ligne de train, on va se retrouver avec 3 millions de m3 sur les bras ». Résultat : un paysage défiguré, avec des conséquences sur l’activité économique et touristique du village. « Quand on demande à ce que ces déblais soient entreposés plus loin, on nous répond que cela alourdirait le bilan carbone du projet », ironise le maire, désabusé.

Sur la commune savoyarde d’Avressieux, on se demande aussi où seront stockés les millions de mètres cubes de remblais. Certaines maisons de la commune ont été détruites, d’autres deviendront invivables. « Des voies avec 100 mètres d’espacement vont être construites dans la zone humide afin de protéger les grenouilles », remarque Richard Mangeolle engagé dans le collectif local d’opposition. « Franchement, il vaut mieux être une espèce protégée qu’un être humain pour ce projet ! En saucissonnant les financements par tronçons, ils saucissonnent aussi les luttes ».

11 milliards d’euros pour 3 000 emplois précaires

Les défenseurs de la LGV ont annoncé jusqu’à 30 000 emplois directs générés par le chantier, entre 2014 et 2021 [4]. Des chiffres revus à la baisse par Louis Besson, président de la Commission intergouvernementale Lyon-Turin : après avoir promis 10 000 emplois, il a admis qu’il n’y aurait que 3 000 emplois créés. Soit, rapporté au coût du projet, 3,7 millions d’euros par emploi… Des emplois qui ne dureront que le temps du chantier, quand ceux dans le tourisme et l’agriculture seront détruits. « Le foncier est l’outil de travail des paysans,souligne dans un communiqué la Confédération Paysanne de Savoie et de Haute-Savoie, fermement opposée au projet. Il en va dans le cas du projet Lyon-Turin de la dévastation de 1 500 hectares sur l’ensemble d’un tracé qui éliminera les paysans, détruira l’activité économique et la vitalité d’un territoire ».

Ce front agricole s’est élargi fin novembre aux Jeunes agriculteurs et à la FDSEA de Savoie qui « confirment leur position de rejet du projet Lyon-Turin et mettent en cause le bien fondé de ce projet inutile ». Des organisations environnementales rejoignent l’opposition, comme France Nature Environnement, pourtant inflexible défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Dans une lettre, ils demandent au ministère de l’Écologie l’ouverture d’un débat public sur les transports alpins.

EELV, le Parti de gauche et des élus UMP s’inquiètent

Côté PS, on demeure inflexible. « Il serait incompréhensible que la France renonce au Lyon-Turin pour lequel 800 millions d’euros ont déjà été mobilisés », peste Jean-Jacques Queyranne, le président (PS) de la région Rhône-Alpes. Autant donc dépenser les 10,2 milliards d’euros qui restent. Plusieurs élus et partis politiques commencent cependant à sérieusement s’inquiéter. Les écologistes de la région Rhône-Alpes, d’abord favorables au projet, font volte-face. « Les infrastructures nouvelles sont prédatrices d’espace, d’énergie et de deniers publics, déclare Europe Écologie dans un communiqué, elles doivent être proportionnées aux besoins présents et raisonnablement estimables à l’avenir. » Le Parti de Gauche demande un moratoire sur le projet. Le député UMP de Savoie Dominique Dord, maire d’Aix-les-Bains, se demande aujourd’hui s’il n’y pas eu « abus de conscience ». Il demande à RFF de se prononcer sur les hypothèses d’augmentation du trafic de marchandises. « S’il n’y a pas d’augmentation, voir même une légère baisse, je considérerai que j’ai été abusé par les experts ».

Un projet « très ambitieux »« un pilotage insuffisant », des coûts prévisionnels« en forte augmentation », des prévisions de trafic « revues à la baisse », une« faible rentabilité socioéconomique », un financement « non défini » : autant de réserves émises par la Cour des comptes et appuyées par le travail de fond mené par les membres de No Tav. Si le projet n’a fait jusqu’ici l’objet d’aucun débat public, François Hollande devra néanmoins passer par le Parlement pour ratifier l’accord signé entre Mario Monti et Nicolas Sarkozy en janvier 2012. Pour l’italien Paolo Prieri, « le problème qui est posé n’est pas seulement celui d’une ligne à grande vitesse mais d’un grand projet d’inutilité publique ».

Sophie Chapelle ( Basta!)

Notes

[1] Selon l’Office fédéral des transports suisse, le tonnage de marchandises transportées entre la France et l’Italie en 2011 est égal à celui de 1988 dans les Alpes du Nord. Lire à ce sujet la contribution rédigée par le collectif BOLGV, membre de la coordination contre la ligne nouvelle.

[2] Les membres de la commission d’enquête sont les suivants : Pierre-Yves Fafournoux (Président), Anne Mitault (remplaçant le Président en cas d’empêchement), Pierre Blanchard, Raymond Ullamann, Guy De Vallée, Claude Chevrier, Gérard Blondel, Guy Truchet, Yves Cassayre, Philippe Gamen, Alain Kestenband, Guy Gastaldi, Jean-Paul Gout.

