Bologne/sabotage du TGV : « saboter un monde de racistes et de frontières »

Bologne : entre 3h30 et 4h ce matin, a sonné une alarme sur la ligne à grande vitesse Bologne-Milan : des foyers d’incendie ont été retrouvés à quatre endroits différents. Deux ont été immédiatement éteints par la police ferroviaire, les deux autres, plus importants, un peu plus tard par les pompiers. En effet, des inconnus ont livré aux flammes des câbles électriques (de transmissions de données) enterrés dans la sous-station ferroviaire de Santa Viola, en périphérie de la ville. Par terre, un tag à la peinture rouge : « 8-11, saboter un monde de racistes et de frontières« , une référence explicite à la venue de Matteo Salvini et de la Ligue du Nord à Bologne [pour un rassemblement piazza Maggiore]. Le leader de la Ligue a commenté sur Facebook : « Mettez ces délinquants en taule« .

C’est le procureur de service Rossella Poggioli, qui coordonne les enquêtes de la Digos, qui est en charge de l’affaire. L’attaque a provoqué jusqu’à trente minutes de retard des trains.

Les conséquences sur la circulation. Près d’un des endroits livré aux flammes a été retrouvé un pansement en gaze imbibé de liquide inflammable, utilisé comme mèche pour initier l’incendie. Il a fallu 8 heures de travaux pour rétablir totalement le trafic. les trains ont été déviés sur la ligne traditionnelle, provoquant des retards et quelques annulations. Petit à petit vers midi, la situation est revenue à la normale.

L’endroit de ce nouveau sabotage est non loin de celui du 23 décembre dernier, toujours contre la grande vitesse. Les suspects vers lesquels s’orientent les enquêteurs concernent le mouvement anarchiste et no tav.

[Extraits traduits de l’italien de La Repubblica Bologna, 08 novembre 2015, « Bologna, sabotata l’Alta velocità : trovata una scritta che allude alla Lega »] Texte publié sur Cette Semaine.

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[ZAD] 14-15 novembre (15h) – Haut Fay – lectures croisées de la lutte No Tav et contre l’aéroport par le collectif Mauvaises troupe

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Zone À Défendre

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Il faut saboter la TAV et le monde qui la rend possible…

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Que ce soit dans la bataille pour le droit des poser des cadenas sur les portails des gendarmeries ou sur le droit de saboter la liaison à grande vitesse Lyon-Turin (voir message précédent), des points ont été marqués. 1000 euros d’amende avec sursis pour le camarade poursuivi pour le cadenassage de la boîte à pandores d’Eymoutiers, acquittement pour Erri de Luca.
Donc, la justice italienne montre la voie, et la justice française ne saurant rester en arrière, nous pouvons l’affirmer haut et fort et tranquillement :
Il faut saboter la TAV!

Il faut saboter la LGV Poitiers-Limoges! Il faut saboter le stockage par Areva des stériles uranifères sur le site du Longy, le Parc à bois de Bugeat, la ferme des 1000 vaches en Picardie et celle ds 1000 veaux en Creuse, le musée Urêka à Bessines…Il faut saboter l’aéroport Vinci à Notre-Dame des Landes, les bioparcs, les usines à méthane et autres entreprises du capitalisme vert, il faut saboter les centrales nucléaires et tous les projets destructeurs d’un productivisme à bout de souffle…

Il faut saboter les murs et les clôtures de la forteresse Europe…

Et à tous ceux qui voudraient voir dans ces propos matière à poursuites, il faudra donner une leçon de vocabulaire: le sabotage est un art, qui vise avant tout à préserver les vies et les santés, pas à les mettre en danger.
C’est pourquoi, il est particulièrement urgent de saboter les usines de matériel de répression qui produisent les flash-balls qui crèvent les yeux et les grenades qui explosent les poumons…
Donc, pour commencer, tous à Pont de Buis le 25 octobre…

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Texte publié sur Les Contrées magnifiques.

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« La ligne à grande vitesse doit être sabotée » – figure remise en liberté

Erri De Luca peut à nouveau parler au sens figuré puisque les juges ont acquitté l’écrivain lundi 19 octobre 2015, à Turin, des charges d’instigation au sabotage dont il était accusé pour avoir déclaré dans un entretien à l’Huffington Post que, sabotage et vandalisme sont nécessaires pour faire comprendre que la TAV est une œuvre nocive et inutile.

Dans La parole contraire, ouvrage rédigé pour défendre sa langue comme on défend sa tête, l’auteur, soutien du mouvement NO TAV, opposé au projet de construction de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin, écrit :

Je revendique le droit d’utiliser le verbe saboter selon le bon vouloir de la langue italienne. Son emploi ne se réduit pas au sens de dégradation matérielle, comme le prétendent les procureurs de cette affaire. (…) L’accusation portée contre moi sabote mon droit constitutionnel de parole contraire. Le verbe saboter a une très large application dans le sens figuré et coïncide avec le sens d’entraver. Les procureurs exigent que le verbe saboter ait un seul sens. Au nom de la langue italienne et de la raison, je refuse la limitation de sens. (…) J’accepte volontiers une condamnation pénale, mais pas une réduction de vocabulaire.

Dans Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Jankélévitch propose de séparer le propre du figuré, la vérité de l’apparence, ce devenir voyageur. Pour Erri De Luca, l’insaisissable sens des mots doit se nourrir de l’expérience, point de départ de nouvelles significations, de nouvelles libertés sinon, la ligne à grande vitesse ne pourra être sabotée efficacement!

Texte publié sur Le Journal de Paris.

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Erri De Luca acquitté! Déclaration avant la sentence – Turin, 19 octobre 2015

Je serais présent dans cette salle même si je n’avais pas été l’écrivain incriminé pour instigation. Au-delà de mon négligeable cas personnel, je considère l’imputation invoquée comme une expérience, la tentative de faire taire la parole contraire. C’est pourquoi je considère cette salle comme un avant-poste tourné vers le présent immédiat de notre pays. J’exerce l’activité d’écrivain et me considère comme partie civile dans toute volonté de censure. Je suis incriminé sur la base d’un article du Code pénal qui remonte à 1930 et à cette période de l’histoire de l’Italie. Je considère cet article comme dépassé par la rédaction ultérieure de la Constitution de la République. Je suis dans cette salle pour savoir si ce texte en vigueur prévaut ou si le chef d’accusation aura le pouvoir de suspendre et d’invalider l’article 21 de la Constitution.

J’ai empêché mes défenseurs de présenter un recours en inconstitutionnalité contre le chef d’accusation. S’il avait été accepté, cela aurait arrêté ce procès, transféré la procédure vers les chambres d’une Cour constitutionnelle surchargée de travail, qui se serait prononcée au bout de plusieurs années. S’il avait été accepté, le recours aurait passé par-dessus cette salle d’audience et ce temps précieux. Ce qui est constitutionnel, je crois que cela se décide et se défend dans des lieux publics comme celui-ci, comme aussi dans un commissariat, dans une classe, dans une prison, dans un hôpital, sur un lieu de travail, aux frontières traversées par les demandeurs d’asile. Ce qui est constitutionnel se mesure au rez-de-chaussée de la société.

A mon cas sont inapplicables les circonstances atténuantes génériques, si ce que j’ai dit est un délit, je l’ai répété et je continuerai à le répéter.

Je suis incriminé pour avoir utiliser le verbe saboter. Je le considère comme noble et démocratique. Noble parce que prononcé et pratiqué par de valeureuses figures comme Gandhi et Mandela, avec d’énormes résultats politiques. Démocratique, parce qu’il appartient dès l’origine au mouvement ouvrier et à ses luttes. Par exemple, une grève sabote la production. Je défends l’usage légitime du verbe saboter dans sa signification la plus efficace et la plus ample. Je suis disposé à subir une condamnation pénale pour son emploi, pas de me faire censurer ou de laisser réduire la langue italienne. « C’est à cela que servaient les cisailles » : à quoi ? A saboter des travaux aussi colossaux que des cisailles ? Il n’apparaît pas d’autres insidieux articles de bazar dans les compte-rendu de ma conversation téléphonique. Alors, on incrimine le soutien verbal à une action symbolique ? Je ne veux pas déborder sur le terrain de compétence de mes défenseurs. Je concus en confirmant ma conviction que la ligne de soi-disant grande vitesse dans la Vallée de Susa doit être gênée, empêchée, entravée , donc sabotée pour la légitime défense de la santé, du sol, de l’air, de l’eau d’une communauté menacée. Ma parole contraire subsiste et j’attends de savoir si elle constitue un délit.

