La neige contre le TAV

5 février 2012

Publié dans En Italie - Val de Suse & Turin | Commentaires fermés sur La neige contre le TAV

Porter la vallée en ville

Rome, 2012

Publié dans Actions de solidarité | Commentaires fermés sur Porter la vallée en ville

26 janvier 2012 – Vague d’arrestations contre les No-TAV

Le matin du 26 janvier, à travers une bonne partie de l’Italie, les flics politiques italiens (Digos) en coordination avec les autres corps de police, ont arrêté 39 camarades italiens et un camarade français. Jusqu’à maintenant l’identité de ce dernier et le lieu de son arrestation restent inconnus.

L’opération policière a visé des centres sociaux, des squats et des maisons d’habitation. Les personnes ont été arrêtées sous de graves accusations (notamment agression contre des policiers) en lien avec les événements du 27 juin et du 3 juillet entre Chiomonte et Giaglione, dans le Val de Susa. Des habitants de la vallée et des activistes de toute l’Europe y étaient venus pour défendre la Libre République de la Maddalena et s’opposer à l’installation du chantier pour la réalisation de la ligne de TGV Turin-Lyon (TAV).

Malgré les milliers de policiers et de militaires, installés dans un campement-chantier fortifié, la résistance populaire pour l’auto-détermination des terres n’a pas faibli. Mais aujourd’hui, la répression de l’État se durcie. Les arrestations ont eu lieu dans les villes suivantes : Asti, Milan, Trente, Palerme, Rome, Padoue, Gênes, Pistoia, Crémone, Macerata, Biella, Bergame, Parme et Modène. Deux mineurs, une femme enceinte et un homme âgé de Bussoleno font partie des personnes arrêtées.

LIBERE TUTTE ! LIBERI TUTTI !

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin, Répression | Marqué avec , , | Un commentaire

26 janvier, rafles chez les No-Tav

No-Tav : 32 arrestations ce matin

Opération répressive de la police italienne en raison, officiellement, de la bataille du 3 juillet à la Maddalena. Les opposants au train haut vitesse ont vu débarquer la police en force ce matin à l’aube dans des différentes villes d’Italie, d’après la presse bourgeoise une arrestation aurait aussi eu lieu en France.

Pas mal d’arrestations parmi les membres des comités populaires de la vallée et de Askatasuna. La police a aussi fait des descentes dans trois centri sociali de la botte.

Mise à jour dès que l’on a davantage d’informations…

Le Réveil, 26 janvier 2012.


TGV Lyon-Turin. Une quarantaine d’arrestations après les heurts du 3 juillet

Une quarantaine de personnes ont été arrêtées ce matin, dont 26 ont été incarcérées, à la suite d’une enquête de la justice italienne sur les violents heurts qui se sont produits le 3 juillet dernier sur le chantier du tunnel du TGV Lyon-Turin dans le Val de Suse, au nord de l’Italie. Une ligne qui ramènerait le trajet Paris-Milan à 4 heures. Une ligne que dénoncent avec force les habitants du Val de Suse. Début des travaux de percement du tunnel en 2013.

Plus de 200 policiers ont participé à cette opération qui s’est déroulée dans une quinzaine de provinces italiennes, du nord au sud du pays, visant des milieux d’extrême-gauche opposés à la construction de cette ligne à grande vitesse entre l’Italie et la France.

Vingt-six personnes ont été arrêtées et seize autres assignées à résidence pour résistance à un officier public, violences, lésions et dommages, selon le Corriere della Sera.

Ce jour-là, le 3 juillet, des échauffourées, très dures, s’étaient déroulées pendant deux heures. Cocktails Molotov, pierres, bouteilles remplies d’ammoniaque avaient été lancées sur les forces de l’ordre qui répliquaient avec des grenades lacrymogènes, parfois tirées à hauteur d’homme. Le bilan avait été à la hauteur des heurts : Au moins 188 policiers et carabiniers et une quinzaine de manifestants avaient été blessés. Avant que les manifestants les plus déterminés ne se dispersent…

Leur presse (LeTelegramme.com), 26 janvier 2012.

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin, Répression | Commentaires fermés sur 26 janvier, rafles chez les No-Tav

« A sarà düra ! » Retour sur le mouvement NO TAV

« A sarà düra ! »

Expression qui pourrait vouloir dire « ça sera dur », ou encore « ça va barder ». C’est devenu un des cris de ralliement de la contestation contre le désormais presque célèbre chantier de la ligne de Train à Grande Vitesse Lyon-Turin (ou « Trane Alta Velocita »), le mouvement « NO TAV ».

Nous vivons une époque « comique », où lorsqu’un mouvement qui dure depuis des années avec le soutien et la participation active de la majorité des habitant-e-s, monte en intensité, et atteint des manifestations à plus 70’000 personnes comme cet été, ponctuées à chaque fois par des affrontements avec la police et des sabotages du chantier de construction tout concourt à faire comme si rien ne s’était passé. D’un côté, les médias dominants et les partis politiques parlementaires, de la droite à l’extrême-gauche, condamnent unanimement une protestation qui « n’aurait pas lieu d’être », irait « à l’encontre du progrès », et serait tout bonnement « absurde ».

D’un autre côté, une partie des mouvements révolutionnaires s’emploie à ignorer gentiment un mouvement vu comme « réactionnaire » ou qui ne porterait que des revendications partielles.

On ne conjure jamais autant un mouvement que lorsqu’il est autonome, et se renforce à mesure qu’on le traite entre indifférence, mépris et lassitude.

Pourtant, au delà de certaines postures régionalistes ou identitaires, et de simples griefs réactionnaires contre « Le Progrès » (ce sacro-saint dispositif de répression préventive qu’il est devenu quasi-impossible de remettre en cause sans être assimilé au fascisme ou au romantisme) il y a clairement, dans cette lutte, des aspects qui permettent de dire sans se tromper qu’elle constitue une véritable ligne de front contre le capitalisme et l’État.

« À contre-Progrès » ?

« Les véritables alternatives sont à vrai dire catastrophiques : elles impliquent non-seulement des changements dans les institutions sociales, les objectifs et les politiques établis mais aussi leur disparition pure et simple. Cette nouvelle direction du progrès menace en vérité l’ensemble de la société. Même si elle tend vers le point de non-retour, qui est, historiquement, celui du changement qualitatif, la société industrielle mobilise toute ses ressources contre cette éventualité. »

Herbert Marcuse, Le problème du changement social dans la société technologique.

Ce qui se joue dans cette lutte idéologique concernant le TGV ou TAV, ce n’est pas seulement la construction d’un train, mais la question de la rationalité technologique du capitalisme et son application directe dans la vie quotidienne. La construction de cette ligne de train, qui rencontre une contestation de plus en plus massive et de plus en plus offensive, aura mobilisé jusqu’ici tout ce que la société capitaliste possède d’infrastructures idéologiques, politiques, et donc policières et même militaires pour exorciser cette opposition féroce qu’elle se refuse à ne serait-ce que comprendre. Si ce sont la police et les chasseurs alpins qui protègent aujourd’hui systématiquement le chantier de construction du TAV, c’est parce que tous les moyens de propagande, et de répression préventive (incluant les techniques les plus modernes de manipulation publicitaire, de propagande et de marketing) ont été mobilisées… en vain.

La force de cette rationalité de la technique, qui modèle en fin de compte nos façons de penser et même de voir le monde consiste à nous laisser croire que le cours du progrès technique, et que les innovations en matière de technologie sont neutres, ou vont forcément de pair avec le progrès social. Ce mythe est aussi bien entretenu par les économistes et politiciens libéraux les plus chevronnés, un bon nombre de réactionnaires (justement), que par la militance gauchiste et sa vieille rhétorique marxiste. La société moderne donne à voir franchement à quel point l’idée selon laquelle « le progrès est nécessairement le sens de l’histoire » constitue un fantasme positiviste particulièrement éculé.

D’abord parce que la critique de l’utopie technologique du capitalisme a été refoulée. Sa force est aussi d’avoir réussi à réconcilier des valeurs et des forces traditionnellement vues comme antagonistes (comme le Travail et le Capital), mais aussi des tendances oppositionnelles autrefois marquées : comment serait-il possible sinon que dans quasiment tout le spectre politique traditionnel, de la droite populiste à l’extrême-gauche parlementaire, on ne trouve rien à dire, sinon des louanges ou des platitudes, concernant ce projet de construction de TGV/TAV et la contestation qu’il rencontre depuis des années.

Les concepts mêmes de « modernité », de « progrès », ou « d’avenir » ont été si vidés de leur substance théorique et de leur charge critique qu’il est devenu possible pour des tendances politiques vues comme irréconciliables de s’accorder sur l’essentiel à partir de la définition de ces catégories devenues parfaitement inopérantes.

Entre gauchisme et tentation réactionnaire : les écueils d’une lutte moderne contre le capital et l’État

Outre une expression parfois mal assumée de remugles passéistes et de nostalgie pour la vallée de Suse, quelques frasques teintés de relents réactionnaires pour ses verts pâturages, ses petits villages et ses résident-e-s au mode de vie si typiquement champêtre et « proche de la nature », un autre aspect de cette lutte a été le besoin manifesté par la frange la plus avancée du gauchisme d’y faire la police.

En terme de rappel à l’ordre, il faudra compter sur cette perle postée sur Indymedia Italia le 15 août 2011, qui s’en prend aux « punks à chiens existentialistes » à qui on reproche soit d’être là pour se battre contre le TAV comme tout le monde, soit sans doute d’être existentialistes — au choix — notamment donc dans le texte du CSO Askatasuna « Riflessioni sul dodicesimo campeggio No Tav » – « Réflexions sur le douxième campement No Tav », où leurs auteur-e-s expliquent donc tranquillement que « nous devons comprendre que la lutte de la vallée n’est pas faite que de l’inclination existentielle des punks à chiens à brandir leur doigt contre la police […] mais […] par des gens qui paient des impôts et emmènent les enfants à l’école, étudient ou prient [et] travaillent ». Que faudrait-il donc conclure d’un tel lieu commun, sinon que les gauchistes à la sauce Askatasuna préfèrent les gens qui prient et emmènent leurs enfants à l’école aux punks à chiens ou aux anarchistes (qui en plus de ne pas prier, sont rarement solvables, et évidemment ne travaillent jamais et n’emmènent pas leurs enfants à l’école — puisqu’ils n’ont pas d’enfants) ?

Dans la défense rassurante de « l’ordre et de la discipline » dans le mouvement, le parti pris par des organisations telles qu’Askatasuna a clairement été l’hégémonie morale et décisionnelle (même dans une optique confrontionnelle, à déterminer quelle action était censée ou appropriée et lesquelles ne l’étaient pas), et l’enjeu devient alors le pouvoir. Là aussi, la gauche extra-parlementaire en fin de décomposition se cherche un alibi en jouant aux arbitres : là où les staliniens grecs empêchent la foule révoltée de prendre le parlement lors de la dernière grève générale d’octobre 2011 (peut-être par peur qu’il ne soit incendié), les néo-staliniens « autonomes » italiens ont joué aux « militants sérieux » dans un mouvement qu’ils tentent de contrôler pour y faire la pêche aux nouvelles recrues et se refaire une jeunesse mais qui les déborde tant par sa forme que par son contenu, et qu’ils sont donc incapables de comprendre aussi bien théoriquement que pratiquement pour les raisons expliquées plus haut. Plus simplement, ce qui se joue là n’est pas qu’une querelle d’ordre syndical ou même seulement de classe ou la question de savoir au juste qui sont « les vrais gens qui mènent la lutte anti-TAV », mais bien plus de remise en cause du fonctionnement même du processus d’industrialisation et de ce qu’il implique : c’est-à-dire d’une véritable offensive qui transforme le capitalisme en machine de guerre et renforce tout les pouvoirs de l’État.

La société (comme ensemble prétendument pacifié et homogène) devient ainsi plus visiblement ce qu’elle était déjà essentiellement : un faux semblant de l’État, lui toujours prêt à sortir les armes et à montrer les crocs lorsqu’un axe des flux de marchandises est sous le coup d’une menace. Ce peut être une grève générale à l’échelle d’une nation, et ce peut être le mouvement No-Tav sur une frontière. Dans les deux cas, c’est un mouvement qui paralyse un pan de l’économie et jette un pavé dans les rouages.

Mais bien plus qu’un simple mouvement « anti-capitaliste », le mouvement No-Tav rencontre sans doute un tel engouement spontané et international parce qu’il touche à tout ce que la vie quotidienne dans la société capitaliste a de plus insupportable : destructions de la nature comme habitat humain et comme ensemble vivant, restructurations permanentes et dégradations exponentielles des conditions d’existence, exodes quelconques, et répressions féroces de toutes contestations ou révoltes autonomes.

… psychose sociale de la vitesse et destruction de la nature

« Les maîtres de la société sont obligés maintenant de parler de la pollution, et pour la combattre (car ils vivent, après tout, sur la même planète que nous ; voilà le seul sens auquel on peut admettre que le développement du capitalisme a réalisé effectivement une certaine fusion des classes) et pour la dissimuler : car la simple vérité des nuisances et des risques présents suffit pour constituer un immense facteur de révolte, une exigence matérialiste des exploités, tout aussi vitale que l’a été la lutte des prolétaires du XIXe siècle pour la possibilité de manger. »

Guy Debord, La planète malade.