[3] Le rapport d’enquête qui en est issu donnait un avis favorable en estimant que le taux de rentabilité interne du CFAL était « très dépendant (…) en particulier de la réalisation de la voie Lyon-Turin »

[4] Source : Journal Rhône-Alpes – N°25 – été 2012. Numéro spécial Grands projets.

source : Comite pour une Nouvelle Resistance.

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[Chine] « Voilà les nouvelles lignes à grande vitesse…. »

La Chine inaugure la plus grande ligne TGV du monde

La Chine a officiellement ouvert ce mercredi la ligne ferroviaire à grande vitesse la plus longue du monde reliant Pékin à Canton, dans le sud du pays, un trajet long de 2298km. Selon BBC News, cette nouvelle ligne est une des plus avancées au monde sur le plan technique. Les rames devraient atteindre les 300km/h permettant ainsi de relier les deux villes en moins de 10 heures alors qu’il en fallait 22 précédemment.

Le réseau ferroviaire chinois est en pleine expansion. Mais ce projet ambitieux n’a pas été sans controverses. Des allégations de corruption ont en effet entaché le projet et quarante personnes ont péri lors d’un accident sur une ligne à grande vitesse dans la province de Zhejiang à l’est du pays.

27/12/12 (Leur Presse, GoodPlanet)

 

Wang Mengshu : le coût du projet du TGV Beijing-Guangzhou pourrait s’élever à près de 400 milliards de yuans [49 milliards d’euros]

La ligne ferroviaire à grande vitesse entre Beijing et Guangzhou est officiellement entrée en service le 26 décembre, mettant un point final à ce projet d’une durée de 7 ans et demi, depuis le début des travaux en 2005 sur le premier tronçon entre Wuhan et Guangzhou.

Nombreux sont ceux qui souhaitent que ce projet prévale sur les autres lignes à grande vitesse, qui fonctionnent généralement à perte, et qu’il devienne un cercle vertueux exemplaire en termes financiers.

Wang Mengshu, académicien à l’Académie des travaux publics, est à priori optimiste quant à la rentabilité du projet : «L’exploitation du projet est satisfaisante. Le nombre des passagers a atteint plus de 50% de la capacité d’accueil. Le projet devrait être rentable d’ici dix ou douze ans ». Pourtant, Wang Mengshu a avoué que le financement du projet était principalement basé sur les crédits. « Les intérêts seront très lourds à porter, on parle ici de plusieurs milliards de yuans par an. »

Selon les estimations de l’académicien, le coût du projet pourrait s’élever à près de 400 milliards de yuans [49 milliards d’euros], un montant qui couvre surtout « les travaux publics et la construction des trains ». « 90% du financement proviennent des crédits du ministère des Chemins de fer, et les 10% restants de fonds propres locaux. »

C’est une fois de plus un investissement colossal qui repose sur un endettement très important. Le ministère des Chemins de fer s’est lourdement endetté pour accélérer la réalisation des projets de lignes de train à grande vitesse. Au troisième trimestre de 2012, le ministère s’était endetté à hauteur de 2660,7 milliards de yuans, ce qui représente un taux d’endettement de 61,81%.

Par conséquent, le ministère doit rassembler des fonds énormes pour rembourser les intérêts. Le ministère a par exemple dû débourser 133 milliards de yuans au troisième trimestre de cette année pour rembourser son emprunt, et les intérêts représentaient à eux seuls 24,9 milliards de yuans.

 28.12.2012 ( Leur Presse, China.org.cn )

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8 décembre 2012 – Nouvelles actions No-TAV dans le Val de Suse

Rien n’arrête les No-TAV : après l’épisode en demi-teinte du rassemblement à Lyon le 3 décembre, un nouveau temps fort du mouvement s’est joué ce week-end dans le Piémont.

« Et ça continue encore et encore… »

Ce samedi 8 décem­bre 2012, avait lieu une jour­née d’action No-TAV du coté ita­lien. Pourquoi ce jour ? Parce que depuis plu­sieurs années, le 8 décem­bre est deve­nue une date emblé­ma­ti­que de la puis­sance que peut déployer le mou­ve­ment No-TAV. Cette date cor­res­pond à l’anni­ver­saire de la reprise du cam­pe­ment de Venaus par des dizai­nes de mil­liers d’habi­tants de la vallée en 2005. « Reprise » car ce camp No-TAV, mis en place à l’époque pour empê­cher le forage d’une pre­mière gale­rie dans la vallée, venait d’être expulsé vio­lem­ment en pleine nuit un jour plus tôt. Cette nuit-là, la répres­sion poli­cière fut pour une fois démo­cra­ti­que puis­que jeunes gens et vieillards furent également roués de coups et passés à tabac par les cen­tai­nes de poli­ciers et cara­bi­niers arri­vés sur place.