Erri de Luca
(Traduit par SQ d’après le texte publié par la Fondazione Erri de Luca)

Texte publié sur Les Contrées magnifiques.

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[Catalogne] Sabotage de fibre optique sur la LGV entre Perpignan et Madrid: le trafic perturbé pendant 3h – 8 octobre 2015

La ligne TGV Perpignan Barcelone Madrid paralysée pendant 3 heures

La circulation des trains à grande vitesse entre Madrid, Barcelone et Perpignan est restée paralysée plusieurs heures, jeudi matin, après une coupure de la fibre optique sur le réseau, qui a affecté 10.000 passagers, selon RENFE. La piste d’un sabotage est sérieusement envisagée.

La presse espagnole privilégie la piste du sabotage

L’interruption s’est produite vers 7H00, sur la partie de la LGV qui traverse la Catalogne, empêchant la circulation des trains à grande vitesse entre Madrid et la seconde ville du pays, Barcelone, mais également la connexion avec le réseau ferré français vers Perpignan, Montpellier, Marseille et Paris. 30 trains à grande vitesse se sont retrouvés bloqués.

Le service a été rétabli à 10H15, trois heures après l’interruption, mais il a fallu attendre encore plusieurs heures pour un retour à la normale de la circulation des trains.

Selon Adif, l’établissement public espagnol chargé de gérer le réseau ferroviaire, l’incident a été provoqué par une coupure des lignes de fibre optique sur les voies qui font fonctionner le système de signalisation.

Une porte-parole d’Adif a expliqué qu’il pouvait s’agir d’un sabotage ou d’une tentative ratée de vol de cuivre, sur les câbles de lignes de chemin de fer, très prisé des groupes de voleurs qui le revendent au marché noir.

Du temps de son boom économique, l’Espagne a beaucoup misé sur les lignes de trains à grande vitesse et a maintenu ces investissements en dépit de la sévère crise économique à partir de 2008 et des coupes budgétaires appliquées par le gouvernement.
C’est actuellement le numéro deux dans le monde, dans ce secteur, après la Chine, avec 3.100 kilomètres de lignes à haute vitesse et 3.000 autres kilomètres en projet ou en construction.

Leur presse – france 3 languedoc-roussillon, 08/10/2015; publié par Le Chat Noir Emeutier.

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ASARADURA, Notes de voyage contre le TAV. Eté 2011 – Printemps 2015

Présentation et extraits du livre ASARADURA, Notes de voyage contre le TAV. Eté 2011 – Printemps 2015. Anonyme, sans éditeur, 1er juillet 2015.

On vient de l’apprendre, le procureur de Turin a réclamé huit mois de prison ferme pour les propos que le romancier Erri de Luca a tenu en faveur du mouvement No TAV. Le message est clair, ce n’est plus seulement la participation au mouvement qui peut déboucher sur un emprisonnement mais un simple discours de soutien. Dans ces conditions, la publication en français du livre ASARADURA, rassemblant des textes provenant du mouvement et faisant le point sur ses dernières années d’existence, est particulièrement bienvenue.

S’ils pensent parvenir à faire taire les No TAV, ils se trompent !

ASARADURA

ASARADURA, en un seul mot, comme une formule magique, prononcée d’une traite : çavaêtredur. « A sarà düra ! », c’est l’une de ces phrases entêtantes que le mouvement No TAV se répète à lui même, pour conjurer la force déployée à son encontre autant que pour se ré-assurer, à chaque coup dur, de sa capacité à faire face. Magique, la formule l’est devenue avec le temps, à travers les foules qui la prononcent depuis vingt ans, les jours de victoires comme ceux de défaites. Elle dit la brutalité exercée contre le mouvement et en un même souffle son opiniâtreté à poursuivre, car comme toute formule magique, elle met en jeu la transformation du monde, avec toutes les ambiguïtés que cela implique.

Lavanda

Asadura, c’est la formule qui a été choisie pour nommer cette compilation de textes, publiée au début de l’été 2015, à l’occasion de la marche organisée côté français sur le tracé projeté de la ligne TGV Lyon-Turin. Le livre est construit autour de cinq textes, « des notes de voyages écrites à plusieurs, dont les chemins se sont croisés dans les presidi et les bois de la Val Susa » entre 2011 et 2014. Ces cinq textes, intitulés « Lavanda », restituent la pensée en mouvement que la lutte a su impulser, ce sont des textes stratégiques quoique leur forme soit éminemment poétique. Ils ont été écrit dans le moment immédiat succédant à chaque temps fort du mouvement ; depuis là, ils ramassent les morceaux d’événements qui viennent de se produire et les projettent dans la situation présente, soumettant l’ensemble des composantes du mouvement à la question de ses suites possibles.

Territoires en lutte

Chacun des cinq Lavanda est introduit par un texte, qui resitue la période dans laquelle il a été écrit et est à chaque fois suivi et complété de deux autres textes, l’un rendant compte d’autres luttes ayant cours à la même période en Italie, en France ou en Espagne, l’autre émanant directement de ces luttes. Tous les textes du recueil participent d’une même séquence historique, d’une même aire géographique, aucun n’est extérieur à ce dont il parle, pourtant, ce ne sont pas là leurs points communs essentiels. La cohérence qui les relie est plus certainement celle de rendre compte de territoires en lutte, depuis des coins de rue, des sentiers, des quartiers et des villages, à l’échelle d’une vallée ou celle d’une ville entière. Les questions qui se posent aujourd’hui en Val de Suse sont analogues à celles qui se posent dans les quartiers de Barcelone ou à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le sens de réunir ces textes correspond pour cela à la nécessité de faire circuler l’intelligence des réponses chaque fois différentes, locales et singulières qui y sont apportées.

Ce qu’il nous reste à faire

Mais cette compilation de textes voudrait pouvoir participer de quelque chose de bien plus grand qu’elle, une réalité qui prendrait corps morceau par morceau, sous les pas de ceux et celles qui voudraient bien participer à lui donner forme. Nous voulons parler de la potentialité inouïe ouverte par l’association possible de tous ces territoires en lutte, depuis l’Amazonie jusqu’au Japon, en passant par le Val de Suse. Bien sûr, il nous reste à inventer toutes les manières, les tours de mains, toutes les habiletés à faire exister, à l’échelle du monde, ce que chacune de ces luttes implique de composition et de tensions internes, de combativité et de ruse. Nous sommes idiots encore, nous n’avons aucune idée de comment fabriquer une force supérieure à partir de la multiplicité et de la complexité propre à chaque combat initié depuis quelque part. Nous ne savons pas comment allier des forces déjà trop hétérogènes pour parvenir à se dire alliés, le fussent-elles de fait. Pourtant, c’est là le seul chemin praticable, en ces temps de catastrophes, si l’on ne veut maintenir vivante l’idée d’une politique possible.

 

Ci-après, un extrait de la conclusion :

Temps rétifs et géographies rebelles

Le TAV n’est pas un grand projet inutile : il est utile économiquement.
Le TAV n’est pas une aberration économique ; même s’il coûte beaucoup pour peu de voyageurs, même si les lignes déjà existantes ne fonctionnent pas à plein régime, il sert à étendre et à configurer un monde : un monde où la circulation des marchandises et du capital humain doit toujours l’emporter sur les manières de vivre, ou les décisions communes, sur ce qui peuple une vallée. Le TAV ne constitue même pas à proprement parler une atteinte écologique : “ vous voulez disperser de la roche radioactive dans toute la vallée, et entasser des remblais pourris autour de chaque descenderie ” – “ ah oui mais sinon il y aura plus de camions et donc plus de réchauffement climatique ” – “ d’accord mais là vos trains ils vont rouler au nucléaire, et les déchets alors ”… En fait on s’en fout un peu : accepter ce petit jeu des coûts/avantages c’est déjà accepter une logique gestionnaire, autrement dit c’est accepter une espèce de position de surplomb. En réalité, on ne veut pas défendre le paysage, on fait partie du paysage, et on ne peut pas accepter le passage d’une ligne à grande vitesse qui nous en arracherait…

Tout ça pour dire que le mouvement No TAV n’est pas fondé en raison. Sa puissance ne provient pas (seulement) de sa justesse critique mais bien plutôt de sa masse critique : sa capacité à déterminer un décrochage, pour plein de gens qui se retrouvent à souhaiter et à s’organiser en vue d’autre chose. Le TAV ne passera pas, et quelque chose d’autre se passe en Val de Suse.