Entre les jeunes actionnaires toujours plus assoiffés de chiffres qui défilent à 200 à l’heure mais qui revendiquent leur voiture « hybride » (« mi-pétrole, mi-nucléaire ») et leur mode de vie « bio », les jet-setters et les animateurs télé défoncés à la cockaïne qui font des stages de désintoxication à la campagne pour y rechercher le « terroir » et le « local », une jeunesse dorée fascinée par un modèle de réussite fait de flambe et de consommation ostentatoire mais toujours plus attirée par les artificiels « espaces verts » urbains, dans les images d’environnements domestiqués et autres erzats de « nature », le nouvel « exode urbain » de cette petite bourgeoisie qui vient gentrifier les banlieues et les campagnes en quête « d’humanité et de nature », le capitalisme génère chez ses enfants les plus gâtés un ennui et une sensation de vide qui ne peut être compensée que par une quête absurde d’intensité et de vitesse (dont le pendant « vert » est le bobo bio et ses quêtes mystiques) dans laquelle l’illusion d’être « proche de la nature » constitue le plus rassurant des palliatifs dans des villes où tout en a été parfaitement chassé, dégradé et détruit. Les marchandises doivent aller et venir toujours plus vite au milieux des plantes en plastiques et des micro-forêts enfermées dans des cages en béton, le capital circuler toujours plus vite à mesure que se déverse tout les flots de déchets toxiques dans les airs, sur la terre, dans les océans, les rivières et les mers, etc. Cette fuite en avant de la société reflète en fait le dépérissement de l’économie et son expression culturelle la plus grotesque : le mépris de la nature « teinté de vert » (où le « réformisme écolo » façon capitalisme vert ne représente en fait qu’une autre facette guimauve de la bourgeoisie éprise de ses propres états d’âme pour les conséquences de son mode de vie, et qui croit encore pouvoir se survivre), la haine des faibles sous couvert de « plaisir » ou de « réussite », le machisme le plus caricatural, le culte de l’apparence, la fascination morbide et le fétichisme de la violence (comme simple défouloir) ou son rejet abstrait et dogmatique, et évidemment les tentations réactionnaires, etc. Ces attitudes et ces visions du monde correspondent parfaitement à la morale dominante faite de darwinisme social et d’individualisme libéral dans laquelle seul-e-s ceux et celles qui « s’adaptent » survivent. Et c’est là que l’évidence crève les yeux : tout le monde ne peut pas manger « bio » ni s’acheter une maison ou une ferme à la campagne avec panneaux solaires. Et ce paradigme s’exprime aujourd’hui sous ses aspects les plus brutaux précisément parce que le capitalisme est pourrissant.

Et il implique nécessairement la destruction de la nature : l’écocide. À la bagnole et son idéologie la pollution de l’air et les milliers de morts sur les routes chaque année, aux milliers de produits cosmétiques et aux abats-faim de l’alimentation polluée l’empoisonnement des corps, une santé toujours plus fragile, et l’exploitation animale nécessairement industrielle et son évidente barbarie, et donc par conséquent l’empoisonnement des terres, de l’air et des mers à cause du lisier de cochon, du méthane des vaches (qui représente plus de gaz à effets de serre en europe que tout le trafic automobile réuni) mais aussi les nuisances liées au transport, et pas seulement la pollution stricto sensu mais le bruit incessant des machines et du travail aliéné, les paysages dévisagés, etc. Et au TGV ou TAV, son corolaire si évident et pourtant rarement abordé :

L’énergie nucléaire

« Procuste en tenue moderne, le savant en recherches nucléaires préparera le lit sur lequel l’humanité devra coucher ; et si l’humanité n’y est pas adaptée, ma foi, ce sera tant pis pour l’humanité. »

Aldous Huxley, Le Meilleur des Mondes.

Car en effet, dans un monde tel que celui là, la multiplication des lignes de train à grande vitesse ne peut que justifier encore et toujours la course à l’énergie nucléaire et la construction de nouvelles centrales, de nouveaux réacteurs (comme l’EPR de Flamanville, dont même les socio-démocrates avouent désormais ouvertement vouloir poursuivre la construction), etc. Et c’est bien l’atome et son exploitation qui scelle aujourd’hui le sale tableau d’une société écocidaire où la vitesse et les TGV (et ce qu’ils transportent : principalement des cadres supérieurs, des bourgeois et des marchandises) tournent à l’uranium : toujours plus de déchets intraitables qui sont autant de dettes sur tout projet de société future. Parce que là où l’air et le sol sont irradiés, on ne construit pas une société libérée de l’État, des classes et de toutes les autres dominations.

La lutte contre le TAV, comme la lutte contre le nucléaire ne sont qu’une seule et même lutte contre l’écocide capitaliste et étatique.

Et il faudra bien en finir, d’une manière ou d’une autre.
Et plus ça durera, plus ce sera dur.

Le Cri du Dodo, 28 octobre 2011.

Publié dans Textes & Analyses | Commentaires fermés sur « A sarà düra ! » Retour sur le mouvement NO TAV

3 juillet, une bataille dans le vieux monde

Il y a de ces moments qui fixent la température et annoncent un temps orageux, ces moments où l’on voit la levée volontaire des troupes — bardées de leur attirail de fortune et armées pour la plupart de leur rage indéfectible — en vue d’un combat, certes inégal mais inexorable, contre les brigades anti-émeute et leur monde. C’est dans ces moments-là, où excitation et appréhension se côtoient, que l’émeute à travers le groupe qui entend bien en découdre, prend corps et âme. On jauge au milieu de celles et ceux qui s’apprêtent, l’envie et la peur sont palpables et derrière les masques et les cagoules, les sourires doivent en dire long sur le coup qu’on leur prépare…

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1311652950.jpg

Au premier rencard, c’est un charmant petit hameau piémontais qui laisse entrevoir la solidarité des locaux avec la lutte en cours et avec la bataille à venir. De là, une file indienne discontinue se forme sur un sentier, à flanc de montagne et sous les bois, qui nous mènera, attirés comme un aimant, au lieu du carton. Une petite heure de descente, raide et tortueuse, accompagnée du bruit sourd des pales de l’hélicoptère qui pour mieux nous fliquer, rasent allégrement la cime des pins ; à voir l’état accidenté du terrain et le pourcentage de la pente, on commence à se demander si on ne se dirige pas vers un bon vieux traquenard, d’autant qu’on entend maintenant les déflagrations causés par les tirs de lacrymogènes, accompagnés bientôt par leurs relents nauséeux. Et dire que hier encore, on en aurait presque rêvé de ces odeurs ! Nous voilà maintenant au milieu des châtaigniers complices et de la bruyère sauvage, la gorge irritée et le nez en patate ! Ça nous laisse présager de l’ambiance quelque peu enfumée qui nous attend là-bas en bas.

En bons enfants du béton, nous sommes un peu décontenancés par l’idée d’opérer nos forfaits en pleine forêt, mais une fois sur place, on découvre la configuration du terrain : l’orée du bois qui délimite les camps diamétralement opposés, avec derrière nous la montagne, sûre et imposante, offrant une solution de repli en cas d’attaque policière. À l’extérieur du bois, des flics en nombre, embringués pour la petite fête qu’on leur prépare, campés autour d’une grande bâtisse — La Maddalena — qu’ils ont conquise la semaine précédente, elle-même entourée d’un grand terrain découvert d’une cinquantaine de mètres de long. Le bois fait face à la maison et de chaque côté du terrain, du grillage enserre les bourriques et un rempart naturel de pierres bloque l’accès à la forêt du côté gauche ; si bien que pour accéder au terrain vague, nous devons emprunter le passage découvert, de 15 mètres de large sur notre droite, ce qui, à la finale, est plus un handicap pour l’ennemi, plus lourd à se déplacer, que pour nous, plus mobiles et surtout plus imprévisibles.

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1311653088.jpg

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1311653108.jpg

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1311653189.jpg

L’odeur acre des lacrymogènes, les plaintes des gazés et les pierres qui volent nous mettent recta dans le vif du sujet. Sur le front, ça s’active, ça fomente et ça gamberge aux moyens d’être efficaces et de faire mal. Dans le chaos, on s’organise. Les porteurs de panneaux en plexiglas, téméraires, s’aventurent à découvert pour servir de bouclier à celles et ceux qui inlassablement, caillassent à tours de bras. Y a qu’à se baisser pour ratisser le sol, frénétiquement ou consciencieusement, afin de tomber sur la pierre au calibre adéquat, assez balèze pour être contondante, assez légère pour aller loin. Le tout est de trouver le bon équilibre et l’aérodynamisme idéal. La règle, qui est d’autant plus à respecter que l’âge est avancé, est de lancer le projectile seulement quand on est sûr de toucher, d’être suffisamment proche pour faire voltiger la caillasse et entendre, fier et sadique, le bruit de l’impact sur le bouclier ou sur le casque. S’abstenir de lancer dans le vide, permet d’économiser des forces qui nous abandonnerons, au moins pour un temps, lorsque, pris dans un nuage asphyxiant, nos yeux se mettront à pleurer, le souffle saccadé, les jambes coupées, la gorge brûlée et le ventre en gerbe… quelle sensation désagréable ! Sans compter qu’une charge brutale peut toujours survenir après un gazage massif.

Au milieu des étranglements et des râles, des explosions et des sifflements des tirs de grenades, la solidarité et l’attention sont de mise, les mélanges d’eau et de malox ou les bouteilles de citron circulent naturellement au sein du bordel. Les mieux équipés ou les plus lucides viennent à la rescousse des compagnons titubant et pliés par l’envie de dégobiller. Il y a quelque chose de touchant et de rassurant là-dedans. À peine les nausées envolées, on y retourne, moins frais mais toujours plus déterminés, haineux et nombreux. Certains montent des kerns — tas de pierres méthodiques — aux endroits stratégiques tels que les spots surélevés, juste après des goulets ou derrière un arbre imposant, qui saura nous protéger le moment venu. D’autres tentent d’organiser l’attaque frontale, en ramenant un vrac de pierres aux avant-postes et ainsi, faciliter le tir groupé ; moins simple à éviter qu’un caillou isolé, la pluie pierreuse met une bonne pression, qui à son tour excite notre courage. On se rapproche malgré les tirs tendus, l’adrénaline étouffe la peur et la haine du flic nous donne des ailes. Et lorsqu’une entreprenante tire une fusée de détresse sur un escadron figé ou qu’un cocktail d’ammoniaque vient réchauffer la cabine du canon à eau, on peut entendre comme un gémissement de plaisir dans la foule en liesse. Ça gronde, ça savoure. Pour souffler cinq minutes, on prend du recul pour se hisser en haut d’un gros roc et apercevoir au loin, après la première ligne de carabiniers, d’autres bâtards, victimes de nos emportements, allongés, blessés, brûlés ou encore gazés et l’on se dit alors, que tout ça n’est pas vain…

En fin de journée, alors que les positions de part et d’autre sont les mêmes, les keufs chargent à l’intérieur du bois, non sans avoir au préalable tiré une ribambelle de gaz. Lassé de s’être pris des pierrasses sur le groin, un escadron s’engouffre matraque à la main dans la forêt, moulinant à qui mieux mieux. La première réaction, chez nous, est de se carapater illico dans les fougères mais lorsqu’on a vu que nos poursuivants étaient 30 à tout casser, nous avons alors fait volte-face, hurlant pour se sentir moins seuls et rameuter les camarades. C’est alors que dans un corps à corps enragé, matraque vs gourdin, les cognes voyant leurs adversaires de trop près, déguerpissent aussi vite qu’ils étaient arrivés non sans abandonner un de leurs foutus collègues sur le lichen. Foutu, c’est ce qu’on a bien cru en voyant la masse vengeresse, s’esquinter à coups de pompes sur le pandore, qui subissait alors, le contre-coup de tant de haines, de vexations, d’enfermement, de tant de plaies… l’uniforme est rouge de son sang, il saigne comme un porc, le bleu prend la teinte de la terre et ses collègues sont loin, bien trop loin à son goût.

Tout s’accélère, il est dépouillé de son feu, ses pinces, son bouclier déjà fracassé, son insigne qui ici ne lui sert à rien, juste à prendre des coups. Avant qu’il ne crève ou peut-être qu’il est déjà trop tard pour lui, certains protègent ce corps inerte ; non pas que la vie d’un flic ait une quelconque valeur ici mais dans le cadre de la lutte qui se mène contre le TAV, pour les temps à venir dans cette vallée en résistance, il est évident qu’un macchabée assermenté ne serait pas du meilleur effet… C’est d’ailleurs plutôt les locaux qui après avoir aussi participé à la raclée, ont donc décidé de le laisser vivre. Ce fût un moment intense, traversé de mille contradictions, qui nous prenait par surprise et auquel nous n’étions pas préparés. Nous avons été confrontés à la mort, pas celle qui fauche un camarade mais à l’envie subite de la donner, elle était là, palpable, violente, là, à nos pieds, entre nos mains, il n’y avait plus qu’à… Tout s’arrête, le temps est suspendu, le son presque éteint.

Nous lui avons sauvé la vie, sauvé de nos instincts vengeurs. Qui l’aurait cru ? Sûrement pas lui, au moment où son bouclier s’est dérobé et qu’une nuée d’émeutiers se sont rués sur lui comme des mouches sur la merde. Avec ce trou de cul dans les pattes, l’idée de négocier un échange avec les inculpés a été proposé, mais faut croire qu’on a foiré. Négocier, c’est toujours capituler ! Si, dans ce sous-bois, le niveau de violence est monté d’un cran, il n’en demeure pas moins que nous ne sommes pas rompus à la pratique et à la macabre réalité d’une guerre frontale, d’une vraie putain de guerre. Alors que c’est peut-être à ce moment précis, quand le bleu tombe entre nos pieds, que l’on aurait pu enfoncer le clou et les lignes ennemies. Parce que dans la débandade, on a vu la peur sur les sales gueules d’en-face, des rictus d’effroi et un sentiment de vulnérabilité. Ils se sont chiés dessus sans que leurs armes, leur nombre, et leur droit n’y changent rien. La peur a pendant un cours instant, changé de camp même si cette puissance inattendue et ce rapport de force brutalement renversé, a fini par nous couper dans cet élan jubilatoire… Tellement habitués à perdre, aurions-nous la peur de vaincre ? Car pour espérer vaincre l’État, le plus froid de tous les monstres froids, il faut accepter le combat et sa nature, inévitablement violente.