L’inter­ven­tion de la police et l’expul­sion du pre­si­dio [1] de Venaus et de ses deux cents occu­pants pro­vo­qua un sou­lè­ve­ment popu­laire dans la vallée et bien au-delà. Les réac­tions et les actions de soli­da­rité se mul­ti­pliè­rent dans toute l’Italie [2], allant de grèves sau­va­ges dans des écoles et cer­tai­nes usines, à des blo­ca­ges et des mani­fes­ta­tions de rue. Décision fut prise de réoc­cu­per sans plus atten­dre le cam­pe­ment qui mena­çait de se trans­for­mer en futur chan­tier de la ligne TGV…

« L’instant d’après le vent se déchaîne… »

Le 8 décem­bre 2005, en l’espace de quel­ques heures, les flics sont débor­dés. Des dizai­nes de mil­liers de mani­fes­tants arri­vés par les sen­tiers ennei­gés encer­clent le camp. Partout des gens qui déva­lent la mon­ta­gne. La police n’arrive plus à gérer et à conte­nir la foule. Même les lacry­mos sont peu effi­ca­ces en raison du fort vent. Le camp poli­cier est lit­té­ra­le­ment pris d’assaut et repasse aux mains des No-TAV. Les flics qui ne sont pas enfuis, sont obli­gés de quit­ter le camp en file indienne, entou­rés de chaque coté par des habi­tants de la vallée qui les insul­tent. Immédiatement com­men­cent les tra­vaux pour recons­truire le pre­si­dio et détruire les équipements poli­ciers aban­don­nés sur place. De gros­ses bar­ri­ca­des avec des arbres sont érigées sur la route pour pré­ve­nir tout retour ennemi. Le Val de Suse vient de rem­por­ter l’une de ses plus gros­ses vic­toi­res sur le ter­rain de l’affron­te­ment brut avec l’État Italien.

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Le Parti de l’Ordre en difficulté face aux manifestants No-TAV (Venaus, 2005).

Depuis cette date his­to­ri­que, le mou­ve­ment No-TAV a donc pris l’habi­tude de célé­brer chaque année ce succès, comme il prends le temps, chaque année depuis 1998, de se sou­ve­nir, lors de mar­ches aux flam­beaux, d’Edoardo Massari et de Maria Soledad, tous deux accu­sés d’être, avec d’autres, les auteurs de mul­ti­ples actes de sabo­tage sur des chan­tiers du TAV et retrou­vés « sui­ci­daires », l’un dans la prison de la Valette (Turin), l’autre dans sa rési­dence sur­veillée.

Cette année, plu­sieurs rendez-vous avaient été donné par voie de tracts.

Dans le pre­mier, une grosse cen­taine de gens se sont retrou­vés à Chiomonte pour blo­quer l’auto­route Turin/Bardonecchia. Au début, un seul sens de la cir­cu­la­tion est coupé puis très vite les deux. Même blo­qués dans leurs voi­tu­res, per­sonne ne s’énerve, on sort pour dis­cu­ter, cer­tains auto­mo­bi­lis­tes allant jusqu’à saluer et encou­ra­ger les mani­fes­tants. Avant de partir, une heure plus tard, les armoi­res électriques du tunnel auto­rou­tiers sont toutes incen­diées. On aime déci­dé­ment pas la vitesse dans cette région. Toute au long de l’action, la pré­sence poli­cière est quasi-inexis­tante, une pre­mière voi­ture de cara­bi­niers est chas­sée à coups de mena­ces et de boules de neige avant qu’une deuxième, à la fin, soit chas­sée à coups de pier­res dans les vitres.

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Le deuxième ras­sem­ble­ment par­tait de Giaglione avec pour objec­tif d’aller jusqu’au chan­tier. Rapidement bloqué par la police, le cor­tège finit par s’intro­duire en fin de jour­née dans le chan­tier mais est repoussé par un canon à eau et des gaz lacry­mo­gè­nes.

« C’est que le début d’accord d’accord… »

La force de la tech­ni­que du blo­cage est d’être réa­li­sa­ble à peu et de pou­voir se répan­dre assez vite en plu­sieurs points d’un ter­ri­toire, là où la bataille de Venaus de 2005 s’était réa­li­sée en un seul point et à l’aide du nombre (plu­sieurs dizai­nes de mil­liers de per­son­nes) ; à chaque fois, le point commun de ces actions, c’est que ce sont les gens qui les déci­dent et les effec­tuent eux-mêmes, sans média­tion, avec la simple intel­li­gence de la situa­tion. Et à chaque fois, c’est la poli­ti­que clas­si­que en état de déla­bre­ment avancé qui se trouve mis à mal, délé­gi­timé [3]. Devant la déter­mi­na­tion du mou­ve­ment et l’enli­se­ment du pays, le Président du Conseil des Ministres et père de la rigueur économique ita­lienne [4], Mario Monti, vient de jeter l’éponge et d’annon­cer sa pro­chaine démis­sion !

Et comme une bonne nou­velle n’arrive jamais seule, les deux der­niers inculpés de la vague d’arres­ta­tions liée aux mani­fes­ta­tions du 3 juillet 2011 dans le Val de Suse, Maurizio et Alessio, vien­nent d’être libé­rés début décem­bre. Ces deux cama­ra­des auront fait pra­ti­que­ment un an de déten­tion pré­ven­tive. Leur procès, comme celui des qua­rante trois autres inculpés, doit se tenir à Turin le 21 jan­vier pro­chain. Une nou­velle occa­sion de se retrou­ver.