Il est impossible de nier pour autant que depuis quelques années, le mouvement est vraiment dans le dur. Privilège d’une lutte qui constitue un étonnant point de passage au réel pour toute une série de pratiques radicales : assemblées autonomes, occupations massives, autodéfense face à la police, actions directes contre les infrastructures du TAV ou de l’État italien, mise en commun à grande échelle de matériel, d’espaces, d’histoires… Le mouvement est dans le dur parce qu’il dispute effectivement un morceau de vallée à l’hégémonie de la réalité capitaliste.

La situation est difficile mais pas au point de perdre confiance. Cette confiance aveugle, agaçante parfois, en vertu de laquelle nombre de valsusains pouvaient nous affirmer il y a cinq ans : “ ne vous inquiétez pas, jamais ils ne pourront implanter leur chantier ” ; et deux ans plus tard, “ de toute façon ils n’arriveront jamais à faire arriver la foreuse jusqu’à la zone de travaux ”… mais, même démenti par les faits, ce sentiment de force diffus se fonde bien sur quelque chose. Et on peut avoir confiance en effet dans la profondeur historique du mouvement d’opposition au TGV Lyon Turin : le mouvement No TAV est une lutte au long cours, qui depuis près de 20 ans a su se réactiver au détour d’un événement (la chute d’un camarade, le recours aux lacrymogènes contre des vieilles dames venues soutenir la Libre République de la Maddalena, etc.), et se déployer en une multitude de modes, au travers des myriades d’existences et de sensibilités, depuis les endroits les plus incongrus : parties de foot sur le bitume d’une autoroute, discussions animées dans l’arrière–cuisine d’un restaurant No TAV, promenades nocturnes par les sentiers des partisans, banquet autour d’un four à pain rendu à l’usage commun…

On peut avoir confiance dans cette sorte de puissance dormante du mouvement, faite de l’accumulation d’expériences dans le temps long, de l’hétérogénéité des pratiques de résistance, de l’enchevêtrement des modes d’habiter et des formes de lutte. Avoir confiance, surtout, dans la puissance qu’implique toutes ces petites différences qui se sont produites et accumulées dans la vie de milliers de personnes, tissant des complicités nouvelles, des dispositions à l’inconnu, d’étranges inclinaisons au partage et à l’insoumission. C’est en ce sens que le mouvement No TAV préfigure ce que pourrait être un processus révolutionnaire réaliste : non pas le bouleversement immédiat et brutal, de fond en comble et ex nihilo, de la réalité, mais une altération subtile d’une sensibilité commune, de fond, qui rende possible et pensable, praticable, toutes les aventures.

La victoire du No TAV est à chercher du côté de cette sécession existentielle et diffuse, discontinue, cette multitude d’écarts qui viennent en quelque sorte retourner l’état d’exception imposé par la police et les aménageurs. Combien de temps les forces d’occupations et leurs barbelés pourront–ils se maintenir à mesure que le territoire No TAV gagne en consistance ? Et plus le Val de Suse rebelle se densifie, plus il se peuple, et plus il rentre en résonance avec d’autres foyers de lutte, dans un coin de bocage comme au sein des métropoles, et selon leurs manières propres de faire sécession, de peupler les territoires qu’ils ouvrent au coeur de la bataille.

Place Taksim à Istanbul, ZAD de Notre–Dame–des–Landes, mouvement des occupations dans de multiples villes d’Europe, Val de Suse, chaque bout de territoire peut devenir aujourd’hui le centre d’une sécession diffuse.

Une hypothèse commence à émerger, celle d’un mouvement qui serait tout à la fois très local et global, à l’échelle européenne au moins, et dont la lutte No TAV serait une concrétisation parmi une myriade de luttes situées, déjà–là ou potentielles. Cette hypothèse, qui s’est affinée notamment lors des camping estivaux organisés depuis 2010 dans la vallée, implique des circulations entre toutes ces localités où s’inventent de nouvelles manières de vivre et de lutter ; elle nécessite une organisation inédite, de territoire à territoire, par laquelle le mouvement No TAV pourrait, en s’approfondissant en lui–même, trouver toujours ailleurs les voies de sa poursuite.

P.-S.

Pour se procurer le livre, s’adresser aux librairies La Gryffe et Terre des Livres à Lyon, à la librairie Antigone de Grenoble ainsi qu’à la librairie Michèle Firk à Montreuil.

(Pour commander en gros, envoyez une lettre à la Gryffe (5 Rue Sébastien Gryphe, 69007 Lyon) en indiquant l’adresse postale et le nombre d’exemplaires et joignez un chèque du montant total en notant au dos « asaradura ». Comptez 5 € l’exemplaire, frais de port inclus).

Texte publié sur Paris-Luttes.info.

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Retour sur la mort des compagnons Sole et Baleno et sur la lutte en Val Suza

arton6208-f089fLe 28 mars 1998 mourait Edoardo Massari dans la prison des Vallette. Baleno, comme l’appelaient ses amis , était retrouvé pendu au lit de sa cellule. L’anarchiste, le poseur de bombes, le voleur, le « terroriste » s’en est allé, vivant dans le feu d’une existence hors-la-loi. L’Etat pensait alors avoir éteint avec un cercueil l’étincelle de la révolte que Baleno attisera pourtant à jamais dans le cœur de ceux qui luttent.
Edoardo avait été arrêté chez lui le 5 mars, pris à l’aube avec son ami Silvano et sa compagne Sole (Soledad Rosas) par la police de Turin. Tous trois ont été accusés de faire partie d’une fantomatique association subversive.
Quelques mois après la mort de Baleno, Sole a décidé de le suivre. Le 11 juillet au matin, elle s’est ôtée la vie en se pendant dans les WC de la communauté dans laquelle elle était en résidence surveillée : elle avait 24 ans.

Les juges turinois Laudi et Tatangelo, avec les pontes du commissariat,avaient décidé d’attribuer aux anarchistes la responsabilité des nombreux sabotages survenus en Val Susa contre le projet d’un train à grande vitesse (TAV). Ils avaient décidé de faire carrière, de devenir célèbres. Ils avaient décidé d’assassiner Edoardo et Sole.La capture des trois anarchistes a déclenché une salve d’applaudissements.Tous –des politiciens aux industriels, des journalistes aux spéculateurs– avaient intérêt à trouver des responsables (peu importe qu’ils soient vrais ou présumés) aux attaques survenues en ValSusa. Les premiers pas de ce qui, des années plus tard, allait devenir la lutte emblématique contre les nuisances imposées par le progrès,le « David contre Goliath » qui inspirera tant de mouvements dans toute l’Italie, devaient être tués dans l’œuf. L’hostilité des habitants de la vallée ne pouvant être achetée, il fallait au moins la priver d’une partie des armes auxquelles elle aurait pu avoir recours. En particulier, d’une des pratiques les plus craintes par les puissants et constituant depuis toujours le patrimoine des exclus : le sabotage.

Nier, y compris face à l’évidence, que les actions accomplies en ValSusa aient été l’expression d’un mépris collectif face à l’énième abus de pouvoir ; taire le fait évident que les sabotages aient été le fruit de mains et d’esprits différents, pas forcément « politisés » ; enfermer l’affrontement et le mal-être diffus au sein d’une guerre « privée » : d’un côté l’État, les entrepreneurs, les financiers du TAV, et de l’autre, les anarchistes. La population locale ? Ceux qui subiront directement les conséquences du train ? Hors-jeu.Le piège tendu par les enquêteurs a fonctionné et l’attention générale–y compris celle des mouvements « antagonistes »– s’est déplacée du Val Susa aux rues de Turin. Immédiatement après les arrestations,une grande « campagne de solidarité » en faveur des trois anarchistes accusés a démarré à Turin. Une mobilisation qui a réussi à faire descendre dans la rue des centaines de manifestants. Dans d’autres villes d’Italie, les initiatives n’ont pas manqué : des manifs improvisées aux rassemblements, des blocages de rue aux actions de perturbation, et jusqu’aux sabotages de différentes structures de dévastation et d’oppression.Ce furent des jours d’intense activité, suivis de dizaines de plaintes, vérifications d’identité et perquisitions. Les contrôles de police se sont resserrés sur chaque anarchiste, sur les amis des trois arrêtés et sur leurs familles. Les organes de presse–des plus conservateurs aux plus progressistes– se sont déchaînés en une meute visant à isoler totalement aussi bien les trois subversifs incarcérés que toute personne qui se solidarisait avec eux. Les anarchistes étaient présentés –en fonction de la « couleur » du journaliste–comme des êtres sanguinaires, des fous, des provocateurs, ou plus simplement comme des inadaptés sociaux. C’est à ce moment-là qu’a été créée la catégorie sociologique du « squatteur » : terroriste ou paria.