Finalement, le flic blessé, conscient d’avoir frôlé la mort, conscient du dégoût qu’il inspire, conscient que ses collègues l’ont abandonné, conscient qu’il n’est rien, rien d’autre qu’une vulgaire fonction au service de l’État et des possédants, sera traîné vers son régiment, pantois et dégingandé. On lui a épargné la mort. Quelque part, nous le préférions amoché mais vivant chez eux que mort chez nous, c’est-à-dire dans cet espace dans lequel, quelques heures durant, nous avions donné corps à nos joies, à nos complicités, à notre haine de ce monde, un espace fait d’arbres et de pierres mais surtout d’un monde meilleur, d’un monde sans flic.

Des ennemis de ce monde

Indymedia Paris, 25 juillet 2011.

Publié dans Textes & Analyses | Commentaires fermés sur 3 juillet, une bataille dans le vieux monde

Larmes et citrons. Considérations sur les évènements de la Val di Susa

En fuite, rassemblé sur les cimes les plus arides des monts de l’Italie du Nord, le Club Alpin Inexistant survole avec moquerie les articles de la presse nationale. Un feu sera bientôt préparé pour rendre à Mère Nature tout ce papier gaspillé.

Des journalistes de tous horizons ont fait appel aux critiques, experts en feuilletons dix-neuvièmistes, pour fournir au peuple à l’écoute une description objective des événements qui se sont déroulés dans la Val di Susa le 4 juillet 2011.

Blackbloc australiens transportant des pierres à l’intérieur des poches de kangourous dotés de masques à gaz, barques somaliennes remontant la Dora battant pavillon pirate, et anarchistes du Kamchatka lançant de petits chars d’assaut en plomb sur les forces de l’ordre sans défense. Dans une poubelle près de la gare, on a retrouvé des missiles fournis, selon la Digos, par des sympathisants du Fatah.

En qualité de « témoins de la fin », nous membres de l’Internationale Inexistante nous ne pouvons qu’admirer une semblable construction de discours et un tel raffinement dans le détail. Le goût de l’exotisme fait toujours effet.

Mais nos envoyés sur le front peinent à se souvenir pareilles merveilles : étudiants, retraités, enfants, habitants des vallées. Difficile de trouver une définition collective, en admettant qu’il soit nécessaire d’en trouver une.

Honnêtes lecteurs de journaux,

Ce ne sont pas les « extrémistes » (ou les Tartares) qui ont marché sur l’asphalte brûlant, qui sont sortis des bois et qui ont respiré des gaz CS, mais bien un(e) ami(e) à vous, votre cousin(e), votre grand-père (grand-mère), votre fiancé(e).

Ils ont vu des choses que les parlementaires ne peuvent même pas imaginer. Des vieillards mordre des citrons avec des larmes de rage. Une vallée entière occupée par la police et l’armée. Des lacrymogènes tirés à hauteur d’homme s’abattre sur les têtes en une pluie continue. Un jeune homme en chaise roulante se versait de l’eau sur le visage pour tenter de s’ouvrir les yeux.

Le Club Alpin Inexistant lui adresse, à travers ce communiqué, l’admiration la plus profonde qu’un cœur humain puisse nourrir : là où la peur, la terreur instillée, sont les principaux instruments pour décourager la participation, y être devient une autodiscipline de fer pour chasser les monstres créés par les médias et les politicards.

Ce n’est pas par hasard si on utilise des lacrymogènes, après tout. L’objectif demeure toujours celui de fermer les yeux devant l’évidence. Et l’évidence, seul celui qui était présent peut la comprendre, celui qui a eu le courage de réagir, même avec force, à un abus qui dure depuis des années.

Vous autres, spectateurs, affairistes, éditorialistes et journalistes, Vous n’avez aucun droit de condamnation ou d’absolution et nous ne pourrons jamais traduire par des mots l’humanité de notre résistance et la médiocrité de vos jugements.

Nous reviendrons contempler le coucher du soleil colorer les glaciers de Roccia Melone, en dansant jusque tard dans la nuit. La lutte n’est autre chose qu’une façon de vivre. Et ses protagonistes ont un visage normal. Peut-être seulement un peu plus humain.

Longue vie à la République Libre de la Maddalena

CAI (Club Alpin Inexistant) – Internationale Inexistante
Indymedia Paris, 8 juillet 2011.

Publié dans Textes & Analyses | Commentaires fermés sur Larmes et citrons. Considérations sur les évènements de la Val di Susa

Première morte en Val de Suse, tué par les gendarmes

Hier après-midi un blindé des « carabiniers » a écrasé et tué une retraitée à Venaria, Anna Recchia de 65 ans.

C’est une véritable opération militaire en vigueur contre les manifestants de la Vallée de Suse.

Comme à Gênes une fois de plus l’arrogance du gouvernement italien a tué sous les pneus de véhicules de police.

Ces jours-ci, des dizaines de véhicules militaires sont empilés de haut en bas de la vallée.

Rappel

De violents affrontements ont opposé dimanche un millier de militants écologistes aux forces de police dans le val de Suse, dans les Alpes italiennes, à la suite du début du chantier du TGV Lyon-Turin.

Les militants installés en campement à proximité sont réunis dans le collectif No TAV (treno alta velocità, train à grande vitesse) qui regroupe des associations écologistes opposées au tracé ferroviaire.

Dès 6 heures du matin, un important dispositif policier de 2 000 hommes était sur place, et des bulldozers ont détruit les barricades élevées par les manifestants. On comptait en milieu de journée plus de 80 blessés dans les manifestants.

Le trafic sur l’autoroute et la liaison avec la France ont été interrompus pendant plusieurs heures.

http://youtu.be/0hzRrAnAJ7s

http://youtu.be/JaJa6_a8HDE

Manifestation le 3 juillet dans le Val de Susa

http://lelaboratoire.over-blog.com/article-manifestation-nationale-le-3-juillet-dans-le-val-de-susa-78164651.html

Manifestation le 3 juillet dans le Val de Susa

Une manifestation est prévue pour le dimanche 3 juillet « pour assiéger chantier de la Maddalena »

http://www.spintadalbass.org/

(environ 2h30 de route depuis Grenoble en passant par Briançon et le Montgenèvre, ou bien par la Maurienne et le Mont-Cenis pour les gens de l’Ain, de Lyon ou de Chambéry ; n’ayez pas l’air trop « militants » et ne dites pas que vous venez pour le Val de Susa, car il y aura très probablement des check-point de police partout)

texte publié sur Indymedia Paris le 2 juillet 2011.

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin, Répression | Marqué avec , , , , | Commentaires fermés sur Première morte en Val de Suse, tué par les gendarmes

27 juin 2011 – Lyon-Turin : 2000 policiers attaquent le camp No TAV, la lutte continue contre le TGV

Ca fait des années qu’on résiste dans le Val Susa contre cet énorme projet de dévastation de l’environnement qu’est la ligne de train haute vitesse (TAV) Lyon-Turin. L’état n’apprecie pas, et cherche à forcer la main avec un dispositif policier exceptionnel. Lundi matin le piquet-camping des No Tav a été attaqué et expulsé. La lutte se réorganise
Allons les soutenir : Manif du 3 juillet, le Val de Suse appelle les Lyonnais-es

Le piquet per­ma­nent contre les chan­tiers du TGV (TAV) Lyon-Turin à Chiomonte, dans la vallée de Susa en Italie (à la fron­tière avec la France), a été atta­qué et dis­persé manu mili­tari lundi matin (27/06).

2000 poli­ciers au total ont été envoyés. Un véri­ta­ble assaut mili­taire. Le piquet était là depuis un mois pour coor­don­ner les actions contre cette œuvre des­truc­trice, et aussi pour empê­cher l’accès des exca­va­teurs au site prévu pour le méga-tunnel trans­fron­ta­lier, dans la loca­lité la Maddalena. Le gou­ver­ne­ment a cher­ché de forcer la main, ils doi­vent faire vite car l’UE menace d’arrê­ter de finan­cer les tra­vaux s’ils ne com­men­cent pas le per­ce­ment des tun­nels avant la fin du mois, et même de repren­dre les quel­que 672 mil­lions d’euros qui ont été inves­tis jusqu’ici. Ce projet, toute la vallée s’y oppose. Juste le soir d’avant (diman­che) une manif NoTav a vu quel­que 10 mille par­ti­ci­pants. C’est un projet qui vise à bou­le­ver­ser une vallée entière. Du ciment, là où il y en a déjà beau­coup (une auto­route et une ligne de chemin de fer déjà exis­tants, dans une vallée qui est assez étroite), et puis le per­ce­ment d’une mon­ta­gne pleine d’amiante. Ils ont beau tous les poli­ti­ciens répé­ter que c’est néces­saire, que c’est le pro­grès. Personne en veut de ce pro­grès là, sauf quel­que maire bien payés par le gou­ver­ne­ment.

Vers 5h ils ont com­mencé à faire sortir les trou­pes. Ils ont com­mencé par atta­quer les bar­ri­ca­des que les No Tav avaient monté sur les routes d’accès au site du chan­tier. L’hélico sur­veillait le ciel. Puis ils arri­vent au piquet – c’est un cam­ping, beau­coup de gens y dor­ment dedans – et là ils « pro­po­sent » aux gens de partir, tout le monde laissé libre de partir s’ils quit­tent le lieu. Refus sec de la part des part­ci­pant-es au piquet. Et là les bleus com­men­cent leurs atta­ques à coup de lacry­mos – ils en balan­cent une mon­ta­gne, des tentes com­men­cent à cramer – puis de matra­ques. Les No Tav s’atten­daient un coup comme ça, c’était déjà dans l’air, illes ont cher­ché à résis­ter, à repous­ser cette marée bleue. Mais fina­le­ment les flics sont entrés ; der­nière solu­tion pour les résis­tant-es, la fuite dans les bois. Le bilan, selon leur presse, est d’envi­ron quatre-vingts de bles­sés, dont une cin­quan­taine de flics.

Officiellement le chan­tier est ouvert, le minis­tre de l’inté­rieur s’est pressé à l’annon­cer. Mais comme on répète dans le Val Susa, la bataille vient juste de com­men­cer. Hier après-midi se sont dérou­lées plu­sieurs manifs de réponse, les routes de la vallée ont été blo­quées pen­dant plu­sieurs heures, et des grèves de soli­da­rité ont eu lieu dans les usines de la zone. Des par­ti­ci­pant-e-s au piquet, retour­nés sur place dans l’après-midi pour récu­pé­rer leurs affai­res aban­don­nés pen­dant l’assaut, ont encore été agressé-e-s par les flics sur place.

Des manifs de soli­da­rité avec le mou­ve­ment No Tav se sont tenues aussi dans l’après-midi à Turin, Milan, Bologne, Rome. Des autres actions dans la vallée sont pré­vues à partir d’aujourd’hui. Et une manif pour diman­che pro­chain, dont le lieu et l’horaire seront défi­nis dans les pro­chai­nes heures.

Pour plus d’infos et pour des mises à jour en continu écoutez Radio Blackout

Des photos et des arti­cles de presse sur le Jura Libertaire

Le destin du projet est aussi étroitement lié au consen­te­ment du gou­ver­ne­ment fran­çais : parmi les condi­tions que la Commission euro­péenne pose pour octroyer le deuxième volet des finan­ce­ments il y a la signa­ture d’ici la fin du mois d’un nouvel accord entre les deux pays, pour le per­ce­ment du mega-tunnel trans­fron­ta­lier de 54 kilo­me­tres.

Voici la tra­duc­tion d’un appel du piquet du 24 juin :

Italie (Piémont) : Appel de la République Libre de la Maddalena NoTAV
Depuis envi­ron un mois, en Val de Suse, est née et vit la République Libre de la Maddalena. Beaucoup plus qu’un ras­sem­ble­ment mis en place pour empê­cher la réa­li­sa­tion du chan­tier pour le tunnel explo­ra­tif fonc­tion­nel au TAV Turin-Lyon. Un ter­ri­toire libéré, qui n’appa­raît sur aucune carte du consen­sus. Un ter­ri­toire dans lequel les gen­dar­mes et la police ne ren­trent pas. Dans lequel on par­tage de la bouffe, des débats, de la musi­que et la cons­truc­tion des bar­ri­ca­des. Un espace sous­trait à la sou­ve­rai­neté de l’État. Un espace dans lequel on vit mieux que dans les peti­tes cel­lu­les métro­po­li­tai­nes, dans la réclu­sion domes­ti­que devant la télé, dans les rues vides de ren­contres et four­millan­tes de mar­chan­di­ses. Le Progrès nous y avons déjà goûté, et ça ne nous a pas plu. Au sein de cette République Libre, qui s’agran­dit d’une bar­ri­cade à l’autre, se renou­vel­lent la fra­ter­nité, la proxi­mité, la com­mu­nauté des Alpes rebel­les. La lutte contre le TAV c’est, de fait, la lutte contre toute la classe domi­nante qui le veut, le défend, l’impose. Elle est en voie de deve­nir la lutte de l’union contre l’État.
Nous invi­tons les amants de la liberté à nous rejoin­dre. Contre le TAV. Pour défen­dre un ter­ri­toire libéré, au risque d’en être expul­sés dès diman­che 26 juin. C’est l’heure !

Des cama­ra­des de la République Libre de la Maddalena
Traduit de l’ita­lien (Informa-Azione), 24 juin 2011

PNG - 398.5 ko
PNG - 232.6 ko
JPEG - 78.3 ko
JPEG - 68.6 ko
texte publié sur Rebellyon le 1er juillet 2011.
Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin, Répression | Marqué avec , , , , , , , | Commentaires fermés sur 27 juin 2011 – Lyon-Turin : 2000 policiers attaquent le camp No TAV, la lutte continue contre le TGV

Communiqué de la Libre République de la Maddalena No-Tav

VENEZ EN VAL DE SUSE

Depuis trois semaines un rassemblement permanent résiste et persiste dans le territoire de la Maddalena, à Chiomonte, en Val de Suse.