Notes

[1] Campement.
[2] Comme après l’expulsion policière du presidio de la Baïta Clarea et la chute de Lucca d’un pylône électrique, le 27 février 2012.
[3] Là-bas comme chez nous, la politique institutionnelle est tellement désavouée que certains politiciens en sont à chercher de « faux militants » pour remplir les salles de leurs meetings.
[4] La blague que se font les Italiens en ce moment : que fait Dracula quand il croise Monti ? Réponse : Il fait le signe de croix.

Texte publié sur Rebellyon le 10 décembre 2012.

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Un bilan du 3 décembre par le collectif No Tav Savoie

Lundi 3 décembre 2012, François Hollande et Mario Monti se réunissaient à Lyon en compagnie d’une nuée de ministres, pour entériner le projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin.Quelques jours plus tôt, la Coordination des Opposants au Lyon – Turin organisait son «  avant-sommet  ». A cette occasion, les premiers bus de camarades italien.ne.s tentant de franchir la frontière pour nous rejoindre ont été stoppés net, trois jours avant toute présence présidentielle dans la capitale des Gaules, ce qui a déclenché des réactions d’indignation.

On sait pourtant, d’expérience, que les «  sommets  » entre chefs d’Etat donnent très souvent lieu à une répression aussi féroce qu’absurde.Du côté du pouvoir il n’y avait pas grand-chose à attendre de ce coup de communication du 3 décembre. En effet, une fois les huiles remontées dans leurs avions, ne restait qu’un énième accord de principe au sujet du Lyon – Turin, la promesse de la création d’une nouvelle société gestionnaire (annoncée depuis des années), et les sourires figés d’élus rassurés de faire avancer les négociations sur des contrats de BTP.

Et nous  ? Nous le mouvement NO TAV  ?

Commençons par saluer la ténacité des camarades italien.ne.s, parti.e.s en bus tôt le matin, qui ne sont arrivé.e.s à Lyon que vers 15h, après de multiples contrôles et les premiers coups de matraque au péage de St Quentin Fallavier. Comme à Chambéry en janvier 2006, où plus de 3000 personnes avaient défilé dans les rues du centre-ville, le 3 décembre 2012 a été l’occasion de marquer une nouvelle étape dans la consolidation d’un mouvement NO TAV unique de part et d’autre de la frontière. Car dans cette Europe des polices et de l’argent, les frontières existent encore. La fermeture de la porte au nez des indésirables n’est qu’une piqûre de rappel. Et ce TGV entre la France et l’Italie, s’il existe un jour, ne reliera que ceux qui déjeunent à Paris avant de faire du shopping à Milan. En appel à cette journée du 3 décembre, les NO TAV italien.ne.s clamaient «  cette fois-ci, le Turin – Lyon, c’est nous qui le faisons !  », ce qu’ils ont fait, malgré les nombreux obstacles rencontrés sur leur chemin.

L’accueil à la gare des Brotteaux, lieu du rassemblement, a été à la fois joyeux et glacial. Les italien.ne.s ont triplé le nombre des manifestant.e.s, et ont pu découvrir notre version Socialiste de la répression, celle qui traite les mouvements sociaux au moins aussi bien que sa soeur de droite. En un rien de temps la place a été bouclée et transformée pour quelques heures en une prison à ciel ouvert, froide et humide. C’est entouré.e.s de RG, de la Brigade Anti-Criminalité, de commissaires, d’infiltré.e.s, de centaines de CRS, Gardes Mobiles et du RAID que pétards, feux d’artifices, fanfare et prise de paroles se sont déroulées, peinant à couvrir le bruit des hélicoptères qui volaient bien bas ce jour là. Dans ce décor, on ne pouvait que se féliciter que la Coordination ait renoncé, au dernier moment, à envoyer une délégation discuter avec des représentants du gouvernement. Le dénouement est arrivé pour nous vers 19h, quand une des grilles anti-émeute s’est généreusement ouverte et que les bus italiens ont été évacués et gazés par les policiers montés à bord. Les dernier.e.s opposant.e.s présent.e.s ont quitté la place et ont été interpellé.e.s deux rues plus loin. Sept heures à piétiner, une cinquantaine d’arrestations  : un bilan bien mitigé.

Après cette journée difficile, il nous faut passer à autre chose, aller de l’avant. Le Collectif NO TAV Savoie réaffirme donc haut et fort la nécessité de continuer le combat contre le Lyon – Turin côté français. Comme en Italie, c’est par la multiplication, tout au long du tracé, de Comités de lutte indépendants, déterminés et organisés que nous poursuivrons la construction du mouvement NO TAV.

A sara düra  !

publié sur No TAV Savoie (15/12/12).
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Communiqué du comité NoTAV 69 : constat et appel à monter à la Zad

Le 3 décembre, un millier de personnes en lutte contre le TAV s’est rassemblé à Lyon, en marge du sommet franco-italien destiné à finaliser le financement du projet.