Les positions des anarchistes, et en particulier celle d’Edoardo, ont été mystifiées ou tues, au point même d’être effacées de la scène : le spectacle médiatique triomphait. Les idées, ces mêmes idées au nom des quelles « les trois » étaient arrêtés, pour lesquelles Edo et Sole mourront, ne réussissaient pas à émerger, étaient complètement étouffées par un croassement de corbeaux qui –de part et d’autre de la barricade– concourrait à vouloir faire oublier les événements déclencheurs de ces jours-là : c’est-à-dire les attaques contre le projet du TAV, c’est-à-dire le fait que l’État commençait à craindre une hostilité qui, dépassant pour une fois les illusions du dialogue et du dissensus en paroles, passait à la pratique. Oui, l’État avait peur… après tout ce temps. Il avait peur des mains inconnues : des mains avec des piolets, avec des allumettes, avec de la poudre noire. Des mains qui remettaient en lumière non pas une simple opposition, une révolte individuelle, un acte symbolique, mais,et c’est bien plus important, qui redécouvraient l’espoir de pouvoir changer, de pouvoir reprendre le destin de sa propre existence, de sentir à nouveau –en chacun– le sens d’une justice dont ce monde est privé depuis toujours. Parce qu’ils sont plus d’un à vouloir défendre leur terre et leurs affects ; parce que beaucoup désirent vivre dignement et ne pas mourir empoisonnés et détruits par une poignée d’affairistes – de la politique,de l’entreprise et de l’industrie. Parce que beaucoup d’hommes et de femmes ressentent le désir de vivre enfin libres… libre comme l’a été Baleno jusqu’au bout.
Dix années ont passé depuis ce 28 mars où Baleno a été suicidé.Pourtant, ces luttes et ces pratiques –comme celles des compagnons morts avant et après lui– continuent de vivre dans les batailles de ceux qui incendient le monde. Les Tatangelo et Laudi (juges), les Genco (journalistes), les Petronzi (flics), ont assassiné Edo et Sole mais ne sont pas parvenus à endiguer leurs idées, nos idées. Baleno parlait et écrivait librement et –malgré la répression toujours plus acharnée– les anarchistes continuent de parler et d’écrire ; Baleno occupait des maisons vides pour se moquer de leur vie, et il y a toujours beaucoup de personnes qui, se foutant de la propriété, décident d’arracher à la spéculation un toit par leurs propres moyens ; Baleno a été arrêté (à Ivrea en 1993) parce qu’il construisait un engin explosif, et il y a encore beaucoup d’esprits et de coeurs courageux qui aiment s’adonner à la pratique méritoire de la destruction et de l’attaque contre les ouvrages du pouvoir. Baleno détestait le progrès technologique, le bétonnage des montagnes, la séparation de la vie dans des rôles préconçus et l’aliénation progressive dans la quelle l’être humain se précipite. Un être humain civilisé, moderne,auquel on a arraché toute autonomie, tout savoir et tout rapport de réciprocité. Aujourd’hui, la tension et l’obstination d’Edoardo – qui l’ont conduit à cultiver les montagnes aussi bien qu’à construire des machines à laver à pédales – sont partagées par de nombreux individus qui cherchent encore, malgré l’idéologie dévastatrice de la consommation, à recréer des rapports réels, à inventer, à reconquérir cette autonomie que l’industrie de la marchandise nous a ôté, nous abandonnant seuls dans un océan de gens, nous abandonnant seuls parmi une montagne d’objets. Enfin, Edoardo Massari détestait et combattait la guerre, les frontières,les patries. Face aux massacres perpétrés aujourd’hui partout dans le monde, face à une idéologie patriotarde renaissante, face au mythe des bons Italiens qui exportent la démocratie, nous devrions tous nous rappeler d’un petit geste accompli par Baleno il y a tant d’années… Il n’avait pas de drapeau, ne saluait pas la bannière tricolore…mais se torchait le cul avec – et pas de façon métaphorique.Pour toutes ces raisons, après toutes ces années, nous continuons de revendiquer notre complicité avec ces compagnons disparus – qu’il saient été coupables ou innocents. Nous sommes encore là pour répéter qu’Edo et Sole continueront à vivre dans nos luttes, dans nos idées et… que nous n’avons pas oublié leurs assassins.

La Vie en un éclair

Baleno a été à nos côtés lors des nombreuses initiatives qui ont marqué le parcours de la pensée et de l’action anarchiste à partir de la fin des années 80, et pas uniquement dans le Canavese où il habitait. Il s’agit de déplacements fréquents d’un lieu à l’autre pendant des années, entre manifestations, occupations, mobilisations antimilitaristes et contre les dévastations de l’environnement, d’initiatives de solidarité contre la répression et de critique de la prison, de réunions et d’actions contre les diverses tentacules de l’Autorité et du Capital. Nous nous sommes rencontrés dans les charges policières lors de la manifestation contre l’ACNA à Savona en 1989, et puis encore à l’ex-Ilsa de Pont St. Martin, un centre social du Val d’Aoste, première occupation d’une longue série. En avril 1991 dans le Canavese, la piscine de Caluso est occupée : il y avait aussi Baleno parmi les occupants, au milieu de beaucoup d’autres personnes du coin qui trouvaient là pour la première fois l’occasion de s’exprimer et de se confronter librement dans un lieu libéré. Cette année-là, des occupations, des expulsions auxquelles résister ainsi que des initiatives en solidarité avec les insoumis au service militaire se sont succédées dans de nombreuses villes et villages.Toutes ont vu la présence de Baleno avec ses balenate parfois géniales et parfois lourdes, avec ses exhortations permanentes à faire plus : « … ben quoi, t’as peur… ». En décembre de cette même année, quelques occupants de la Piscina et plusieurs personnes solidaires venues d’autres régions se sont mobilisées en vue de l’expulsion imminente : une quarantaine d’entre elles a occupé la mairie de Caluso, dont Baleno. En janvier 92, la piscine est expulsée par des carabiniers venus en force.Entre janvier et avril 93, deux autres occupations seront tentées dans le Canavese. Les maires et les carabiniers interviendront quelques heures après et en chasseront les occupants.Le procès suite à l’occupation de la Piscina se termine par une condamnation sans précédent dans le Piémont pour un délit de ce genre : 7 mois de prison pour tous les accusés. Quelques jours plus tard, quelques individus parmi lesquels Baleno s’enchaîneront à une estrade lors d’un rassemblement public présidé par le maire d’Ivrea.
Le 19 juin 93, Baleno est arrêté à Ivrea. Il était allé faire soigner à l’hôpital une légère blessure qu’il s’était faite en s’adonnant à des expériences de chimie anarchiste dans son atelier de réparation de vélos. Une fois à l’hôpital, les carabiniers ont perquisitionné l’atelier et trouvé 46 grammes de poudre noire : c’est ainsi qu’a commencé la tentative de montage judiciaire contre lui. Non contents de l’enfermer en préventive pendant 7 mois (jusqu’au procès de janvier 94),puis de lui infliger un an de prison le 31 mars 95, ils tenteront en vain de l’incriminer avec d’autres anarchistes pour « bande armée ». Parmi les nombreux rassemblements et initiatives de solidarité dans toute la péninsule, une manifestation s’est déroulée à Ivrea le 22 décembre 93. Elle a démarré tranquillement mais, quelques centaines de mètres plus loin, le préfet a donné l’ordre aux manifestants de ranger les drapeaux noirs et de ne plus jeter de pétards : les participants ont refusé d’obéir et il a ordonné la charge. Les forces de l’ordre ont eu le dessous, et huit flics seront hospitalisés. L’un d’eux restera à terre, gravement blessé. C’est ainsi que la manifestation a réussi à aller de l’avant puis s’est terminée sans autre incident.Sorti de prison, Baleno a repris ses activités habituelles et son attention s’est portée sur la défense du territoire montagnard, de ses espaces de liberté, de sa nature relativement non contaminée par les tentacules de la société industrielle. Tous les regards se sont tournés vers le Val Susa, où l’hostilité contre la dévastation du futur train à grande vitesse (TAV) appelait les ennemis de l’autorité à se rendre sur place.