Suite aux proclamations du ministre de l’Intérieur Maroni et aux provocations des bureaucrates piémontais du Parti Démocratique nous pouvons prévoir avec une certaine certitude qu’à partir du début de la semaine prochaine ils essaieront de nous virer pour installer le chantier de construction de la TAV (ligne de trains à grande vitesse). À ce propos nous renouvelons l’invitation à venir ici, pas seulement pour nous aider à défendre la terre et le futur de tous face aux attaques évoquées à haute voix par la droite et la gauche dans le parlement et à Turin ; mais aussi pour partager avec nous tout le reste.

Jusqu’ici, entre une alerte et l’autre, nous avons continué avec ce que nous avons toujours fait : nous confronter avec ceux qui viennent nous visiter, organiser des conférences, des concerts, des assemblées, des spectacles de théâtre, des visites guidées aux sites archéologiques dans les lieux intéressés par le projet TAV… De la même façon, nous ne renoncons pas à partager des repas et à pratiquer la convivialité.

Les gens de la Val de Suse sont incorrigibles, parfois même inconscients : mais c’est peut-être aussi pour cette raison que la résistance No-Tav est vue comme une sorte de bien commun à défendre, une richesse même pour beaucoup qui ne vivent pas dans la vallée. Bah, venez !

Si vous voulez venir dormir n’oubliez pas votre tente et votre sac de couchage… en ce qui concerne la bouffe, c’est la Val de Suse qui gère !

L’ASSEMBLÉE DE LA LIBRE RÉPUBLIQUE DE LA MADDALENA NO-TAV
Chiomonte, le 11 juin 2011.

Traduit de l’italien (Informa-Azione), Indymedia Paris, 15 juin 2011.

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin | Marqué avec , , , | Commentaires fermés sur Communiqué de la Libre République de la Maddalena No-Tav

Barricades vs. blindés en Val de Susa

L’alarme se déclenche dans la soirée : les blindés des forces de l’ordre sont sur la route qui arrive à Chiomonte (lieu-dit La Maddalena) en Val de Suse, cet endroit est sensé être le premier chantier du trajet définitif du TAV Lyon-Turin ; il fait partie du « corridor 5 » qui, venant de Kiev, mettrait Turin à une heure et trois quarts de Lyon.

Depuis 2005 et grâce à une mobilisation massive (et au manque de fonds !), les travaux sont en effet au point mort… mis à part quelques études préliminaires en 2010.

Mais aujourd’hui, on n’en est plus aux études préliminaires : les vrais travaux vont commencer et celui-là n’est que le premier chantier d’une série qui devrait se terminer  (selon leurs propres prévisions) en 2023, ravageant au passage toute la vallée et plus si affinités… les poussières d’amiante et d’uranium étant très volatiles.

Voici un résumé de la nuit.

La nuit à la Maddalena de Chiomonte a été très longue.  La résistance populaire contre le TAV a bloqué la première tentative de lancer les chantiers pour la Turin-Lyon. Un « presidio » (sorte de cabane, lieu phare de ce mouvement où l’on organise la lutte) est déjà en place depuis plus d’un an à cet endroit.

Des centaines d’opposants sillonnent la vallée éclairés par les lampes frontales et par la lune. Des dizaines d’arbres sont coupés et placés sur les différentes routes qui mènent au site ; des tranchées sont creusées au Caterpillar, tout moyen est bon pour stopper l’avancée des blindés : arbres, rails de chemin de fer, terre, pierres, etc.

Les forces de l’ordre traversent un tunnel sur l’autoroute et à leur sortie… ils sont obligés d’y rentrer à nouveau, car les gens, placés sur le flanc de la montagne, leur lancent des centaines de pierres. Au bout d’une heure de cris, chants, slogans de revendication, ils sont obligés de faire demi-tour et de rentrer à la niche vers 4h du matin.

Pour cette nuit, ils n’ont pas réussi à passer. La résistance ne fait que commencer.

La liberté ne se demande pas, elle se prend. Venez nombreux, on a besoin de monde. Cet été risque d’être très chaud.

Infos Anti-autoritaires en Cévennes à l’Assaut des Montagnes !, 27 mai 2011.

Publié dans En Italie - Val de Suse & Turin | Marqué avec , , , , , | Commentaires fermés sur Barricades vs. blindés en Val de Susa

20 ans de luttes contre le TAV en Italie

Treno alta velocità, TGV en Italie.

Qui dirige les bulldozers  ?
Bref résumé du contexte international

En 1986, les technocrates de Bruxelles constatent que, malgré leurs efforts pour le «  bon fonctionnement du marché unique  », «  le nivellement des disparités régionales et nationales au sein de l’Union Européenne  » n’est pas encore satisfaisant. «  Dès lors, l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux d’infrastructures sont apparues comme des facteurs-clés pour l’aménagement cohérent du territoire communautaire  » (source :Acte Unique Européen signé par les États membres le 17 février 1986 à Luxembourg, qui révise les traités de Rome pour relancer l’intégration européenne et mener à terme la réalisation du marché intérieur).
En 1990, trente axes principaux sont dessinés sur la carte de l’Europe. Ils strient le continent de Stockholm à Lisbonne, avec une légère bifurcation par Londres, puis de Londres à Naples, et enfin, de Kiev à Lisbonne en passant par Turin.
Côté italien, les dirigeants sautent sur l’aubaine que représentent ces grands chantiers, qui sont habituellement la porte ouverte aux magouilles financières les plus variées. En 1996, le gouvernement de gauche de Romano Prodi donne son feu vert au projet. A son arrivée au pouvoir en 2001, Silvio Berlusconi persiste et signe avec la France un accord pour la réalisation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin passant par le Val de Suse, équipée de tunnels sous les Alpes dont un de 23 et un de 53 km. Les syndicats et les entreprises de BTP exultent, entonnant la chanson toujours ressassée de la providentielle création d’emplois.
Côté français, le conseil général des Hautes-Alpes et les Verts se congratulent. Et tous célèbrent la «  relance du ferroutage  » et du «  développement durable  ». On s’excite sur ce projet de «  Corridor 5  » qui, venant de Kiev, mettrait Turin à une heure et trois quarts de Lyon, en lien avec le «  programme de continuité urbaine  » de la «  méga-technopôle  » de deux millions d’habitants qui s’étendra bientôt de Lyon à Genève, et rapprocherait la région Rhône-Alpes et le sillon alpin des trois autres grands moteurs économiques européens que sont le Bade-Wurtemberg, la Catalogne et la Lombardie.
Avec la Grande Vitesse, on pourra enfin diviser par deux le temps qu’il nous faut pour trouver à la gare d’arrivée le même décor et le même ennui qu’on a laissés à la gare de départ (même McDonald, même hôtel Ibis, même gentrification, même flicaille, etc., etc.)

Paradoxalement, ce n’est que lorsque chaque endroit est devenu identique et stérile, que le fait de se déplacer le plus rapidement possible est devenu une conquête.

Comment la technologie et le progrès anéantissent à Grande Vitesse nos vies :
la course d’un train fou sur un quai sans issue.

Pour réaliser ce mirifique projet, les chantiers devront durer au minimum 20 ans, dans une vallée déjà traversée par… une ligne ferroviaire, deux routes nationales, une autoroute et deux lignes haute-tension.
Le gouvernement et les industriels misent sur l’apathie que provoquent, généralement avec une écrasante réussite, le caractère hypnotique du progrès, la promesse d’un boulot et la consommation frénétique de marchandises.
Mais, la population locale et un bon nombre de personnes conscientes de l’ampleur des dégâts commencent à manifester des réserves.

Quelques effets collatéraux en Val de Suse

-  Un grand nombre de poids lourds en transit par les routes de la vallée, nécessaires pour l’évacuation d’environ 17 millions de m3 de matériaux extraits pour creuser le tunnel (dont 1,15 millions de m3 contenant de l’amiante et 15 millions contenant de l’uranium…).

-  Les montagnes du Val de Suse sont formées de roches qui contiennent de l’amiante et de l’uranium. à l’occasion des travaux et du transport des matériaux, ces substances se répandront en micro-poussières dans l’environnement, allant, même dans des conditions atmosphériques ordinaires, jusqu’à la banlieue de Turin. En effet, tant l’uranium que l’amiante, sont très dangereux en cas d’inhalation et, pour l’amiante, il n’existe pas de seuil minimum, c’est pourquoi, même une seule fibre inhalée, peut provoquer un mésothéliome (cancer de la plèvre qui provoque la mort environ 9 mois après le diagnostic dans 100% des cas et qui se développe 15 à 20 ans après ces inhalations)  ; l’uranium provoquera, pour sa part, plutôt des lymphomes (maladie dont souffrent, par exemple, les populations exposées aux missiles à uranium appauvri au Kosovo).

-  La construction d’une nouvelle ligne électrique (la troisième dans la vallée).

-  Les nuisances acoustiques, déjà constatées pour la ligne à Grande Vitesse du centre de l’Italie, seraient, en plus, aggravées du fait de la configuration locale (une vallée entourée de hautes montagnes).

- Plusieurs nappes phréatiques seront asséchées par les fouilles et d’autres seront contaminées par l’uranium.

- Etc., etc., etc.

Syndrome NIMBY [1] ou guerre sociale contre ce monde de merde (et les nocivités qui vont avec)  ? 

Lister toutes les possibles nuisances, spécifiques à ce projet et à ce contexte, sans une critique plus globale et radicale du système capitaliste qui les engendre, sans une remise en cause de la technologie et du progrès en tant que mercenaires et parties prenantes du Capital, ne serait qu’un pansement sur une jambe de bois, et, par là même, cette lutte s’inscrirait dans les catégories NIMBY (voir encart plus bas) ou citoyenne  : catégories qui, à mon avis, sont elles aussi parties prenantes du capitalisme.
Si je trouve compréhensible de se défendre d’abord contre une nuisance qui attaque notre environnement proche, il me semble que s’en tenir uniquement à ça n’a aucun sens ni aucune force, car chacun de ces projets n’est qu’un bras de la même pieuvre et, même si on arrivait à en «  sectionner  » un ou plusieurs, d’autres «  tentacules  » seraient prêtes à prendre la relève pour nous écraser  ; ces nuisances ne sortent pas de nulle part, elles viennent de la même logique et se dirigent vers des buts similaires  : production de marchandises, augmentation des bénéfices, contrôle de masse, anéantissement de toute dynamique individuelle ou collective allant à l’encontre du Capital.
Il semble clair que le transport à grande vitesse des marchandises (y compris la marchandise humaine) est imposé par les aberrations de la consommation de masse  : le gain de temps, qu’on nous deale comme un besoin humain que chacun devrait pouvoir satisfaire, ne répond en fait qu’aux intérêts du Capital et de sa reproduction. Une course, nécessaire et rapide, qui ne laissera aucune place à des pensées ou désirs qui ne soient pas une nouvelle marchandise à consommer. Une course qui broiera tout ce qu’elle croisera sur son passage, nos vies avec.

Globalement, les gens qui s’investissent dans cette lutte semblent avoir conscience que l’enjeu dépasse la seule vallée  ; non seulement les manifestations locales sont soutenues par des milliers de gens provenant de toute l’Italie, mais les participants eux-mêmes vont massivement tisser un réseau de solidarités concrètes avec de nombreuses luttes contre des projets similaires. Pour en citer trois importants  : la construction d’un tronçon de la même ligne TAV au Pays basque (dont on n’entend pas trop parler, mais où la résistance tient le coup depuis des années à coup de manifs et de sabotages), les jeux olympiques d’hiver 2006 (qui ont bétonné et ravagé toutes les vallées à proximité de Turin) et le pont sur le détroit de Messine qui doit relier le continent italien à la Sicile (après de nombreux retards les chantiers devraient démarrer courant 2011).
Il y a un front commun entre populations concernées par les différentes nuisances, squatteurs, syndicats ouvriers «  de base  » (notamment le COBAS [2]) et anarchistes  : le cloisonnement entre différents «  mondes  » est, pour une fois, atténué. Et c’est ce cloisonnement que l’État tâchera de rétablir avec les arrestations et les procès entre 1998 et 2005.

Qui sème la misère récolte la colère  !

À partir de août 1996
Parallèlement aux premières assemblées publiques, commencent les attaques contre les entreprises chargées de préparer les chantiers de la Grande vitesse  : cocktails Molotov et explosifs sur les foreuses, incendies de cabines électriques et de transformateurs ENEL (EDF italienne), sabotages de relais de télévision et de téléphone, tirs de fusils qui criblent toutes sortes de matériels de chantier, dynamites dans les systèmes électriques des tunnels de l’autoroute, bombes artisanales dans les relais centraux télécom (et aussi dans les relais radio des gendarmes  !)…  : voici une liste non-exhaustive des actions menées contre ce projet (qui se comptent par dizaines). Aux alentours des sabotages, on trouve souvent des revendications ou des tags contre le TAV ou plus largement contre l’oppression, parmi eux le Front armé Val susain qui écrit sur des tracts laissés sur un sabotage  :
«  Le Front armé du Val de Suse remercie l’opposition violente et non-violente contre la taupe (synonyme de foreuse en italien) à Grande vitesse. Continuez comme ça les gars  ! Défendre notre terre est un devoir sacré par tous moyens et à tout prix. Même si on ne veut pas la violence, lorsqu’il n’y a pas d’autres moyens, il en va ainsi  !  »
Mais aussi les «  Loups gris  » qui ont un regard un peu plus global sur la question, laissant eux aussi des tracts sur les lieux des sabotages  :
«  Loups gris, armée des ténèbres et vendetta des pauvres, en solidarité contre le TAV, les impôts, l’Église, la mafia, le Capital, la consommation, la fausse démocratie, la taule, l’école, la caserne…  »

En deux ans d’actions, il y en aura pour des centaines de milliers d’euros de dégâts.