12h : les stands se mettent en place : thé, café, soupe, tables de presse… Les No TAV arrivent progressivement. Apparaissent dans les arbres des banderoles : « TAVoulu la guerre, ZAD’apprendra », « TAVu, on est là ! », « Si vous prenez la ZAD on executre les oTAV »… En face, il y a les grands classiques du maintien de l’ordre pour les contre-sommets. Il y a la zone rouge, les habituelles grilles anti-émeutes, le canon à eau, les hélicoptères, des policiers et des gendarmes aussi loin que les regards peuvent aller le long des 6 avenues donnant accès à la place. Pour l’occasion, l’espace Schengen est suspendu. L’opération médiatique qui précède et annonce le dispositif policier agite l’épouvantail de « l’ultra-gauche », des « violents ». Les bus des No TAV italiens sont arrêtés plus de cinq heures à la frontière. Il y a aussi la répression préventive : filatures, surveillances des lieux et maisons collectives, fouilles et arrestations en masse le matin du rassemblement. Tout est sous contrôle, chef ! Il y aurait de quoi rire et trouver ridicule une telle mascarade s’il ne s’agissait pas en fait d’un parfait exemple du maintien de l’ordre. Alors, la soupe et le café ont bien du mal à réchauffer l’ambiance du rassemblement où les quelques 500 français attendent impatiemment l’arrivée des 11 cars d’opposants italiens sous une pluie fine et continue, face à un dispositif qui se referme peu à peu. 15h : les bus arrivent enfin. Des feux d’artifices sont tirés depuis la place et aussi de l’autre coté des lignes de flics . La place est bouclée afin d’empêcher tout départ en manifestation. Il n’y aura désormais plus moyen de sortir de là autrement que par 2, la tête basse, malgré les tentatives de sorties collectives et les vaines négociations avec les forces de l’ordre. En solidarité les No TAV italiens refusent de partir sans que les No TAV français ne sortent aussi. Le temps passe. Les flics poussent pour contraindre les bus à partir. Gestion sans heurts ou presque. Les coups sont discrètement diffusés avec parcimonie. Ce jour-là, le maintien de l’ordre a des gants de velours. 20H : Les cars italiens sont escortés un à un, avec des flics à l’intérieur jusqu’au péage le plus proche : périph et autoroute vidés et bloqués pour l’occasion. L’illusion selon laquelle la vie serait plus douce sous la gauche et que la gestion policière des conflits serait l’apanage d’une droite décomplexée tombe considérablement à l’eau. Ce rassemblement organisé par les mouvements No TAV français et italien, avec un repas chaud et des prises de parole, semblait porter un habit bien trop grand face au dispositif policier.

Pour autant, l’ampleur de ce dispositif répond à une menace bien réelle que font planer la lutte en Val Susa et celle de Notre Dame des Landes. Cette menace, c’est la constitution de territoires (ZAD, Libre République de la Maddalena), qui sont autant de réalités rejoignables où s’élabore pratiquement dans la lutte une vie hors-contrôle. Le tracé du TAV a eu la malchance d’avoir à traverser le Val Susa dans lequel il s’embourbe depuis plus de 20 ans. Le « Grand Ouest », si cher à Jean-Marc Ayrault, entendait se déployer sereinement jusqu’à St Nazaire. Mais, là aussi, les aménageurs doivent désormais ressortir leur Sun Tzu et les opposants promettent déjà que Notre Dame des Landes sera leur Vietnam. La douceur apparente du développement métropolitain, caractérisée ici par la fluidité d’un déplacement en TGV ou encore le cocooning d’un aéroport, est sérieusement mise à mal quand il s’agit, pour le réaliser, de militariser une zone. A Lyon ce jour-là, à la ZAD ou autour du chantier de la baïta en Val Susa, c’est la même militarisation, ce sont les mêmes grilles avec lesquelles ils tentent de venir à bout de toute opposition déterminée.

La lutte contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes a longtemps pris la forme d’une guerre sourde, avant de devenir, depuis les expulsions, ce territoire au caractère sécessionniste. La zone d’aménagement est désormais un espace où les flux de la métropole ne circulent plus. Une zone qui s’autonomise avec ses propres réseaux de communications, ses complicités inédites où l’argent n’a plus d’importance. Départementales bloquées par des barricades, mise en commun de terres agricoles, cantines collectives, radio pirate : ce sont mille réalités en puissance qui se dessinent. Les cartes sont brouillées. La géographie est devenue une affaire partisane. Ce qui semblerait être des alliances de circonstance face à un projet d’aéroport sont désormais des liens irréversibles.

Se battre contre le TAV, ce n’est pas combattre uniquement la construction d’une ligne TGV. C’est opposer une réalité à une autre. En cela, l’opposition au TAV en France comme celle a OL Land à Lyon doit nécessairement tirer sa force de ce qui se joue maintenant à la ZAD. Ces luttes ne peuvent que se répondre et se nourrir réciproquement comme des fronts ouverts dans une même guerre. C’est d’ailleurs ce qu’ils craignent au plus haut point. C’est pourquoi, il faut se rendre à la Zad mais aussi, depuis là où nous sommes, répandre la conflictualité au coeur même des métropoles. Parce que la commune de la Zad appelle à se multiplier partout, NoTAV 69 est aussi le nom d’un des multiples fronts de notre époque. Toute victoire sera une victoire commune.