Enquête judiciaire et mobilisations

Les arrestations
Le 5 mars 1998, trois anarchistes (Silvano Pelissero, Edoardo Massari et Maria Soledad Rosas) qui vivaient ensemble dans la maison occupée de Collegno (Turin) sont arrêtés sur mandat des procureurs Maurizio Laudi et Marcello Tatangelo Le soir même à Turin, les flics et les carabiniers expulsent L’Asilo Occupato et l’Alcova Occupata. Ils détruisent tout, brisent les fenêtres, les salles de bain et tout ce qui leur tombe sous la main. Les trois anarchistes sont placés à l’isolement sans qu’il leur soit communiqué la gravité de l’accusation : « association subversive à finalité terroriste ». Le 7 mars, le juge pour les enquêtes préliminaires, Fabrizia Pironti, confirme l’arrestation et l’accusation. Depuis le début, les enquêtes partent du présupposé que les coupables sont les trois anarchistes et qu’il est donc juste nécessaire de trouver des preuves contre eux. Malgré l’usage immodéré de micros, de caméras et de perquisitions fréquentes, aucun élément accablant n’est pourtant retrouvé. Les juges continuent tout de même la procédure, surtout « grâce » au soutien médiatique.

Le rôle des mass-média
Le travail des journalistes se révélera décisif pour discréditer et calomnier les trois arrêtés. La presse et la télévision commencent une campagne visant à alimenter la peur des anarchistes et à construire un procès médiatique dans lequel « la condamnation est déjà écrite ». Jusqu’au 7 mars, des quotidiens turinois sortent avec des titres étourdissants : « Blitz contre les éco-terroristes », « Les Loups gris attrapés dans les centres sociaux », « Longue enquête à l’aide d’un infiltré, des bombes et des mèches mises sous scellé », « Squatteurs anarchistes avec la passion des armes », « Trois subversifs arrêtés », « Une piste à propos des attentats anti-TAV en Val Susa », etc.

La solidarité
Juste après l’arrestation de Sole, Baleno et Silvano, un rassemblement de protestation contre les arrestations et les expulsions est organisé devant la mairie de Turin. Ceux qui participent à l’initiative sont chargés par la police et, lors des affrontements, plusieurs vitrines de boutiques de riches tombent en morceau. Dans plusieurs villes d’Italie démarrent des mobilisations en faveur des anarchistes arrêtés : manifestations, rassemblements, blocages et sabotages se succèdent.

La farce judiciaire continue…
Le 26 mars, le tribunal repousse le recours de mise en liberté, « parce qu’il existe une forte proximité entre les trois inculpés et les auteurs des attentats » et que « le risque de récidive de délits de nature identique est très élevé ». Samedi 28 mars à l’aube, selon la version officielle, Edoardo Massari est retrouvé agonisant, pendu au lit par un drap dans la prison turinoise des Vallette.

Les funérailles
Après le « suicide-assassinat d’Etat » de Baleno, la morbidité des médias explose dans toute sa misère. Beaucoup de journalistes refusent de respecter le désir exprimé publiquement par la famille Massari de pouvoir enterrer leur proche en paix, uniquement en présence des parents et des amis, déchaînant la rage plus que légitime des amis d’Edoardo : le chroniqueur Daniele Genco en fera les frais, ainsi que la voiture de Paolo Grisieri, envoyé spécial de Il Manifesto, et certains caméramans. Ce qui s’est passé au cours des funérailles devient pour les chacals de l’information une occasion supplémentaire d’attaquer les anarchistes. Le mouvement réagit en rompant tout contact avec la presse, excepté une conférence provocatrice lors de laquelle quelques anarchistes lancent des carcasses de poulets et des restes de boucherie sur des journalistes avides de nouveauté. Le 15 avril, le parquet d’Ivrea lance trois mandats d’arrêt contre autant d’anarchistes de la région pour « tentative de meurtre » (requalifiée plus tard en « coups et blessures graves »), liés à l’agression du journaliste Daniele Genco (balance de la police et fameux pour ses calomnies contre Baleno et ses compagnons). Un seul sera arrêté, tandis que deux autres entrent en clandestinité.

La manifestation du 4 avril
Le 4 avril se déroule à Turin une manifestation « unitaire » de toutes les aires antagonistes italiennes. Un cortège de 9000 personnes défile dans les rues pour demander la libération des incarcérés et exprimer sa rage suite à l’assassinat de Baleno. La prison des Nuove et le Palais de Justice reçoivent des centaines de pierres et sont assaillis par les manifestants : les dégâts causés au Palais sont de plusieurs centaines de millions de lires. Suite à la manifestation, la police lancera plusieurs plaintes avec l’accusation de « dévastation ».

Le suicide de Soledad
Soledad est arrivée en Italie en juin 1997 et, selon l’accusation, elle « aurait commencé » en moins de quatre mois à faire partie du mouvement anarchiste turinois, devenant une des responsables de l’organisation subversive clandestine (même si, entre autre, les sabotages en Val Susa ont eu lieu alors qu’elle vivait encore en Argentine). Samedi 11 juillet 1998, Sole meurt suicidée. Elle est retrouvée pendue dans les locaux du foyer [comunità à l’italienne] Sotto i ponti de Benevagienna, où elle était enfermée en résidence surveillée.

Les colis piégés et l’isolement des anarchistes
Début août, cinq colis piégés sont envoyés par la poste. Leurs destinataires sont : le procureur Maurizio Laudi, le journaliste Genco, le conseiller régional des Verts Pasquale Cavaliere, le député Giuliano Pisapia et le conseiller municipal de Rifondazione Comunista Umberto Gay. Ces colis n’explosent pas et ne feront ni dégâts, ni victimes. Suite à ces attaques, l’isolement des anarchistes n’est pas seulement venue de la gauche modérée, mais aussi de celle qui est plus « alternative » et extraparlementaire, y compris la plus grande partie des centres sociaux italiens et des squats turinois, gobant de cette manière la division du mouvement entre « bons et méchants » et favorisant ainsi la répression d’une partie du mouvement anarchiste : la quasi totalité de ceux qui ont choisi (par principe) de ne pas prendre publiquement position sur les colis piégés ont été inculpés et perquisitionnés les mois suivants. Il Manifesto, l’Unità, Liberazione, juste pour citer les journaux plus fameux, contribueront à diffuser des nouvelles sans aucun fondement, comme celles qui attribuaient à Silvano Pelissero un passé de militant d’extrême-droite et même des collusions avec les services secrets.

Les sentences
Le procès en première instance s’est terminé le 21 janvier 2000 par une condamnation à 6 ans et 10 mois pour Silvano : vol et dévastation de la mairie de Caprie, association subversive, attentat contre le transformateur de Giaglione, détention d’explosifs, etc. Le procès en appel, qui s’est déroulé en une seule journée (18 janvier 2001), ne fait qu’une concession aux thèses de la défense : l’acquittement pour fabrication d’engin explosif. La peine est réduite à 6 ans et 1 mois. Le 21 novembre 2001, la cour de cassation invalide l’accusation d’activité terroriste à finalité subversive. Le 4 mars 2002, au bout de quatre années de détention préventive, la magistrature émet un mandat de libération de Silvano « pour épuisement du délai maximum de détention » : l’anarchiste ne sera effectivement libéré que le 12, parce que les carabiniers ont laissé passer une semaine entière avant de communiquer la nouvelle à l’intéressé. En 2002, la Cour de Cassation de Rome démonte les thèses des procureurs turinois Maurizio Laudi et Marcello Tatangelo. Il ne s’agissait pas d’une association terroriste, mais de trois personnes qui, au maximum, s’étaient adonnées à des délits communs. L’accusation la plus grave (la finalité subversive et terroriste des délits contestés) étant tombée, la Cour d’Appel de Turin réduit la peine de Silvano à 3 ans et 10 mois.