Fin 1997 Une manifestation est organisée à Bussoleno par les partis, les syndicats et l’Église (même combat  !) pour protester contre les attentats qui attaquaient la Grande vitesse. Il n’y a que les maires et des membres des partis qui défilent. Les journaux locaux sont même contraints d’admettre que «  les citoyens qui ont répondu à l’appel des institutions sont peu nombreux  ».
L’État commence à craindre une hostilité qui, dépassant pour une fois les illusions du dialogue et du dissensus verbal, passe à la pratique. Ce qui met en lumière, non pas une simple opposition, une révolte individuelle, un acte symbolique, mais (et c’est bien plus important) un processus collectif d’insurrection difficile à arrêter.
L’hostilité des habitants de la vallée ne pouvant être achetée, il fallait au moins la priver d’une partie des armes auxquelles elle aurait pu avoir recours. En particulier, d’une des pratiques les plus craintes par les puissants et constituant depuis toujours le patrimoine des exclus  : le sabotage.

Début mars 1998 sont donc capturés trois anarchistes (Edo, Sole et Silvano) accusés de faire partie d’une «  association subversive  » soi-disant responsable des sabotages.
La stratégie de l’État pour diviser le mouvement est claire  : nier, y compris face à l’évidence, que les actions accomplies en Val de Suse aient été l’expression d’un mépris collectif face à un énième abus de pouvoir  ; taire le fait évident que les sabotages aient été le fruit de mains et d’esprits différents, pas forcement «  politisés  » ; enfermer l’affrontement et le mal‑être diffus au sein d’une guerre «  privée  »  : d’un côté l’État, les entrepreneurs, les financiers du TAV, et de l’autre… les «  Anarchistes  ». La population locale  ? Ceux qui subiront directement les conséquences du train  ? Hors-jeu.
Trois semaines plus tard, Edo sera «  suicidé  » dans sa cellule et, quelques mois après, Sole décidera de le suivre en se suicidant en résidence surveillée.
D’autres participants sont mis en examen, les procès se succèdent. De lourdes condamnations tombent.
L’attention générale – y compris celle des mouvements antagonistes – s’est déplacée du Val de Suse aux rues de Turin. Ça sent la manipulation, on finit par ne plus parler de la raison même qui a conduit à leurs arrestations et pour certains, à leurs morts  : la résistance et les attaques contre le projet du TAV. Les contrôles de police se resserrent sur chaque anarchiste, sur les amis des trois arrêtés et sur leur famille.

De 1996 à 2001 rien ne bouge dans les chantiers  : la France et l’Italie manquent de fonds et les travaux sont donc en stand‑by.
Fin 2003, l’Union européenne accepte de verser 20% des 13 milliards d’euros prévus, puis décide en été 2004 d’en financer 50%.
Entre temps, énormément de terrains ont été expropriés, du moins sur les papiers  !
Les premiers travaux, après récupération des terrains expropriés, doivent donc commencer sous forme de carottages et études géologiques pour définir le parcours du train.
Début juin 2005, 30 000 personnes manifestent pour s’opposer aux premiers sondages géologiques. Pendant tout le mois, en plusieurs points de la vallée, les techniciens et les ouvriers sont bloqués et repoussés des terrains expropriés. Les autorités décident un moratoire des travaux pendant 3 mois.
30 octobre 2005, dernier jour du moratoire, la vallée est bloquée par une marée humaine. Les accès aux zones de sondage sont bloqués ainsi que les routes, les autoroutes et les chemins de fer. Les flics n’arrivent pas à forcer le barrage et négocient le déblocage de la vallée en échange de leur départ. Alors que les opposants célèbrent leur victoire, à 3h du matin, les forces de l’ordre occupent les terrains auxquels ils n’avaient pu accéder pendant la journée. 15 000 policiers s’installent dans la vallée (qui compte 50 000 habitants). C’est une véritable occupation militaire.
16 novembre, 80 000 personnes manifestent pour réclamer la suppression du projet et le retrait de la police.
28 novembre, les keufs attaquent dans la nuit et prennent possession des terrains de Venaus, site d’entrée du prétendu futur tunnel. Une partie du site est reprise par les manifestants qui s’installent et occupent jour et nuit, malgré le froid.
6 décembre, à l’aube, policiers et gendarmes attaquent les occupants. Quelques dizaines de personnes sont blessées dont deux gravement. L’alerte est donnée par les résistants jusqu’à Turin  : une grève sauvage et massive est mise en place. Usines, bureaux, écoles, mairies, cheminots cessent le travail. L’autoroute est bloquée ainsi que les chemins de fer. La police est encerclée.
8 décembre, 30 000 personnes se dirigent vers Venaus, puis se scindent  : une partie se détache pour affronter les forces de police  ; lacrymos contre pierres, corps à corps. Les flics abandonnent le terrain. Le chantier est réoccupé et les engins et les infrastructures sont sérieusement endommagés.
12 décembre, le gouvernement décide une trêve de 6 mois (qui durera 5 ans, jusqu’en 2010  !).
Des procès et des condamnations auront lieu les années suivantes concernant les événements de 2005.

Sabotage et lutte sociale

Dans les luttes sociales, il y a souvent des situations et des épisodes inconfortables, dangereux, encombrants, qu’«  on  » préfère oublier. Un de ces cas est celui qui concerne les sabotages apparus en Val de Suse entre 1996 et 1998.
De la période d’avant les batailles de 2005, certains préfèrent uniquement se souvenir de conférences, de comités institutionnels et de manifestations. Deux jeunes sont morts, certes, mais ils préfèrent croire que c’est une histoire «  louche  » de services secrets, de trafic d’armes et d’explosifs…
L’hôte ingrat, que beaucoup voudraient ainsi mettre à la porte, a un nom bien précis  : le sabotage. L’accepter dans les rangs est en effet difficile pour certains. Ça implique le risque de perdre le consensus et de «  compromettre  » le travail accompli. Le risque de fissurer le front du «  non  ».
C’est comme lorsqu’on se souvient de 68. Quelques mois de joie, d’émeutes, de mouvements, d’assemblées universitaires… puis, rien  : après, il n’y a que «  le terrorisme  ». C’est ainsi que disparaît une décennie de luttes radicales, de répressions brutales, d’expériences d’envergure. Il y a même des dirigeants de syndicat qui se vantent, aujourd’hui, d’avoir participé à ces années de lutte sans n’avoir jamais rien fait d’illégal  ; comme si l’histoire des mouvements sociaux n’était pas faite d’innombrables épisodes d’illégalisme de masse (blocages, sabotages, occupations, piquets, manifs sauvages, affrontements avec la police, etc). Pas mal comme coup d’éponge  !
L’illégalité est une réponse parmi d’autres au fait que les lois ne font que formaliser les rapports de force au sein de la société  ; c’est, entre autres, une façon de rappeler à nos oppresseurs que les «  frontières  » entre le légal et l’illégal, le «  bien et le mal  », ce sont eux qui les ont créées, et qu’elles ne sont faites que pour préserver leur rôle de dominants et perpétuer notre place d’opprimés  : ces définitions ils peuvent donc les garder pour leur bonne conscience ou pour les gauchistes «  politiquement corrects  » ; de même pour leur notion de «  justice  ».
Outre que l’histoire des opprimés est remplie d’exemples d’un usage collectif du sabotage (dans les luttes, dans les pratiques d’autonomie et dans les révoltes sociales), on peut aussi remarquer que le passage de «  quelques individus isolés  » à «  beaucoup de gens énervés  » ne se fonde sur aucune certitude mathématique. Cela veut dire que les luttes ne naissent pas magnifiques et soudées. Les premiers chantiers du TAV ont été occupés par 100 personnes, les derniers par 30 000.
La légitimité éthique du sabotage devrait être reconnue et défendue, même par ceux qui en critiquent l’utilité pratique  ; par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on n’a pas recours à certaines formes de lutte qu’on doit les dénigrer. La tendance à voir des complots partout est malheureusement banale et on entend souvent des accusations envers des actions qui seraient «  contre le mouvement  ». La réalité semble toujours propice à suggérer «  d’étranges coïncidences  » à ceux qui en cherchent  : tout devient obscur.
Mais, qu’y a-t-il d’obscur dans les sabotages contre les foreuses et les chantiers du TAV  ? Y-a-t-il une différence de légitimité si cette pratique est adoptée par des centaines de personnes (comme en 2005 à Venaus) ou par une petite poignée d’individus (comme entre 96 et 98 dans toute la vallée)  ? Attaquer à quelques-uns un chantier, qui porte en lui la misère sociale et la dévastation de l’environnement, est aussi juste que de l’attaquer à des milliers.
Là où certains ont cru voir de mystérieuses volontés de rendre la lutte no-TAV «  criminelle  », l’appareil d’État a vu quelque chose de bien trop clair  : la révolte possible d’une vallée.
Il ne fait aucun doute qu’une lutte populaire et massive est préférable pour plein de raisons à des petites résistances individuelles, mais lorsque il n’y a pas de réponse collective, doit-on rester sans rien faire  ? Le sabotage et la révolte sont légitimes, indépendamment du nombre de gens qu’ils concernent. Malheureusement, dans le deuxième cas, il est plus facile de marginaliser, créant une division sommaire entre «  bons  » et «  méchants  ».
L’histoire devrait nous enseigner que les luttes ont besoin de mille facettes à mêler avec passion et habileté. Mais il est impossible d’en prescrire les doses exactes pour que s’enflamme la rébellion.

Et maintenant, qu’est-ce qu’y se passe  ?

Après 2005, grâce à la mobilisation massive des opposants (et le manque de fonds), les travaux s’arrêtent jusqu’à début 2010, quand l’État annonce la mise en œuvre de 91 carottages d’étude géologique entre Turin et la frontière, pour décider du meilleur tracé.
La France, discrètement, en a déjà fait 169 de son côté et depuis bien longtemps…
Janvier 2010, les carottages commencent, les foreuses sont amenées la nuit et défendues par l’armée  ; il y a une répression violente des protestations. Les flics jouent au chat et à la souris avec les opposants  : personne ne sait où sera exactement le prochain forage et tout le monde guette l’arrivée des machines, par un temps pour ainsi dire glacial. Deux semaines avant les élections locales (début mars), les forages sont stoppés… on n’en entend plus parler, bien que la plupart n’aient pas été faits.
En juillet, sans préavis, le projet est déposé  : le ministère italien de l’environnement l’a validé en octobre et le Comité interministériel pour la programmation économique a donné l’approbation du projet définitif le 18 novembre. Le projet de la liaison ferroviaire mixte voyageurs/fret Lyon-Turin, dans son tronçon italien, a donc officiellement débuté. On n’en est plus aux études préliminaires  : les vrais travaux vont commencer.
Le creusement du tunnel de la Maddalena devrait débuter en juin/juillet 2011  ; une excavation de 7,5 km est prévue, à 800 mètres des habitations de Chiomonte.
C’est par là que les travaux doivent commencer et c’est là que les no-TAV ont construit sans aucun permis de construire un «  presidio  »  : vous allez entendre souvent ce mot par là bas, ce sont des maisons en matériel de récup’, des sortes de cabanes qui ont été construites sur les lieux des chantiers ou des sondages afin de les empêcher. Ils sont devenus des lieux phares du mouvement no-TAV et ils ont souvent subi les assauts de la police. Personne n’y habite vraiment, mais il y a toujours quelqu’un, c’est un peu l’endroit où se tissent les moments de convivialité et où l’on organise la suite de la lutte.
Les travaux du tunnel de base (53 km) sont prévus pour 2013 et la fin des chantiers pour 2023, l’Italie est en retard sur toutes les échéances et a dû rendre à l’Union Européenne certains financements. Tout ça pour dire que la lutte risque de durer encore longtemps et que ce n’est pas le moment de lâcher l’affaire  ; c’est une lutte d’endurance qui ne pourra pas être gagnée avec un seul coup d’éclat ou un seul affrontement avec les chiens de garde du Capital. Il faudra tenir le coup encore 10 ou 15 ans, et pour ça il faut bâtir des solidarités concrètes.
Ce texte se veut solidaire avec tous ceux qui résistent, occupent, sabotent et luttent pour mettre à bas ce monde.
La solidarité est une arme (parmi d’autres).

Pour mieux connaître l’histoire de cette lutte  :

-  «  A toute allure  » traduit de l’italien sur infokiosques.net

- «  Un poignard et un talisman  » traduit lui aussi de l’italien sur www.non-fides.fr, base de données anarchistes

-  «  Homme pressé, homme mort  » CQFD n° 31 sur cequilfautdetruire.org

-  «  Liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin, «  syndrome NIMBY  » et «  no-TAV  » sur wikipedia

Pour se tenir au courant de ce qui se passe aujourd’hui (malheureusement que en italien)  :
http://www.notav-valsangone.eu (site du « presidio » où doit commencer le premier chantier)

[1] NIMBY  : Cet acronyme provient de l’anglais Not In My Back Yard qui signifie «  pas dans mon arrière-cour  », et se retrouve, depuis les années 80, dans la littérature sociologique française («  le syndrome NIMBY  »).
Une mobilisation de type NIMBY s’organise souvent dès qu’une administration ou une entreprise annonce la construction d’une autoroute, d’un aéroport, d’un centre d’enfouissement, d’une antenne radioélectrique, d’un incinérateur de déchets, d’une ligne à haute tension, d’une éolienne, etc. Dans tous les cas, des arguments sociaux ou écologiques peuvent être avancés par les NIMBY, mais ils ne sont pas crédibles s’il ne s’agit que de déplacer le problème ailleurs. Le syndrome NIMBY – qui a son origine aux USA – désigne en particulier l’attitude des personnes qui veulent tirer profit des avantages d’une technologie moderne, mais qui refusent de subir dans leur environnement proche les nuisances liées aux infrastructures nécessaires à son installation. Les NIMBY essaient alors de transférer ces nuisances à d’autres membres de la société, ce qu’ils parviennent souvent à faire s’ils disposent d’un plus grand poids économique ou politique. Le résultat, c’est une concentration des industries polluantes et des nuisances dans les zones économiquement pauvres.