Lyon, le 8 decembre 2012, Comité NoTAV 69.

notav69@rebellyon.info 

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Communiqué du comité No TAV Paris : Réflexions « Post-Lyon 03/12/2012 »

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Réflexions « Post-Lyon 03/12/2012 »

A la place Brotteaux ce lundi nous avons tou* veçu une situation irréelle et absurde, encerclés par la police, avec interdiction de manifester et de sortir du lieu de rassemblement, divisés à la nuit tombée,  entre  »italiens sur les bus » et  »français » restant sur place, chargés et identifiés que ce soit dans la place Brotteaux et sur  les bus….

Le rassemblement organisé  par le mouvement No Tav le 3 décembre avait comme objectif de faire entendre la voix de ceux qui depuis longtemps s’opposent  à la construction du TGV Lyon-Turin.

Les comités français et italiens du mouvement No Tav se sont rencontrés et pour unifier et fortifier la lutte du côté français,  et  pour soutenir la convergence des luttes contre les “grands travaux inutiles”. En France il s’agit surtout de la contestation contre la construction de l’aéroport à Notre Dame des Landes, et la logique de la ZAD, devenue un espace  de lutte où le système représentatif et les pouvoirs décisionnels des Etats sont mis en discussion. Le 3 décembre, jour du rassemblement à Lyon, étaient aussi présents des membres du Collectif de Notre Dame des Landes tout  comme des militants de la ZAD, solidaires et intéressés à rejoindre et découvrir la lutte No Tav et qui nous voulons le rappeler ont subi des arrestations en masse.

Le bilan du rassemblement à Lyon est marqué par la mise en place d’une stratégie de répression type « contre-sommet » par les autorités françaises. Ceci témoigne de « la préoccupation » des deux gouvernement face à l’union du front français et italien du mouvement. Et s’est matérialisé par la suspension de l’espace schengen et le blocages des voitures et des bus italiens à la frontière du samedi au lundi, l’identification des tous les militants italiens, l’enfermement illégal des manifestants dans la place Brotteaux selon la méthode du cattling, usage du spray au piment et matraque de la part des autorités policières françaises.

Au delà de la confrontation d’une différente méthode dans les formes d’organisation et de lutte entre français et italiens, la stratégie mise en place par les autorités françaises a été celle d’empêcher une contestation commune entre les deux fronts, qui a culminé en fin de journée par la séparation entre les  »italiens » qui on subi encore l’accompagnement forcé hors de la ville, et  les manifestants restants qui ont été identifiés sur place.

La journée du 3 décembre à Lyon n’est qu’une démonstration de la force que le mouvement peut développer, à travers l’union de la lutte sur le territoire italien et français et la construction d’un discours commun contre les grands travaux inutiles.

SANS DISTINCTION, NOUS SOMMES TOUS NO TAV.

No Tav Paris le  5/12/2012.

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[No Tav, Gênes] Blocage d’une foreuse et sabotage des travaux préliminaires

La terre retourne à la terre

Mardi 4 décembre, une foreuse de Geotec est arrivée à Trasta [banlieue de Gênes] transportée ici pour réaliser les carottages nécessaires aux travaux de viabilité de la première portion de la ligne à grande vitesse Terzo Valico [entre Gênes et Milan/Turin]

La foreuse est arrivée dans la nuit transportée par l’entreprise TASSISTRO GIAN BRUNO SAS (Via Cavanna 1 Mignanego (GE)  Tel +39 0107792241), escortée par la police en tenue anti-émeute, des carabiniers et la Digos ; elle a été plusieurs fois déplacée et planquée dans les environs le jour suivant.

Le soir de son arrivée, une quinzaine de No Tav se sont initialement rassemblés sur le lieu pour tenter, physiquement, d’empêcher le passage, mais ont été quasi immédiatement repoussés et bousculés par la police.

Dans l’heure, des dizaines de No Tav se sont précipités et ont décidé de se donner rendez-vous sur place le jeudi 6 décembre. Vers 15h, ils ont décidé d’aller encercler la foreuse aperçue au-delà d’une galerie qui passe sous la ligne de train existante, en pleine activité, avec deux ouvriers au travail et la Digos qui surveillait à distance.

Les No Tav contournèrent la police en trouvant un passage dans la zone boisée située derrière et rejoignirent la foreuse à travers un sentier : quelques uns se firent la courte-échelle pour atteindre le bout du bras de forage et imposant, de fait, le blocage des travaux.

Le drapeau No Tav flottait, ce soir-là, sur la foreuse.

Après une bonne dose de rage contre la grande vitesse, les ouvriers abandonnèrent la foreuse et, face à l’impossibilité de travailler, rejoignirent les lignes de police.

Pendant le blocage, les carottes de terre extraites dans la matinée, et nécessaires à l’enquête géotechnique, ont retrouvé la terre et le bois auxquelles elles ont toujours appartenu.

