Nanotechonologies, métropole alpine et grande vitesse

Attention ! Michel Destot fait quelque chose.

M. Destot nommé rapporteur à l’Assemblée pour le Lyon-Turin.

Tout vient à point à qui sait attendre : même à Michel Destot, qui après 14 années de députation n’a à peu près aucun fait d’armes à son actif à l’Assemblée et se traîne une réputation de parlementaire fantôme ; même à lui, qui après les présidentielles a vu s’envoler tous ses rêves de portefeuilles ministériels. Aujourd’hui, le voilà contraint de ramasser les miettes : voilà qu’il vient d’être nommé « Rapporteur du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’Italie pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin ». Le maire de Grenoble, ancien ingénieur nucléaire au CEA et fervent promoteur des nano et bio-technologies, a toujours été un soutien du bétonnage des territoires : c’est assez logique de le retrouver impliqué dans un projet aussi inutile et néfaste que le Lyon-Turin. Il y a quelques mois, nous avions déjà épinglé Jacques Chiron, un autre élu Grenoblois lors d’une séance de promotion publique. M. Chiron est d’ailleurs, en tant que représentant de la ville de Grenoble, membre de la Transalpine. La Transalpine est un lobby composé d’industriels et de politiques, présidé par le PDG de Danone. Ce lobby « a pour objet de mener toute action de nature à faciliter ou accélérer la réalisation de la liaison ferroviaire Lyon-Turin ». Apparemment, le lobby en faveur de la LGV a bien fonctionné à Grenoble.

La LGV Lyon-Turin, l’ombre du sillon alpin.

En décembre 2003, l’État a retenu la candidature du Sillon alpin comme « métropole européenne émergente », et ses promoteurs s’investissent déjà dans toutes sortes de projets communs, tels que « la liaison ferroviaire Lyon-Turin qui confirmera la position de métropole européenne du Sillon alpin ». La cause du Val de Suse est notre cause. La destruction de cette vallée alpine sur l’autel de la très grande vitesse économique n’est qu’une des conditions nécessaires à la destruction du sillon alpin. M. Destot et M. Chiron sont par ailleurs les promoteurs du projet « sillon alpin ». Le « sillon alpin » (nom donné à la zone s’étendant de Valence à Genève) est un projet à long terme consistant en la création d’une ville unique (une « conurbation », dirait M. Destot) sur 200 km. Pour réaliser ce projet, il serait nécessaire de construire des routes, des ponts, des tunnels, des immeubles… Mais que la ville soit pratiquement partout, n’empêcherait visiblement pas qu’il faille aller toujours plus vite pour s’y rendre. Pour ceux qui souhaitent habiter une ville de 200 km de long et de 2 millions d’habitants, il est donc nécessaire de construire des infrastructures de transport à la hauteur de leurs ambitions. Des infrastructures telles que la LGV Lyon-Turin. Ces deux projets vont de pair, et suivent d’ailleurs la même logique : la destruction de notre territoire.

Bien sûr, M. Destot nous soutiendra que ces projets nous apporteront l’emploi, et la croissance, bien qu’il n’y croie pas lui-même. Par contre, il oubliera certainement de vous dire que le trafic de marchandise dans les Alpes est en baisse depuis des années, que les sommes d’argent public investies sont démesurées (minimum 26 milliards d’euro, soit deux fois le déficit de la sécurité sociale !), et que ces grands travaux favorisent, en Italie comme en France, les intérêts industriels et mafieux, à notre détriment, aujourd’hui et demain.

Nous nous opposons à ces projets, certes parce qu’ils sont inutiles, coûteux, et néfastes. Mais nous ne voulons ni les amender, ni les améliorer. Seraient-ils gratuits et optimisés que nous n’en voudrions pas non plus, parce qu’ils ont été conçus loin du débat public, par les industriels et leurs techniciens, et que leurs intérêts s’opposent en tout à ceux des populations.

No TAV : les vallées qui résistent.

De l’autre côté des Alpes, le Lyon-Turin c’est une vallée occupée par l’armée et la police, une opposition quotidienne et massive, des dizaines de blessés, des habitants noyés sous les gaz lacrymogènes, des personnes arrêtées puis jetées en prison, des entreprises qui s’envolent avec les financements européens… Non pas seulement un projet avançant au mépris des habitants, mais une violence dirigée contre eux. Là bas, en Italie, les choses ont au moins le mérite d’être plus claires.

De ce côté-ci des montagnes, le temps de discuter pour savoir si le Lyon-Turin est souhaitable ou non est déjà écoulé, comme celui des critiques techniques. Après le sommet du 3 décembre 2012, c’est la phase politique du projet qui commence, et nous devons plutôt employer notre temps à savoir comment nous nous y opposons. Comme en Italie, le mouvement des « NO TAV » (no treno alta velocità), né de vingt années de contestation de la ligne, se répand bien au-delà du tracé, parce qu’il est devenu un symbole de la résistance des petits face aux puissants, et de la revendication à une vie décente, qui ne soit pas constamment menacée par les gourous de la croissance. Les élus qui se couchent devant les lobbyistes deviennent aussi responsables des exactions qui accompagnent le chantier côté italien. Il se placent du côté de ceux qui bafouent la démocratie qu’ils sont sensés incarner, de ceux qui usent de toutes les armes dont ils disposent contre les populations qu’ils devaient représenter, de ceux qui font valoir les intérêts privés des industriels contre ceux des habitants.

Comité No Tav Chambéry, décembre 2012.

 

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