[2] COBAS  : confédération des comités de base, qui regroupe tous ceux qui veulent s’organiser en dehors des syndicats institutionnels à la botte des patrons. Elle inclut chômeurs, retraités, immigrés, intérimaires, cheminots, métallurgistes, sidérurgistes, profs, étudiants… bref  : tout le monde.
Elle s’organise «  à partir du bas  » et n’a pas de direction nationale mais des comités locaux.
Quelques extraits de ses statuts pour préciser ses buts  :
«  Les principes incontournables de notre association sont  :

la défense et l’amélioration des conditions de vie et de travail de tous les travailleurs, surtout ceux des secteurs populaires et des couches sociales les plus faibles et marginalisées.

le dépassement des logiques d’exploitation de l’homme par l’homme, la lutte contre la domination du profit et la marchandisation généralisée de la société.

l’indépendance vis à vis de toute institution, parti politique, organisation patronale ou gouvernementale.  »

Bulletin de contre-infos en Cévennes

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin, Textes & Analyses | Marqué avec , , , , | Commentaires fermés sur 20 ans de luttes contre le TAV en Italie

« A toute allure ». La lutte du Val de Susa contre le TGV Lyon-Turin

De 1996 à fin 2005, état des lieux de la lutte, toujours en cours, menée en Italie contre le TGV Lyon-Turin. Sabotages, manifestations, blocages, occupations, actions directes, textes critiques, etc…

APRÈS AVOIR SOUTENU l’incendie qui s’est développé à partir de fin octobre A toute allure. La lutte du Val Susa contre le TGV Lyon-Turindans tout le pays, dépassant largement l’épiphénomène « jeunes de cités » pour contaminer de larges zones du territoire, impliquer des dizaines de milliers de noctambules, et frapper commissariats, écoles, bus, entrepôts et autres supermarchés, nous n’avons pu regarder que d’un oeil bienveillant la révolte du Val Susa, de l’autre côté des Alpes.

CONCERNANT la population entière de cette étroite vallée située entre Modane et Turin, la rage explose contre les débuts de la construction d’une ligne de train fret/voyageurs à grande vitesse. Bien sûr il y a l’uranium et l’amiante qu’ils doivent bouffer avec les futurs travaux, bien sûr il y a le bruit pour vingt ans, bien sûr il y a la montagne éventrée pour le profit de quelques uns. Mais il y a surtout la volonté de préserver envers et contre tout – la technologie, le progrès ou le choix des démocrates élus – un certain rapport à leur environnement et la possibilité de décider par eux-mêmes de leur vie.

DES SABOTAGES entre 1996 et 1998 aux marches sur les sentiers des partisans, puis des manifestations aux grèves sauvages, des blocages de route et voies ferrées aux durs affrontements avec la flicaille pour empêcher les premiers sondages de terrain, ils ont su user en quelques mois d’une grande partie du langage de la critique pour affirmer qu’ils ne veulent pas de cette Grande Vitesse.

ET NON CONTENTS de fêter joyeusement en ces mois d’hiver chaque recul des techniciens venus fouiller la vallée avant de la déchirer, ils poussent en plus le comble jusqu’à se confronter dans de larges assemblées, réfléchir ensemble et comploter contre ce monde.

SI CETTE ATTAQUE de la civilisation a su trouver une réponse collective qui nous en rappelle d’autres (contre le nucléaire à Plogoff ou Chooz par exemple), elle nous a comme première solidarité poussés à publier ce petit dossier en guise d’antipasto.

Quelques révoltés métropolitains

* * * * * * * * * * *

Toujours plus vite

Le plaisir de voyager, entendu comme aventure et découverte, est une chose. La nécessité de se déplacer le plus rapidement possible en est une autre. La Grande Vitesse n’est rien d’autre que la réponse à cette fausse nécessité : celle de parcourir le plus grand espace en le moins de temps possible. Mais de quel espace et de quel temps parlons-nous ? Vite fait bien fait de Turin à Paris et de Paris à Turin, agrippé à ses vingt-quatre heures, chacun trouvera à la gare d’arrivée le même sandwich, le même coca et le même ennui qu’il a laissé à la gare de départ.

Avec la Grande Vitesse, il sera possible de rejoindre le même ennui, le même coca et le même sandwich en cinq heures plutôt qu’en dix. Ben dis-donc ! C’est ça le progrès dont l’idéologie arrête si souvent la critique, et qui nous rend bouche bée d’admiration ? Eh oui. Et c’est le premier mensonge qu’on doit démasquer.

Le gain de temps, qu’on nous deale comme un besoin humain que chacun devrait pouvoir satisfaire, ne répond en fait qu’aux intérêts du capital et de sa reproduction : la réduction de la vie quotidienne à une ressource de moments complètement équivalents entre eux, une course nécessaire et rapide qui ne laisserait aucune place à des pensées ou désirs qui ne seraient pas une nouvelle marchandise à consommer. Qu’il s’agisse d’un pique-nique en famille, d’une pizza entre amis ou d’une journée de ski.

C’est donc ça notre vie ? Il semblerait que oui. Paradoxalement, ce n’est pourtant que lorsque chaque instant est devenu égal aux autres, lorsque chaque endroit est devenu identique, que le fait de se déplacer le plus rapidement possible est devenu une conquête.

Il y a bien sûr ceux qui se plaignent que la Grande Vitesse éventrera des vallées, dévastera des jardins, asséchera les géraniums au bord des fenêtres ou tiendra éveillés ceux qui auront la malchance de vivre aux alentours de son passage.

C’est vrai, mais il y a plus.

La Grande Vitesse n’est pas seulement une attaque contre la vie de quelques vallées, mais une attaque contre le sens de la vie même. C’est un signe des temps sans équivoque, un temps où le mensonge est nécessaire au capital pour se maintenir. Et c’est bien ça le hic.

Le progrès, l’économie et la production, dès lors que leur fonction d’optimiser les ressources humaines s’est épuisée, se sont maintenus en vie et tournent à vide pour une foule de crédules apeurés qui n’osent pas se libérer. Ceux qui administrent tout cela ne sont alors plus bons à rien. Pour continuer à exister, ils doivent ainsi se contenter de réaliser des nocivités : les Trains à Grande Vitesse par exemple.

Ceux-là, comme le capital, courent comme des fous sur un quai sans issue.

Réussirons-nous à les faire dérailler ?

Anarchici valdostani

[Tract distribué à la manifestation turinoise du 14 mars 1998]

* * * * * * * * * * *

Un passé de sabotages

1996

23 août : Deux molotovs sont lancés près de Bussoleno contre la foreuse utilisée pour sonder le sous-sol. Des tags contre le Tav sont trouvés sur place. 50 000 euros de dégâts.

27 novembre : Une cabine électrique de la ligne ferroviaire Turin-Modane est incendiée sur les hauteurs de Bruzolo. Des tags contre le Tav sont trouvés sur place.

24 décembre : Les transformateurs électriques d’un relais de télévision de la Rai et d’un relais de téléphone Omnitel à côté sont incendiés près de Mompantero. Des coups de fusils sont tirés contre les deux cabines. On retrouve écrit sur une église voisine « Valsusa libera ».

1997

26 janvier : Du liquide inflammable est jeté sur les parties électriques et le tableau de commande d’une foreuse à Crotte di Chianocco. On retrouve sur place des tags contre le Tav et les Mondiaux de ski. 10 000 euros de dégâts

6 février : Le générateur de courant d’un chantier où opère une foreuse saute à l’aide d’un mélange de liquide inflammable et de poudre de cartouches près de Mompantero. Des tags contre le Tav et les Mondiaux de ski sont laissés sur place. 15 000 euros de dégâts. Un relais de téléphone situé à côté est aussi touché, sa cabine électrique se prend des coups de fusils.

18 mars : Après avoir pénétré de nuit dans le tunnel de l’autoroute A32 à Giaglione, des saboteurs anonymes font sauter son canal de distribution électrique à la dynamite. Sans revendication. Plus de 25 000 euros de dégâts.

21 mai : Double attaque dans la zone de Mompantero. Les câbles d’un relais de télévision Mediaset sautent à la dynamite à Bianco, tandis qu’une foreuse brûle à Moetto. Sans revendication. 35 000 euros de dégâts.

15 octobre : La maison d’Ugo Iallasse, dirigeant de la Sitaf (qui gère l’autoroute de Fréjus qui passe dans la vallée), se prend de puissants pétards.

4 novembre : Une explosion endommage deux relais situés sur les hauteurs de Borgone di Susa. Leurs antennes servaient à plusieurs chaînes télés et radios, ainsi que de pont-radio pour les carabiniers.

10 novembre : Explosion manquée d’un dispositif feu/bonbonne de gaz contre une cabine électrique de blocage de la ligne ferroviaire Turin-Modane. Un tag contre le Tav qui ne semble pas récent est retrouvé sur place.

1998

20 janvier : Après avoir dérobé de l’outillage, des inconnus incendient de nuit la mairie de Caprie. Le feu, parvenu au garage municipal, provoquera une explosion causant de lourds dégâts à l’édifice.

* * * * * * * * * * *

Mais bordel, où veulent-ils donc aller si vite ?

Un lieu commun voit les montagnards comme des personnes tranquilles et pacifiques. Des gens sereins qui vivent dans des endroits préservés. Peut-être les montagnards du Val Susa étaient-ils autrefois tranquilles et pacifiques. Depuis quelques temps en revanche, ils sont plutôt enragés. Le progrès et l’argent veulent en effet bouffer leur vallée qui, comme beaucoup d’autres endroits du monde, est déjà en piteux état.

C’est à travers le Val Susa que devrait passer la ligne de train TAV/TAC (Train à Grande Vitesse/Train à Grande Capacité, respectivement pour les passagers et les marchandises) de Turin à Lyon, faisant partie d’un projet de mobilité « rapide » au niveau européen. En partant de Turin, le train super-rapide devrait traverser un premier tunnel (Musinè-Gravio) de 23 kilomètres de long, pour déboucher dans la Vallée Haute, où un autre tunnel de 53 kilomètres devrait réunir Venaus en Italie à St Jean-de-Maurienne en France. Incroyable, pas vrai ? Ne serait-ce que par la quantité d’amiante et d’uranium qui sortira de ces gros trous, pour se déverser avec la brise du soir sur les villages de la vallée et sur Turin. La ligne à grande vitesse est présentée dans les médias (en particulier par TG3 et le journal La Stampa, qui appartient à Agnelli le patron de FIAT) comme une bénédiction qui sauverait le Piémont du déclin économique. Des études indépendantes ont pourtant relevé que du point de vue des transports, ce projet est totalement inutile. La ligne ferroviaire déjà existant est à peine exploitée à la moitié de sa capacité. En somme, il suffirait d’investir (et moins) pour maintenir en service la ligne présente. On éviterait entre autre les massacres liés au manque de sécurité, comme celui de Crevalcore ou, par chez nous, de Madonna dell’Olmo.

Il est évident que la construction de lignes à grande vitesse est un banquet exquis préparé pour les grands groupes industriels et financiers. Il suffit de rappeler que parmi les principaux intérêts économiques qui sont derrière le TAV se trouve le clan Agnelli. Les dommages environnementaux liés à la construction de la nouvelle ligne de train seront énormes pour le Val Susa, avec des nappes phréatiques asséchées par les fouilles, une pollution sonore et, surtout, un million de mètres cubes extraits, contenant de l’amiante et de l’uranium.

Ce qui se traduira pour la santé des habitants du Val Susa et des turinois par des mésothéliomes (un cancer de la plèvre provoqué par l’inhalation de l’amiante, mortel dans 100% des cas) et des lymphomes (pour être clair, ce dont sont malades les militaires qui ont été exposés aux projectiles à l’uranium au Kosovo).

La population de la vallée lutte depuis des années contre ce projet. Cette opposition tenace a fait patiner pendant des années les sondages à partir desquels partirait la construction de la ligne à grande vitesse. Au début de l’automne, le gouvernement et les entreprises prestataires ont prévu de donner le feu vert au début des travaux, mais la population occupe désormais depuis des mois les sites où devraient ouvrir les chantiers.

Rappelons la marche du samedi 4 juin 2005, qui a vu défiler 30 000 personnes pour dire aux chefs de bord qu’ils ne voulaient pas entendre parler de grande vitesse.

Rappelons aussi les nombreuses actions de sabotage contre les premiers relevés de terrain, à cheval entre 1997 et 1998. Trois anarchistes furent accusés d’entre être les auteurs, et dénoncés comme étant des « éco-terroristes » (terme curieux qui définit ceux qui défendent l’environnement contre les griffes du capital). Des années après, le procès s’est terminé sans que les juges puissent prouver leurs accusations, mais deux d’entre eux, Edoardo Massari et Maria Soledad Rosas, étaient déjà morts en incarcération.

Leur fin dramatique nous rend encore plus déterminés à ne pas baisser la tête.

Vendredi 9 septembre 2005, de 16 à 20h,
se tiendra un banquet informatif devant la gare.

Parce que nous sommes solidaires avec la lutte contre cette balafre supplémentaire contre l’environnement et ceux qui y vivent.

Parce que nous sommes conscients que la grande vitesse n’est qu’une des griffes (qui se nomme ailleurs tunnels, mégas-digues, infrastructures olympiques, antennes et pylônes, etc.) avec lesquelles le pouvoir attente à nos vies et à notre terre. Partout.

Parce que nous voulons lancer un signal à ceux qui mettent en place le TAV : même en dehors du Val Susa, leur nocivité rencontrera l’hostilité qu’elle mérite.

[Tract italien distribué simultanément dans plusieurs villes alpines avant le début annoncé des travaux en Val Susa]

* * * * * * * * * * *

Amiante et uranium sont sur un bateau. Qui c’est qui crève ?

L’ouvrage principal de la ligne Lyon-Turin est un tunnel de 53 km sous les Alpes qui unira St-Jean-de-Maurienne à Venaus. Sa portée est telle qu’il nécessite de recueillir un nombre d’informations considérable avant d’engager le projet définitif vers 2009.