P.-S.

Extrait de Cette Semaine N°97.
[Traduit de l’italien. Tiré de Un pugnale e un talismano. Sole e Baleno,
1998-2008. Materiali della mostra ed allegati, mars 2008, pp. 2-15 et
20-22] publié sur Rebellyon.info.

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La marche No Tav bloquée au Montcenis

montcenisVendredi 10 juillet, la marche française No Tav est partie du Montcenis pour rejoindre le territoire italien.

De nombreux No Tav étaient prêts à les accueillir… mais pas que ! En effet, la préfecture de Turin a organisé un blocus de 3 heures sous prétexte de vouloir identifier tous les participants.

A part les désagréments pour les touristes, rien de nouveau. La police italienne nous a depuis longtemps habitué à vivre dans un territoire militarisé et désormais nous ne nous laissons plus intimider. C’est pourquoi après d’infinies chicaneries, la marche est repartie.

Ce soir, après la journée d’initiatives, rendez-vous à 18 heure au camping de Gravella à Chiomonte pour rester ensemble, manger et écouter de l’excellente musique jusqu’au petit matin !

Traduit de l’italien par Comité No TAV Paris depuis Notav.info.

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Programme du camping No TAV au Val de Suse (Venaus), du 18 au 26 juillet

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L’été de lutte No TAV continue avec le camping résistent qui se tiendra à Venaus (Val de Suse, Italie) du 18 au 26 juillet 2015. Il y aura beaucoup d’initiatives, des débats, des concerts et de moments de relax pour nous préparer à une autre saison de lutte.

Voilà le programme (il y aura probablement de variations)

Samedi 18 : 

ouverture du camping NO TAV

initiatives résistantes

20h dîner au presidio de Venaus

22h30: Dj Set Trash Music avec “Artifizi micidiali”

Dimanche 19 :

15h30 à Giaglione pour une promenade en val Clarea (prés du chantier LGV)

20h00 dîner à Venaus, la cuisine est gérée par le Comité No TAV de Suse

Lundi 20 :

10h diffusion de tracts au marché de Bussoleno

18h Caravane pour le Rojava, des mises à jour et des nouvelles sur la Résistence de peuple.

Exposition de photos

20h dîner de soutien à la Caravane du Rojava

Mardi 21 :

10h diffusion de tracts au marché de Suse

18h Plusieurs luttes No TAV se rencontrent : No Tav Val de Suse, No Tav Terzo Valico (Gênes-Sud Piémont) e No Tav Brescia (Lombardie)

20h dîner au presidio de Venaus

Mercredi 22 :

Petit déjeuner et repas devant les entrés du chantier prés de la Centrale électrique de Chiomonte

18h Rdv avec des luttes en défense du territoire dans les Quilombo (communauté de descendants des esclaves) du Brésil. Avec une projection vidéo.

20h dîner au presidio de Venaus. La cuisine est gérée par…”Fornelli in lotta”!

21h30 débat: Grèce, les enjeux après le referendum

Jeudi 23 :

10h diffusion de tracts au marché de Chiomonte

18h présentation de livre de Cristiano Armati “La scintilla, dalla Valle alla metropoli”

20h dîner. La cuisine est gérée par le Comité No TAV Turin et alentours

22h Concert de Egin en version acoustique

Vendredi 24 :

11h Assemblée de “Abitare nella Crisi” (habiter dans la crise), perspectives de lutte pour l’habitation (mouvement de mal logés)

…INITIATIVE DE LUTTE

Samedi 25 :

TOURNOI DE FOOTBALL

18h débat contre la loi italienne “Sblocca Italia” et “Grandi Opere” (grands oeuvres) : Mouvement No Tav, mouvement “No Ombrina”, mouvement “No à la déchetterie de Bagnoli” et Comités du Agro Caleno

20h dîner au presidio de Venaus

22h Concert: ELIO GERMANO et le BESTIE RARE

Dimanche 26 :

repos Résistante et fermeture du camping

traduit de l’italien depuis NoTAV.info.

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Histoires croisées de la ZAD (de NDDL) et du No TAV

arton15068-243d0Après Constellations, le collectif mauvaise troupe travaille à un nouveau livre sur une histoire croisée de la ZAD (de Notre Dame des Landes) et du No TAV. Le livre doit paraître début 2016, mais des entretiens seront publiés sous forme de brochure régulièrement d’ici là.

Pour commencer la série, on peut lire les récits de Mario, barbier à Bussoleno et condamnés pour les événements du 3 juillet 2011, et de Jasmin, Naturaliste en lutte et ancien occupant de la ZAD.

Quelques mots sur ce projet

Alors que le maillage tissé par l’aménagement du territoire se veut toujours plus dense, visant à rendre les lieux qu’il cible toujours plus capitalisables et contrôlables, il est des habitants qui lui opposent un non ferme et sans appel. Ainsi du bocage de Notre-Dame-des-Landes et de la vallée italienne de Susa qui luttent depuis des décennies contre des infrastructures à grande vitesse, aéroport international pour l’un, TGV Lyon-Turin pour l’autre. L’opiniâtreté de leur refus, autant que l’ampleur que ces luttes ont acquise, ont fait mentir toutes les prévisions du pouvoir. A tel point qu’elles redessinent aujourd’hui avec leur propre plume l’avenir de leurs territoires.

Au cœur des 2000 ha de la ZAD, s’ouvre une « zone de non droit » qui tend à se soustraite aux contrôles administratif, économique et policier, et où s’expérimentent des formes de vie proches de ce que pourrait être une commune ou une zone autonome. Les autorités ne dictent plus leurs Plans d’aménagement et habiter y prend par là-même des formes tout autres, celles-ci évoluant au gré des besoins ou des envies, s’extirpant peu à peu de l’architecture pacificatrice des villes comme de la rentabilité touristique ou agricole des campagnes.

Dans la vallée alpine de Susa résonne un mouvement qui ne souffre aucune négociation : « No TAV ». Ses drapeaux flottent dans chaque village, il réunit à ses heures des dizaines de milliers de manifestants tout en assumant des attaques répétées d’un chantier ou le sabotage des machines qui tentent de défigurer la vallée. On y parle sans flagornerie d’un peuple, peuple en révolte qui prend tour à tour la figure du barbier de Bussoleno, d’un antagoniste de Turin, du poissonnier de Villardora ou d’une grand mère catholique de Condove.

La ZAD et le mouvement No TAV incarnent, chacun avec son propre style, des manières inédites de tenir inséparées la vie et la lutte, qui ont bouleversé la pensée et l’agir politique de leurs pays respectifs. En France, depuis 2012, d’autres projets d’aménagement ont trouvé face à eux une détermination dont la lutte de Notre-Dame-des-Landes avait donné l’élan. En Italie, le « mouvement du No » se répand jusqu’en Sicile : le No MUOS contre les antennes militaires, le No PONTE à Messine, et d’autres No TAV au Terzo Valico ou dans le Trentin.

L’expérience doit circuler simultanément aux slogans et à l’enthousiasme, pour donner chair aux velléités de résistance. C’est depuis cette intuition que nous avons entrepris après Constellations l’écriture d’un nouveau livre qui donnera la parole à ces deux luttes.

Les batailles à venir n’ayant aucune déférence pour les délais éditoriaux, nous diffusons dès aujourd’hui quelques entretiens réalisées pour la rédaction de cet ouvrage à paraître début 2016.

La suite à lire sur :  https://constellations.boum.org

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Grande marche No TAV de Chimilin au Val de Suse. Infos pratiques et suivi quotidien…

Alors que l’on s’achemine vers un redémarrage du chantier coté français, les opposants à la ligne TGV Lyon-Turin participent à une grande marche NO TAV entre Chimilin et le Mont Cenis du 30 juin au 12 Juillet 2015.

lire : Rejoignez la grande marche NoTav de Chimilin au Val de Susa

lire aussi le suivi quotidien de la marche NoTav.