Les premières machines de dévastation de la grande vitesse ont reçu le juste et légitime accueil de ceux qui veulent que leur terre, et leur lieu de vie ne soient (plus tard) pollués et saccagés.

Le blocage complet de la foreuse s’accorde totalement avec les journées de résistance aux expropriations de Fraconalto [Nord de Gênes, province d’Alessandria] d’hier et d’avant hier.

Journées de résistance contre les expropriations à Fraconalto.

Un blocage efficace, incisif, une action simple, directe, spontanée, mais chaleureuse.

Le drapeau No Tav flottait, ce soir-là, sur la foreuse.

Traduit de NoTavTerzoValico

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[No Tav, Lyon] Réflexions à chaud sur les points forts et les limites de la journée de mobilisation franco-italienne contre la ligne à grande vitesse

Lyon, 3 décembre, un succès malgré tout

Réflexions à chaud sur les points forts et les limites de la journée de mobilisation franco-italienne contre la ligne à grande vitesse

La journée du 3 décembre à Lyon a représenté un moment important pour le mouvement No Tav. Pour la première fois Français et Italiens ont réussi à construire ensemble une initiative dans l’une des deux capitales de l’hypothétique future ligne à grande vitesse. Pour être plus précis, il vaudrait mieux dire que la journée s’est déroulée de Turin à Lyon, et retour, étant donné qu’il nous a fallu 9 heures pour arriver à destination et 4 autres pour sortir de la place Brotteaux après 2 heurs de présence au sein d’un scénario surréel : assiégés puis empaquetés au moyen de la technique du « cattling » (littéralement « bétail ») par plus de 1300 policiers (CRS) et gendarmes français pour les 1000 manifestants présents.


Comme dans mille autres occasions le mouvement No Tav a conquis mètre par mètre sa capacité d’action, habitué à ne rien demander et à prendre ce qu’il peut en combattant collectivement : 3 heures de contrôle à la frontière, 1 heure à attendre que le dernier bus soit autorisé à partir, une autre heure encore bloqués aux portes de la ville par les forces de l’ordre décidées à nous soumettre à un contrôle supplémentaire (dont le seul but était en fait de nous faire perdre du temps et de nous faire arriver en retard) contre lequel nous nous sommes rebellés en masse. Chaque moment, chaque obstacle à dépasser a nécessité une grande détermination et des nerfs d’acier : nous avons du hausser le ton, tenter de descendre des autobus dans lesquels nous étions séquestrés, menacer de bloquer l’autoroute, résister aux charges des CRS sur la place.

Entre 400 et 500 personnes, lyonnais ou venus d’autres villes de France (notamment les camarades qui luttent contre le méga-aéroport de Notre-Dames-des-Landes), nous ont attendu pendant plus de 4 heures sous une pluie fine mais continue, dans un climat humide et désagréable. Notre arrivée a été fêtée avec des feux d’artifice et des cris de joie. De nombreuses interventions ont détaillé les raisons de notre opposition aux grands projets inutiles, qui toujours plus servent de pont transnational entre des batailles qui trouvent un terrain commun non pas dans un « environnementalisme » générique, mais à partir d’une critique intégrale de tout un modèle économique et qui remet en cause la destination de la richesse collective, qui pose la question de pourquoi nous travaillons, qu’est-ce que nous produisions, quels buts donnent forme à nos actions collectives. Derrière ces projets aux dimensions pharaoniques, il y a toujours le détournement d’une part très importante de la fiscalité générale prélevée pour être mise en circulation et faire travailler des entreprises privées, des amis, des clients qui en tireront une utilité considérable mais extrêmement circonscrite et partiale. La bataille livrée depuis plus de dix ans dans le Val de Suse contre la ligne à grande vitesse revendique la décision depuis le bas sur quoi, comment et pourquoi produire un projet, un objet, un service, etc.

Telle était la signification première de cette journée de lutte : dénoncer cette expropriation depuis le haut, informer le plus grand nombre possible de lyonnais que tout cela les concerne. Cet objectif a été en partie empêché par un dispositif de contrôle policier sophistiqué et efficace (nous en reparlerons). Malgré tout, l’emploi d’autant d’hommes, l’utilisation de technologies sophistiquées et coûteuses, la paralysie d’une partie de la ville, le coût total d’une mise en scène aussi musclée de la capacité de prévention et de contrôle de l’État français indiquent aux autorités et à la partie de la ville qui a pu en être témoin que l’opposition est forte, ancrée, qu’elle se pose donc comme un fait politique important.