Les travaux de base portent donc principalement sur le creusement de quatre descenderies et galeries de reconnaissance à Modane/Villarodin-Bourget, St-Martin-la-Porte et La Praz en France, Venaus en Italie.

Les descenderies sont des ouvrages souterrains de plusieurs kilomètres qui permettent de rejoindre, au cœur du massif, le niveau du futur ouvrage principal, le Tunnel de base. Au cours des différentes phases d’utilisation, les descenderies remplissent trois fonctions : en phase d’études, elles donnent accès aux premières galeries de reconnaissance, ce qui aide à mieux connaître la structure géologique du terrain et à préciser les méthodes de construction, les coûts (il est prévu de dépenser 550 millions d’euros rien que pour cette phase de reconnaissance) et les délais définitifs. Ensuite, viendra peut-être le temps des travaux de réalisation du tunnel de base et, à ce moment, elles donnent la possibilité de le creuser depuis les 17 points d’attaque prévus. Enfin, une fois le tunnel réel en service vers 2020, les descenderies serviront à sa ventilation et d’accès aux équipes de maintenance.

Les trois descenderies sont déjà en travaux : après une première phase de début 2002 à juillet 2004, l’excavation de la descenderie de Modane doit reprendre fin 2005 jusque mi-2007. La descenderie de Saint-Martin-la Porte a commencé en second, début 2003, et devrait être achevée mi-2006. Enfin, le début des travaux de la dernière descenderie côté français, celle de La Praz (située sur la commune de Saint-André) a officiellement été inauguré le 13 octobre 2005. La galerie de reconnaissance de Venaus, en Italie, n’a toujours pas été conquise par la CMC, la coopérative à la tête du consortium qui doit la réaliser.

Enfin, après ce tunnel principal qui sort à Venaus, le tracé prévoit ensuite de creuser 44 km à flanc de montagne entre Bruzolo (Val Susa) et Settimo Torinese (périphérie de Turin), dont 23 km de tunnel de Grange à Borgone. Ce dernier s’accompagne de trois galeries secondaires (des « fenêtres de sécurité ») dans les villages de Rivera, Caprie et Grangetta.

En Val Susa, ce sont près de 1,15 millions de mètres cubes de roche contenant de l’amiante qui vont être extraits et stockés un peu plus loin, à Tetti S. Mauro. L’amiante est un minéral fibreux qui, réduit à l’état de poudre, en particules microscopiques, est facilement dispersé par le vent avant d’être respiré. Le mésothéliome, un cancer des poumons qui se développe 15-20 ans après ces inhalations, est mortel dans 100 % des cas et conduit à la mort environ 9 mois après le diagnostic. Quant à l’uranium, répertorié depuis 1965 dans le massif d’Ambin, il sera extrait 15 millions de mètres cubes en contenant : inhalé, il cause le lymphome, un cancer non moins pénible, sans compter qu’il aura l’agréable plaisir de contaminer de façon incommensurable les nappes phréatiques d’une part, les cours d’eau qui serviront d’irrigation aux chantiers ensuite.

Le meilleur argument du monde en faveur du Turin-Lyon, s’il en existait un, ne vaudra jamais ces conséquences-là sur une population.

* * * * * * * * * * *

A Sarà Düra (Vous allez en chier)

En 1990, le Conseil de la Communauté européenne approuve un plan directeur de construction d’un réseau européen de 30 000 km de lignes de train à grande vitesse, afin de relier toujours plus vite les grands pôles économiques d’Europe et de faire circuler la marchandise et les riches en des temps dignes d’une société ultramoderne. L’axe prioritaire n°6 confirmé le 16 novembre 2005, part de Lyon et passe par Turin, Milan, Venise, Trieste et Budapest pour finir vers Kiev. La liaison Lyon-Turin, à travers le Val Susa, inclut la réalisation d’un tunnel de 53 km. La France et l’Italie, après avoir été retardés par des questions de gros sous depuis 1996, concluent en janvier 2001 l’accord devant mener ce projet à bien. Fin 2003, l’Union Européenne accepte de verser 20 % des 13 milliards prévus, puis 50 % en été 2004. Les premiers travaux, après récupération des terrains expropriés, devaient donc commencer en Italie sous forme de sondages à Borgone, Bruzolo, Chianoco, Bussoleno, Mompantero, Giaglone et de galerie de reconnaissance à Venaus, sortie du futur tunnel.

2005

4 juin : La manifestation en vue de remobiliser les habitants de la vallée à l’approche des sondages géologiques sur les différents sites, qui sont la dernière étape avant le début des travaux, réunit 30 000 personnes.

20 juin : La tentative des sondeurs de venir prendre possession du site de Borgone est repoussée par la population sous l’égide de leur maire. Un journaliste de la télé régionale TG3 est chassé. La méthode pour empêcher les techniciens et leur foreuse de venir prendre possession des terrains expropriés, qui sera utilisée tout le mois, est la convocation d’un conseil municipal sur site du matin au soir appuyé par un rassemblement de la population.

21 juin : une cinquantaine de maires et conseillers municipaux sont reçus par l’adjoint aux transports du conseil régional. La région Piémont accorde le lendemain un moratoire de 3 mois avant de début des premiers sondages, pensant gagner du temps afin de « convaincre » ses têtus d’administrés.

27 juin : La tentative de venir prendre possession du site de Bruzolo est repoussée par la population.

29 juin : La tentative de venir prendre possession du site de Venaus est repoussée par la population.

9 septembre : Rassemblements et informations devant les gares de plusieurs villes des Alpes occidentales en solidarité avec la lutte du Val Susa.

6 octobre : Le ministre des transports suspend au 31 octobre la venue de 900 flics supplémentaires afin de reprendre les derniers terrains à sonder. Le rassemblement prévu à Venaus pour s’opposer aux réappropriations des sondeurs se tient néanmoins, mais dans une ambiance moins tendue.

13 octobre : Dominique Perben, ministre français des Transports, de l’Equipement, du Tourisme et de la Mer, inaugure les travaux de la descenderie de La Praz en Savoie dans le cadre du chantier du Lyon-Turin. Elle constitue le 3e chantier engagé en Savoie par Lyon Turin Ferroviaire (LTF, société franco-italienne qui a en charge la partie commune aux deux pays).

30 octobre : C’est le dernier jour, selon certains critères légaux, pour que les sondeurs se rendent sur les différents sites. Toute la vallée est bloquée par une marée humaine, les voies d’accès aux terrains sont barricadées. Les techniciens et leurs foreuses, protégés par un millier de flics, ne parviennent pas à forcer les routes malgré les nombreuses charges. Les quelques unités qui parviennent à passer par les sentiers dérobés de la montagne sont accueillies comme il se doit lorsqu’elles atteignent le sommet. Les trains (dont les TGV) qui relient Modane à Turin sont bloqués plus de 30 fois, plusieurs usines débrayent à la sauvage. Le chef-lieu Susa est totalement blindé et l’on n’y rentre qu’avec ses papiers d’identité. A 17h, la défaite du gouvernement semble consommée, les maires négocient le retrait provisoire des flics contre la levée des barrages. La journée se finit par de grandes fêtes dans les villages.

31 octobre : « Trahissant » une parole qui n’engage que ceux y croient, les forces de l’ordre prennent tous les terrains ce matin-là vers 3h, notamment la zone de Mompantero si bien défendue la veille. Ils sont clôturés tandis que les routes qui y mènent sont interdites à toute personne. Plusieurs gares sont occupées en réaction. Les maires tentent une nouvelle fois d’enliser la lutte sur le terrain légal en bloquant sur les recours. Une grève générale en Val Susa ainsi qu’une nouvelle manifestation sont tout de même décidées en assemblée générale pour la mi-novembre.

6 novembre : Les flics ‘trouvent’ un étrange colis piégé laissé désamorcé volontairement et accompagné d’un tract « Val Susa Rossa » sur la route nationale. C’est l’occasion rêvée pour les flics et les journaux de ressortir leurs fables sur les anarchistes et les mensonges de 1998.

8 novembre : « Déjà 100 possibles mises en examen (des élus, des jeunes des centres sociaux, des familles) tous possiblement inculpés pour avoir participé aux différents blocages qui ont eu lieu le 31 octobre. Les flics ont tapé et en plus les magistrats inculpent. Le Val Susa est envahi de flics avec de continuelles provocations — les habitants de certains villages sont soumis à 4 contrôles voire plus pour aller au boulot. Les flics volent le bois entreposé dans les montagnes pour se chauffer aux barrages routier. Ils balancent aussi leurs saletés dans les cours de ferme. Lorsque vous avez un chien, obligation de le tenir en laisse même à la campagne. Pour ce qui est des ouvriers qui travaillent aux sondages sur les chantiers, ils sont protégés par les flics et en plus sortent de leur travail avec une couverture sur la tête pour ne pas que les habitants de la vallée présent auprès des chantiers puissent les reconnaître. »

13 novembre : une marche aux flambeaux de nuit sur les sentiers des partisans réunit des centaines de personnes.

16 novembre : 80 à 100 000 personnes manifestent de Bussoleno à Susa. La grève générale est largement suivie malgré le refus des grands syndicats nationaux de l’appuyer, tous les commerces ont baissé leur rideau. Des gamins aux plus vieux, tous et toutes sont dans la rue et dans la montagne. Dans une vallée qui compte 50 000 habitant-e-s, les renforts sont venus de toute la région et de la capitale du Piémont, Turin. Cette manif avait aussi comme slogan la fin de la présence policière : 15 000 policiers occupent en effet la vallée depuis maintenant 3 semaines.

28 novembre : Les flics prennent position à 3h du matin à Venaus pour protéger les travaux de sondage préalable de ce lieu choisi pour abriter l’entrée du tunnel de 53 km puis filent des coups à Agnoletto et molestent 4 autres députés européens venus en délégation voir ce qui se passait.

29 novembre : Alors qu’une nouvelle manifestation réunit 30 000 personnes, près de 5 000 autres se rendent sur le site du chantier de Venaus, à 1 500 mètres d’altitude, et y chassent la flicaille. L’occupation permanente est décidée : tentes, poêles et assemblées vont la rythmer pendant une petite semaine… « Les discussions entre les différents groupes sont parfois très vives. D’aucuns discutent avec les sbires présents sur le terrain de 4 hectares alors que d’autres veulent leur lancer des pierres. Discussions qui pourtant n’empêchent pas que le mouvement continue et s’élargisse. »

30 novembre : « Des paysans amènent du bois avec leurs tracteurs pour renforcer les barricades que d’autres ont commencé à construire, malgré le grand froid. Les discussions continuent mais le nombre de personnes discutant avec les forces de défense du projet diminue, car l’activité se concentre sur la défense du lieu et la concertation à l’intérieur du mouvement. C’est la fin des altermoiements. »

2 décembre : « L’ambiance et la combativité semblent être meilleures que le premier jour. Les flics se contentent de pousser pour essayer de déloger les manifestants mais n’y arrivent pas car ils sont bien moins nombreux. » Peu après 22h, ils se retirent plus loin, dégoûtés par la rapide affluence des valsusains (600 en une heure) venus renforcer les petites dizaines d’occupants du dernier site qu’ils ne contrôlent pas.

5 décembre : Le ministre de l’intérieur déclare qu’il envoie 900 policiers supplémentaires en Val Susa.

6 décembre : C’est vers 3h30 du matin qu’un millier de policiers et carabiniers attaquent le dernier site occupé, celui de Venaus. Ils matraquent à tour de bras les 200 habitants qui dorment-là avant de raser tout le campement au bulldozer puis d’installer des barrières. 19 personnes sont blessées, dont deux gravement (un retraité de 64 ans a un traumatisme abdominal à force de coups et un jeune de 22 ans un traumatisme crânien) que la rumeur faisait passer pour mortes. A l’annonce de l’attaque, les habitants de toute la vallée de Venaus à Turin descendent dans les rues, les églises sonnent le tocsin. Petit à petit, tout s’arrête en une grève générale spontanée et sauvage : usines, écoles, bureaux, établissements publics, trains de banlieue…
Les manifestants bloquent l’autoroute (A32) et les deux routes nationales (S24 et 25), les voies de la ligne internationale Turin-Modane sont occupées à Avigliana. Des barrages et des barricades sont érigés dans les villages de la vallée par des personnes de tous âges, des plus jeunes aux plus vieux, pour empêcher les policiers « assassins » de redescendre dans leur campement près de Turin. Un face à face très violent se déroule entre 5 000 manifestants et la flicaille à Bussoleno aux cris de « Reprenons Venaus ! ». La journée se termine par des assemblées générales qui convoquent une manifestation pour le 8 en direction de Venaus.
A Turin, le maire Chiamparino est réveillé par des slogans contre le TAV puis, après un rassemblement devant la préfecture, une manifestation de 2 000 personnes se rend jusqu’à la gare centrale de Porta Nuova où les trains sont bloqués. Les manifestants se rendent ensuite piazza Castello devant le siège de la Région Piémont : sa présidente, Mercedes Bresso, est reconnue dans sa voiture et doit se réfugier pendant une demie-heure dans ses bureaux tandis qu’un conseiller régional se prend des coups. Au passage de la manif, une vitrine de banque est pétée, deux voitures de la police municipale endommagées, un flic blessé, les murs de la ville repeints et les stores d’une boutique des Jeux Olympiques arrachés.

7 décembre : Un rassemblement en solidarité se tient en Suisse devant le consulat italien de Lugano et dans une dizaine de villes italiennes

8 décembre : Parties de Susa, 30 000 personnes manifestent en direction de Venaus. Alors que le gros du cortège choisit de bifurquer vers l’autoroute pour passer par les bois, plus d’un millier d’entre elles choisit l’affrontement direct au check-point et parvient à enfoncer les cordons de flics qui protègent l’accès au site de Venaus. Après plusieurs heures d’escarmouches à coups de lacrymogènes contre les pierres puis d’affrontement au corps à corps, les derniers 250 flics en tenue anti-émeute, encerclés de toute part, lâchent et le chantier est réoccupé pour quelques heures par des milliers de valsusains. Les engins et infrastructures y sont défoncés, tout comme ce qui permettait aux flics de veiller sur place (algecos, mobile homes). De nouvelles barricades sont érigées. On relève 12 carabiniers et 4 policiers blessés.
A Rome, la cérémonie pour le départ de la flamme olympique qui doit parcourir le pays est perturbée par un anti-TAV qui est monté à la tribune afin de hurler sa colère au maire de Turin, Sergio Chiamparino, présent à la cérémonie.