 

– blog de la marche : http://marchenotav.noblogs.org

– adresse mail de la marche : marchenotav (at) rebellyon.info

– numéro de téléphone de la marche : 06.40.78.80.29

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Compte rendu de la marche No TAV au Val de Suse du 28 juin 2015

arton3527-0258cLa lutte du Val de Suse en Italie contre le TAV (Treno ad alta velocità, ou train à grande vitesse) dure depuis le milieu des années 1990 et n’a cessé de démontrer l’absurdité de ce projet démesuré. Depuis près de vingt ans les opposants (No TAV) se mobilisent contre ce projet inutile et coûteux. Ce dimanche 28 juin une manifestation était organisée pour ouvrir le cycle de lutte de l’été. Récit d’un membre du groupe Regard Noir de la Fédération anarchiste.

Le rassemblement était donné à Exilles, un village de la vallée, pour 10h du matin. Sur la route nous croisons plusieurs barrages policiers, qui filtrent et fouillent les manifestants potentiels, en particulier les cars. Arrivés sur place vers 10h le cortège se met finalement en branle vers 11h30 en direction du chantier de Chiomonte où les travaux du TAV ont commencé. Nous sommes alors au moins 5000 à défiler ainsi à flanc de montagne. Pour quelqu’un d’habitué aux manifestations parisiennes, se retrouver dans ce cadre de montagnes alpines et de forêts est un agréable changement.

Le soleil tape dur et il nous faut bien une heure de marche, rythmée par des coups sur la barrière de sécurité routière, pour arriver à un croisement où le camion-sono s’arrête. Une bonne partie de la manifestation continue néanmoins et prend la route la plus directe vers le chantier, tandis que les personnes les plus déterminées commencent à se préparer à croiser la police. Loin de décourager les gens de s’y rendre la personne au camion-sono dénonce la militarisation de la vallée et déclare qu’il n’y aurait pas d’affrontement si ils ne s’opposaient pas à nous. Nous passons alors sous un viaduc, suivis par l’hélicoptère qui ne nous lâche plus depuis le début de la manifestation. Une demi-heure s’écoule avant que nous arrivions face aux forces de l’ordre, plantés au milieu de nulle part, positionnés dans un tournant et protégés par des blocs de béton auxquels sont fixés des grilles de métal.

Très rapidement la situation se tend, tandis que les militants No TAV qui ne sont pas prêts à l’affrontement refluent vers l’arrière, les canons à eau commencent à tirer et nous entendons le bruit caractéristique des lance-grenades et des lacrymo qui explosent, tandis que les palets de gaz retombent autour de nous. Dans le même temps, les premières lignes de camarades, protégés par des plaques de plexiglas tentent d’arracher les grilles à l’aide de grappins et de cordes, tout en répondant aux tirs de la police à l’aide de pierres et de feux d’artifice. Une bonne portion de la route est noyée sous le gaz et nous refluons rapidement hors de portée. Les camarades mieux préparés tiennent encore quelques minutes avant de se replier devant l’intensité de la violence policière et la solidité de leurs installations. Les personnes restées en arrière s’occupent des gens les plus touchés par les gaz, l’eau circule de mains en mains, de même que le citron et le maalox. Un peu remis les camarades retournent à la charge une seconde fois, mais n’auront pas plus de chance.

Nous nous replions tous en chantant un des slogans les plus caractéristiques de cette lutte et de cette situation en particulier « Si parta, si torna insieme / Chiomonte come Atene / Siamo tutti black bloc / Lo sbirro nel cantiere / Dovrà tremare / Se arrivano i no TAV / ALE ! ALE ! ALE ! » en français « On vient ensemble, on repart ensemble / à Chiomonte comme à Athènes / nous sommes tous des black bloc / le flic sur son chantier va trembler / car arrivent les no TAV« . En effet on m’avait parlé de cette lutte comme un bon exemple du respect de la diversité tactique, les gens ne cédant pas aux sirènes médiatiques les appelant à condamner les encapuchonnés comme on dit ici, tandis que les camarades choisissant l’affrontement, respectent ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas se confronter à la police. La distinction entre les uns et les autres n’étant jamais aussi marquée et définitive. De même de nombreuses personnes font écran entre les camarades qui se changent en prévision des affrontements et les caméras ou les témoins gênants. Ce que j’ai pu en voir au cours de la journée m’a semblé confirmer ce que j’en ai entendu, même si tout ne doit pas être aussi rose.

Alors que nous refluons, les camarades en noirs, suggèrent de passer par un chemin détourné dans les bois pour tenter de surprendre la police à un autre endroit. N’étant pas suffisamment équipés nous ne les suivons pas, mais ils sont bien 200 à tenter le coup, cagoulés ou non. Nous remontons la route vers le carrefour jusqu’au camion-sono puis allons chercher la voiture laissée à Exilles pour rejoindre le reste des manifestants à Chiomonte, sur l’autre versant de la vallée. La journée n’est pas terminée, nous reprenons quelques forces sur la place de ce vieux village, puis vers 16h30 nous commençons à redescendre tous ensemble vers le chantier, cette fois par le bas de village. Nous rencontrons rapidement les lignes de police, protégées par le même système de grilles et de béton placé sur le pont qui enjambe la rivière de la vallée. Les slogans vont bon train face au policiers qui sont nombreux à nous toiser et la grille nous sert à marquer le rythme.

Vers 17h30, un peu fatigués par la journée et le soleil qui tape toujours nous décidons avec quelques camarades de prendre un peu de hauteur et de se mettre à l’ombre. Nous avons à peine quitté les premières lignes que le bruit des grenades retentit en cascade. Il est encore difficile de dire ce qu’il s’est exactement passé, mais d’après le site infoAut [1] il semblerait que les no TAV aient réussi à renverser les barrières, ce qui en retour à déclenché les tirs de lacrymo et une charge de la police sur le pont. Ce que j’ai vu de mon coté alors que je remontais pour éviter le nuage de gaz, c’est des camarades cachés sous les frondaisons pour éviter les caméras de l’hélico et se préparant dans l’urgence à répondre aux tirs, tandis que les gens qui remontaient les applaudissaient avec enthousiasme. De même par la suite, les tirs de feux d’artifice de nos camarades étaient ponctués sur les hauteurs par des applaudissements et des encouragements. Qu’on vienne me parler ensuite des black blocs qui sèment le désordre dans les manifestations… Cette image m’a fait chaud au cœur.

Ayant pris un peu de hauteur, les bruits de détonations se sont succédé, grenades contre feu d’artifice, jusqu’à ce que l’intensité du nuage de gaz que le vent poussait vers nous, nous force à remonter jusqu’au village. Il semblerait que des camarades aient profité de la confusion pour réussir à percer la zone rouge et à pénétrer sur le chantier. Éreintés, nous avons quitté le village en voiture vers 18h. En cours de soirée nous apprenons qu’à la fin de la mobilisation, peu après notre départ, les flics ont tenté de se venger bassement en arrêtant les militants du camion-sono, mais ils ont finalement été relâchés. Le nombre de blessés reste encore peu clair, mais il semblerait qu’aucune arrestation ne soit à déplorer.

Nous aurions beaucoup à apprendre de ce mouvement où militants révolutionnaires côtoient habitants de la région et militants associatifs, où militants non-violents ne s’en prennent pas aux « violents », et ou les militants voulant s’affronter avec la police ne se comportent pas comme un corps étranger au mouvement dans son ensemble. Ces distinctions médiatiques et policières n’ayant ici plus lieu d’être.

Pour en savoir plus : https://notavparis.wordpress.com/pourquoi-sopposer-a-la-ligne-grande-vitesse-lyon-turin

Un membre du Groupe Regard Noir de la Fédération anarchiste

Notes

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Rejoignez la grande marche NoTav de Chimilin au Val de Susa

Quelques précisions

- Les horaires (des départs comme des discussions) sont pour l’instant donnés à titre indicatif. Nous mettrons à jour le blog au plus vite en cas de changement. De même nous préciserons encore un peu la nature des différentes marches dès que possible. Pour ceux qui viendraient à la journée, mieux vaut être en avance qu’en retard, la température monte vite et l’inertie collective ralentit souvent les départs… Si vous ne souhaitez / pouvez pas marcher, des véhicules devraient s’organiser chaque jour pour faire la navette, pour les enfants par exemple.

- Nous invitons chacun et chacune à participer à la mise en place d’espaces et d’activités spécifiques pour nos joyeux bambins.

- Des cantines (prix libre) seront assurées midi et soir, ainsi que la logistique générale du camp, mais n’hésitez pas à venir armés de tout ce qu’il vous semblera utile, partageable, nutritif : du pot de confiture à la crème solaire, de l’anti-moustique à la bouteille d’huile d’olive, de la gourde au véhicule de transport de troupes… et bien sûr une tente et un duvet.