L’élaboration de la journée accomplie ensemble et la participation malgré tout importante (600 personnes venues d’Italie un lundi, plusieurs centaines en France alors que la question est encore peu connue et la lutte encore à ses débuts) ne doivent pourtant pas nous exempter d’avancer certaines critiques – que nous espérons constructives – sur la façon d’agir des composantes françaises du mouvement (nous proposons ces critiques à l’ensemble de ceux qui ont agi collectivement sur la place et non pas à des groupes précis de camarades, conscients des efforts mis en œuvre par eux et des difficultés rencontrées pendant ce mois et demi de construction de la journée). Nous nous sommes en effet retrouvés plus d’une fois aux prises avec des initiatives aléatoires, des choix impulsifs et des comportements incompréhensibles sur la façon de réagir à la force déployée par l’adversaire. Ceci s’explique certainement par les difficultés de communication entre des façons de faire et des traditions diverses mais aussi, dans de nombreux cas, par une attitude explicitement autocentrée, idéologique, peu habituée à se confronter à des compositions différentes de celle des habituels milieux militants (avec leurs manies et leurs fixations qui n’ont parfois pas grand-chose à voir avec le contexte et les objectifs de la journée). Selon nous, ces difficultés sont symptomatiques d’un niveau assez « pauvre » du débat sur le nœud central de l’agir politique et des luttes : comment faire ensemble. Problème d’organisation et de subjectivité. Au refus a priori, et d’après nous idéologique, de se mesurer à ce problème, souvent caché derrière des principes comme « personne ne peut juger si une action est juste ou erronée » ou bien « chacun est libre de faire ce qu’il veut », correspond un manque d’assomption de responsabilité sur le fait de lancer une initiative, de l’organiser, de la mener à terme. A un certain moment, la responsabilité quant au sort des lyonnais sur la place a été reportée sur les épaules des No Tav italiens, dont on ne pouvait pourtant pas exiger une présence et une énergie illimitées (du fait de la composition même des bus). La majeure partie d’entre nous, ainsi que de nombreux habitants du Val de Suse et les camarades de Milan, sont partis avec les deux derniers bus, poussés de force et escortés jusqu’au péage de l’autoroute à plusieurs dizaines de kilomètres de Lyon. Si nous mettons en avant ces réflexions critiques, ce n’est pas pour nous placer sur un piédestal ou parce que nous voudrions donner des leçons à nos cousins de l’autre coté des Alpes mais parce qu’au cours de sa longue et sinueuse histoire le mouvement No Tav est parvenu à bâtir une façon de faire, de prendre des décisions et de bouger ensemble qui fonctionne et qui, malgré les évidentes différences, a construit une unité de fond sur la méthode qui a donné des résultats importants et nous a permis et nous permet encore aujourd’hui de durer face à un ennemi plus forts et doté de moyens bien plus importants. En dépit des apparences, c’est avec une grande humilité que nous exposons ces réflexions. Parce que nous croyons que des embryons d’élaboration commune possible sont bien présents et susceptibles d’être approfondis.

Pour conclure, une observation sur l’action de la police française. Le destinataire cette fois est plutôt le mouvement italien. De nombreuses réflexions et critiques ont été mises en avant quant à la façon d’agir des forces de l’ordre. L’usage à bout portant et en quantité abondante du lacrymogène en spray et la dimension liberticide de ce confinement ont été justement dénoncées. Mais le risque ici est de perdre de vue l’aspect à notre avis le plus important de ce mode d’action. À bien y regarder, la police française est bien plus efficace sur le plan de la prévention et du contrôle des manifestations. Ce n’est pas dans l’intention de provoquer que nous disons que, au fond (et en fait pas si au fond que ça), cette efficacité est le désir de la gauche italienne. Une police qui ne tache pas de sang les trottoirs, qui ne laisse pas de marques de coups, qui ne charge pas de façon indiscriminée les manifs mais les contrôle de manière exemplaire, totale. Demander que soit inscrit le numéro d’identification des policiers sur l’uniforme ou le casque peut être considéré comme une bataille importante mais cela ne résoudra en rien notre problème : comment être plus fort, plus malins, plus efficaces que ces dispositifs de contrôle. Les forces de police française sont plus avancées, démocratiques et efficaces que les forces italiennes. C’est une efficacité qui part de la dimension de grandeur incorporée dans la technologie nucléaire (lire sur ce point certains commentaires sur les médias mainstream français) et qui arrive jusqu’à la bonne éducation du policier qui te répond gentiment qu’il n’a pas le droit de te parler, qu’il ne fait qu’exécuter des ordres et qui ensuite te gaze en plein visage (mais seulement si tu résistes de manière exagérée à ses exigences).

Notre problème à nous, c’est comment construire les conditions pour rompre ce mécanisme. Nous voulons résister de manière exagérée. Cela signifie s’équiper, être plus intelligents et efficaces que notre adversaire, prédisposer les conditions de possibilité, les développer et les rendre plus opérantes. Pour faire tout cela, nous devons être prêts à abandonner certaines obsessions inutiles, identités puristes, traditions dont il est difficile de se débarrasser mais aussi combattre certaines illusions à la vie dure quant à la possibilité de réforme ou la démocratisation des forces de l’ordre, qu’elles soient plus démocratiques ou plus transparentes, les forces de l’ordre ne cesseront jamais d’être ce qu’elles sont. Elles seront juste plus efficaces et notre impuissance n’en sera que plus grande.

Voulons nous vraiment nous donner de la peine pour ça ? Ne désirerons-nous pas plus intensément inventer et construire de nouveaux mondes ?

La rédaction d’Infoaut de retour de Lyon

traduit depuis infoaut.org

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