- De la même manière, nous proposons des ballades et discussions, des concerts et des débats. Il sera toujours possible chaque matin de faire d’autres propositions pour rendre plus forts ces moments passés ensemble. Ainsi nous invitons ceux et celles qui connaissent l’histoire de ces régions, celles des étoiles qui les surplombent, celles des luttes passées et à venir, celle du passage d’Hannibal dans les Alpes, etc. à venir raconter tout ça, lors d’une ballade comme un soir au coin d’un feu, seul ou en équipe, que vous ayez marché 5 heures en grosses chaussures ou 100 mètres avec une canne.

- enfin, n’hésitez pas à nous rejoindre pour simplement partager un repas du soir ou une discussion endiablée.

A très vite. Summer is coming

Le Programme

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Jour 1 : mardi 30 juin. Chimilin / Verel de Montbel
8-9h : rendez-vous à Chimilin derrière la mairie pour un petit déjeuner
Puis départ pour une marche plutôt facile, avec pique nique au bord de l’eau.
Il est préférable que chacun vienne avec de quoi se nourrir pour le pique nique de midi (début des cantines le soir).
Dans l’après-midi : arrivée à Verel de Montbel
18h : Première assemblée de la marche / discussion d’introduction.

Jour 2 : mercredi 1 Juillet. Verel de Montbel
Au matin : exploration des zones de chantier, explications sur les travaux à venir.
15h : Grande assemblée contre le TGV Lyon-Turin
19h : Les 1000 raisons d’être contre le TGV. Discussion sur le projet / contre-expertises (côté français et côté italien) (à confirmer)

Jour 3 : jeudi 2 Juillet. Verel / Dullin
9h : Départ pour une marche assez courte quoique très pentue !
Midi : arrivée à Dullin
18h : discussion sur les formes d’organisations paysannes et agricoles face aux grands projets d’aménagement, d’ ici à Notre Dames des Landes

Jour 4 : vendredi 3 Juillet. Dullin / Saint Franc
9h : Départ de la marche et pique nique sur la route. Marche d’une quinzaine de km, relativement plate.
18h : histoire du mouvement No TAV italien (à confirmer)
Soir : théâtre + concert (à confirmer)

Jour 5 : samedi 4 Juillet. Saint Franc
Journée détente / Explorations
18h : discussion sur la lutte en cours au Québec contre le gaz de schiste (à confirmer)

Jour 6 : Dimanche 5 Juillet. Saint Franc / Chapareillan
La distance entre ces deux communes étant importante, plusieurs options s’offrent à nous et seront à discuter ensemble au matin (9h) :
Tôt : Faire un convoi voiture et avoir le temps d’explorer les futures zones de chantier à Chapareillan
Moins tôt : Aller en convoi au col du Granier pour +y pique niquer puis redescendre à pied sur Chapareillan pour ceux qui le souhaiteraient.
18h : discussion sur Kobane (à confirmer)

Jour 7 : lundi 6 Juillet. Chapareillan / Saint Sulpice
Encore une longue distance à parcourir, nous pensons de nouveau à un convoi. Il y a de nouveau plusieurs options :
un 1er convoi partant tôt déposerait ceux qui le souhaitent au point de départ d’une rando (de minimum 5 heures) en Belledone.
Un 2e convoi se rendrait directement à Saint Sulpice pour y explorer les zones de chantier.
A discuter ensemble au matin.
18h : Grande Assemblée No Tav

Jour 8 : mardi 7 Juillet. Saint Sulpice / Villarodin
Convoi. Exploration.
Soir : concert suivi d’une boum

Jour 9 : mercredi 8 Juillet. Villarodin
Explorations des zones de chantier
18h : discussion sur les luttes anti – THT, éolienne, nucléaire..

Jour 10 : jeudi 9 Juillet. Villarodin / Refuge de montagne
Journée en montagne, repas et récits (appel aux conteurs et autres astrologues)

Jour 11 : 10 Juillet. Refuge / Mont Cenis / Venaus
Départ de la marche à 9h, environ 3 heures jusqu’au bord du lac,
Pique nique et retrouvailles avec les Italiens.
Dans l’après-midi, descente vers Venaus, possibilité de marcher ou de descendre en convoi

10-11-12 juillet : journées italiennes

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Marchenotav (at) rebellyon.info
//marchenotav.noblogs.org

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[No TAV Chambéry] Il doit passer par ici… Passera-t-il par là ?

La Maurienne a payé un lourd tribu à l’emploi, vallée industrialisée, elle en garde encore les stigmates. La population voit, avec craintes les fermetures successives des bastions locaux d’emploi et se raccroche au moindre espoir d’avenir pour elle-même et ses enfants.

Les politiciens locaux ont tout de suite senti la manne électorale qu’il pouvait tirer d’un tel projet. Elus pour restaurer l’emploi dans la vallée, programme qu’ils savaient eux-mêmes abscons, ils pourront enfin se glorifier d’une concrétisation de promesses électorales faites « au doigt mouillé » pouvant enfin surenchérir sur la soit disant nécessité impérieuse et le nombre délirant d’emplois induits. Le grand patronat l’a bien compris, il sait jouer de telles marionnettes…
Alors que de nombreuses données chiffrées prouvent l’inutilité d’un tel projet à la fois pour réduire la pollution et améliorer la situation économique de nos vallées, on oublie qu’il obéit à un impératif vis-à-vis duquel, la rentabilité, les populations, les paysages … ne sont que des aléas collatéraux. En ces temps de difficultés, les lobbies du CAC 40, jouent les « danseuses » auprès de l’Etat pour que leurs actionnaires conservent leurs dividendes. A la botte de ces obligés, capitalistes, ce dernier, ne pouvant faire passer l’argent des contribuables directement dans les caisses de la grande industrie (BTP entre autres…), décide d’ une politique de grands travaux…inutiles, d’autres en d’autres temps ( Hitler, Mussolini…) ont utilisés les même moyens pour renflouer les caisses de ces pauvres grosses boites. Ce projet financé par les justiciables, français, italiens et européens est conçu pour une utilisation essentiellement privée, au moins pour le fret. Pour ce qui est des voyageurs, ce qui est vendu est le gain de temps entre Lyon et Turin ( Paris et Milan), il est fort à parier que la desserte de Saint Jean de Maurienne, qui ferait perdre au moins ¼ d’heure sera zappée pour cause de non rentabilité.
Que restera-t-il réellement à la Maurienne et aux mauriennais après un tel aménagement présenté comme une panacée par les élus de tous bords, surfant sur la détresse actuelle face à l’emploi? Certes d’autres cicatrices, d’autres pestilences lancées comme du vitriol pour mieux continuer à la défigurer : 130 emplois pérennes, un petit millier de boulots occasionnels va se répartir entre français, italiens et européens. Les grosses entreprises ont leurs troupes de spécialistes, elles ne laisseront à la sous-traitance (comme pour les JO) des miettes empoisonnées. Et… 10 millions de mètres cubes de déblais aux poussières cancérigènes…
De l’industrie lourde à l’industrie chimique, la Maurienne a servi de zone d’exploitation à des entreprises plus polluantes les unes que les autres. Venant à la rescousse de l’exode rural, l’industrie a posé sa patte sur le bassin d’emploi que constituait une vallée propice à la houille blanche et en manque de terres agricoles pour tous.De ce fait la Maurienne a toujours été dépendante d’un développement imposé par l’extérieur, et qui peut le plus peut le moins… une récession, actuellement…
Cette vallée était (est ?) riche (énergie, mines, élevage, viticulture…). Ces richesses ont été ponctionnées par des intérêts extérieurs qui s’ils lui ont donné un grand bol d’air (fluoré) en terme d’emploi n’ont jamais permis à ses habitants de s’en saisir pour un bien-être commun et un développement le moins dépendant possible des vicissitudes extérieures (mondiales). Qu’en sera-t-il de la vallée quand les espoirs de développement de ses habitants seront enterrés sous 12 pyramides de Khéops de déblai ? Il est grand temps de réagir sachant que l’atteinte portée à l’existant risque de ne laisser au futur qu’un champ de ruine toxique.
Comité No TAV Chambéry – 14 juin 2015
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