9 décembre : Rassemblement en solidarité avec la lutte en Val Susa à Grenoble, devant le siège des Verts Isère. Un autre est prévu le lendemain à Chambéry devant la mairie.

10 décembre : Réunion au sommet à Rome entre ministres, responsables locaux des petites communes du Val Susa, un responsable des chemins de fer italien et le maire de Turin, qui accueille les Jeux Olympiques d’hiver 2006 dont plusieurs événements auront lieu dans la vallée. A la sortie, le gouvernement italien promet d’attendre la remise d’un rapport sur l’impact sanitaire et environnemental du projet dans la vallée d’ici mai 2006 avant de lancer les travaux à Venaus. De leur côté, les participants à la réunion ont accepté de ”respecter” le site prévu des travaux et de laisser la compagnie chargée de la construction en prendre possession, selon le communiqué du cabinet de Silvio Berlusconi. L’accord est interprété comme une « trêve olympique », deux épreuves des J.O. devant se dérouler en Val Susa à partir de février 2006.

11 décembre : Lors de l’assemblée générale de la vallée à Bussoleno, les maires des petites communes du Val Susa et les présidents des deux Communautés de montagne précisent qu’ils n’ont rien signé, renvoyant la décision à leur conseil municipal. Au cours du débat houleux devant 3000 personnes, ils précisent aussi qu’ils refusent de s’associer à la manifestation du 17 à Turin, lui préférant une « kermesse culturelle ». 12 décembre : Le parquet de Turin met sous scellés judiciaires les 35 000 m2 du site de Venaus « pour faciliter le travail des enquêteurs sur les affrontements et destructions de matériel de chantier ». « La mesure n’empêchera pas la reprise des travaux, il sera suffisant que les dirigeants de LTF et les mandataires du consortium CMC en fassent la demande au parquet et les travaux seront réautorisés à démarrer » explique le procureur Laudi, coordinateur du pool anti-terrorisme de Turin.

16 décembre : Occupation symbolique à Ravenne du siège de la Cmc qui doit construire la descenderie de Venaus.

17 décembre : Manifestation et rassemblement de 50 000 personnes à Turin. Le soir, le député européen de la Ligue du Nord, Mario Borghezio, se prend des coups dans le train qui ramène des manifestants anti-TAV vers Milan.

19 décembre : Réunion de la Conférence intergouvernementale (CIG) qui supervise l’ensemble des travaux. Dans le même temps, la commission européenne aux transports nomme cinq experts internationaux (deux en transport, un en environnement et deux géologues) pour « vérifier le déroulement des travaux ».

22 décembre : Le parquet de Turin met en examen 19 personnes et fait incarcérer Marco M., accusés de plusieurs explosions de colère survenues le 6 décembre à Turin (blocage de la gare de Porta Nuova, nombreux tags, attaque d’une voiture de la police municipale, quelques coups contre des banques et un magasin des JO).

23 décembre : Incendie d’un dispositif électrique sur la ligne TGV Paris-Lyon-Turin dans l’Yonne, qui perturbe le trafic pendant plusieurs heures, revendiqué « en solidarité avec le Val Susa en lutte ».

29 décembre : Nuit des flambeaux en Val Susa. Toutes les lumières de Noël s’éteignent à 18h et des centaines de torches s’allument « pour arrêter les projets nuisibles qui dévastent les vallées alpines ». Initiative qui touche également le val Pellice.

31 décembre : Fête du nouvel an sur le terrain occupé à Venaus.

7 janvier 2006 : Manifestation à Chambéry, des milliers d’italiens y sont attendus.

* * * * * * * * * * *

Spéciale Dédicace

La société Lyon Turin Ferroviaire (LTF), en charge de la partie commune franco-italienne après avoir succédé à Alpetunnel-GEIE, a été créée en octobre 2001 suite à l’accord conclut entre les deux pays en janvier 2001. Par cet accord, devenu traité, les gouvernements des deux pays se sont engagés « à faire construire (…) les ouvrages de la partie commune italo-française nécessaires à la réalisation d’une nouvelle communication ferroviaire mixte marchandises / voyageurs entre Lyon et Turin ». LTF est une société par actions simplifiée binationale. Ses actionnaires sont Réseau Ferré de France (RFF) et Rete Ferroviaria Italiana (RFI) à parts égales. LTF travaille sous la responsabilité de la CIG, une Commission Intergouvernementale Franco-Italienne créée en janvier 1996. Le dossier d’Avant-Projet Sommaire remis par LTF en décembre 2003 ayant été validé, la déclaration d’utilité publique est prévue pour fin 2006 et sera précédée d’une enquête d’utilité publique.

Maîtrise d’ouvrage du projet
Lyon Turin Ferroviaire (LTF)
Siège 1091, avenue de la Boisse F-73 026 Chambéry Tél. : 4 79 68 56 66 Fax : 4 79 68 56 63

Centre d’exposition du projet
(mardi-samedi, 9h30-12h/14h30-18h30)
Place du 17 Septembre 1943 F-73 500 Modane Tél./Fax : 4 79 05 84 31
Président, François Lépine (préfet)
Directeur général, Paolo Comastri
Responsable affaires juridiques et marchés, Vincenzo De Gregorio
Responsable procédures marchés, Jean-Yves Peltier
Responsable des travaux, Walter Benedetto
Responsable des travaux France, Christian Fournier
Responsable-adjoint des travaux Italie, Marco Rettighieri
Réseau Ferré de France, actionnaire à 50 % de RTF, est une filiale de la SNCF.

Siège national 92, Avenue de France F-75648 Paris Cedex 13
Siège Rhône-Alpes/Auvergne Le Dauphiné Part-Dieu 78, rue de la Villette F-69425 Lyon Cedex 03 Tél. : 4 72 84 65 70 Fax : 4 72 84 05 79

Les quatre Descenderies
Réalisation de la descenderie de Modane/Villarodin-Bourget
Groupement solidaire d’entreprises
•Razel (mandataire), Att : M. Jean Guillaume, 3, rue René Razel Christ de Saclay, F-91892 ORSAY. Tel. : 1 69 85 69 85. Fax : 1 60 19 06 45. E-mail : razel@razel.fr. URL : www.razel.fr
•Bilfinger Berger SpA, Via Rencio, 38, I-39100 Bolzano. Tél. : 0471 324 970, Fax : 0471 940263
•Pizzarotti, Via Anna Maria Adorni, 1, I-43100 Parma (filiales à Fontevivo (PR), Noceto (PR), Melfi (PZ), Lucignano (AR)) 52 717 085,50 €, 7 octobre 2005

Réalisation de la descenderie de La Praz (communes d’Orelle et St André)
Groupement solidaire d’entreprises
•SPIE Batignolles TPCI SAS (mandataire), Att : Laurent Grall, 11 rue Lazare Hoche, F-92774 Boulogne-Billancourt. Tel. : 1 47 12 66 35. Fax : 1 48 25 14 88
•SPIE Sotrabras SAS, route de l’Industrie, BP 8, F-73540 La Bathie
•Ghella SpA, Piazza Cardinale Consalvi, 9, I-00196 Roma. Tél. : 06 360 9441. Fax : 06 3232305
•Cogeis SpA, Via XXV Aprile, 2/15, I-10010 Quincinetto (To), Tél. : 0125 635111, Fax:0125757403 61 513 861,61 €, 7 octobre 2005

Descenderie de Saint Martin la Porte
Groupement solidaire d’entreprises
•Scetauroute (mandataire)
•Antea ingénierie, 5 place Robert Schumann, F-38025 Grenoble cedex. Tél. : 4 76 70 64 82. Fax : 4 76 70 64 83 (+ 22 agences)
•Alpina SpA, via Ripamonti 2, I-20136 Milano (Mi). Tél.:02 58305010. Fax:02 58307388
•Bureau d’étude Terrasol, 72 avenue Pasteur, F-93100 Montreuil, Tél.:1 49 88 24 42. Fax : 1 49 88 06 66
•Fondazioni Speciali SpA (sous-traitant), siège via Goito 14, I-43100 Parma, bureaux via Canvelli 6, I-43015 Noceto (PR). Tél. : 0521 621146/48. Fax : 0521 621150/51
•GD Test Srl (sous-traitant), via Pigafetta 17, I-10129 Torino. Tél. : 011 5808406, Fax : 011 5808319. E-mail:gdtest@gdtest.it, URL :www.gdtest.it 40 384 508, 95 €, 28 février 2003

Réalisation de la descenderie de Venaus
Groupement solidaire d’entreprises
•Coopérativa Muratori e Cementi (CMC, mandataire), via Trieste 76, I-48100 Ravenna et via Abruzzi 3, I-00187 Rome. Tél. : 06 42020425. Fax : 06 42390728
•Geotecna Progetti SpA, via Roncaglia 14, I-20146 Milano (Mi). Tél. : 02 46 90 639, Fax : 02 48 19 44 30. E-mail:geotecna@geotecna.com et via Germanica 107, I-00192 Roma (Rm). Tél. : 06 32 11 13 72, Fax : 06 32 64 73 58. E-mail : geotecna.roma@geotecna.com
•Bentini SpA, via Verdi 20, I-48018 Faenza (RA). Tél. : 054 62 2065, Fax : 05 46 68 66 35. E-mail:bentini@bentini.it, URL : www.bentini.it
•Cogeis SpA, Via XXV Aprile, 2/15, I-10010 Quincinetto (To), Tél. : 0125 635111, Fax:0125757403
•Strabag Bau-AG, Siegburger Str. 241, D-50679 Cologne. Tél. : (0)221 / 8 24-01, Fax : (0)221 / 8 24-2936. E-mail : info@strabag.de. URL :www.strabag.de, 84 342 414,21€, 9 février 2005

Travaux, services et études

Études techniques
Groupement solidaire d’entreprises
•Geos SAS (mandataire), Att : Michel Hochard, 9 bis, rue Delerue, F-92120 Montrouge. Tel. : 1 46 12 04 04. Fax : 1 46 12 95 96
•D’Appolonia SpA, via San Nazaro 19, I-16145 Genova (GE). Tél. : 010 3625148, Fax : 010 3621078, 508 950€, 11 octobre 2005
Services d’urbanisme et d’architecture paysagère
•SNCF-CISE (Centre d’Ingéniérie Sud Est), Att : Jean Philippe, 12, rue Bichat, F-69002 Lyon. Tel. : 4 72 40 39 29. Fax : 4 72 54 38 90, 23 000 €, 8 octobre 2005

Services divers d’ingénierie
•SOCOTEC SA, Att : Georges Farah, Les Quadrans, 3, avenue du Centre, F-78180 Guyancourt. Tel. : 1 30 12 80 00 1 417 000 €, 8 octobre 2005 Services relatifs à l’environnement
•SAGE Environnement, Att : Patrick Ternisien, 12, avenue du Pré de Challes – Parc des Glaisins, F-74940 Annecy-le-Vieux. Tel. : 4 50 64 06 15. Fax : 4 50 04 08 73 35 700 €, 8 octobre 2005

Campagne de reconnaissance complémentaire par forages, 2004-France
•Foraco SAS, Att : Frédéric Desloges, BP 173, F-34401 Lunel. Tel. : 4 67 83 51 60. Fax : 4 67 83 51 79 370 000 €, 8 octobre 2005

Services d’architecture
•AR-THEME, Att : Jean-Pierre Vaysse, 18, avenue Robert André Vivien, F-94160 Saint-Mandé. Tel. : 1 43 65 74 74. Fax : 1 43 65 76 76. E-mail : contact@artheme.com. URL :www.artheme.com 263 690 €, 7 octobre 2005

Services de conduite du chantier de La Praz
•Schmidhalter & Pfammatter Ingenieure AG (S.P.I.), Att : Claude-Alain Schmidhalter, Kantonstrasse 322, CH-3900 Brig Glis. Tel. : 0041 27 921 11 20. Fax : 0041 27 921 11 21 2 748 096 €, 7 octobre 2005

Services de conseil en matière de santé et de sécurité à La Praz
•Société Presents, Att : M. Patrick Grossmann, 132, cours Charlemagne, F-69002 Lyon. Tel. : 4 78 38 69 69. Fax : 4 78 38 69 60. E-mail : contact@presents.fr. URL : www.presents.fr 82 890 €, 7 octobre 2005

Déblai-remblai à La Praz
•SOCCO Entreprise, Att : M. Paul Cusin-Rollet, 1, route des Creuses, F-74650 Chavanod. Tel. : 4 50 69 33 44. Fax : 4 50 69 18 69 284 342,50 €, 7 octobre 2005

Pont provisoire à Modane
•Entreprise Casarin et Fils, Att : Casarin Eric, 10, rue de la concorde, F-73500 Modane. Tel. : 4 79 05 07 48. Fax : 4 79 05 02 96 154 308 €, 7 octobre 2005

Services d’architecture de la traversée du Val Cenischia
•Chambre & Vibert Architectes, Att : M. Daniel Vibert, 1 place de la Libération, F-73000 Chambéry. Tel. : (00.33) 4 79 70.07.90. Fax : (00.33) 4 79 85 26 69. E-mail : chambre.vibert@wanadoo.fr 191 000 €, 14 juillet 2005

Services de conseil en matière de sécurité
Groupement solidaire d’entreprises
•Bureau Veritas FR (mandataire), 63, avenue de Poisat, F-38320 Eybens. Tel. : + (33) 4.76.24.00.26. Fax : +(33) 4.76.62.94.14. E-mail : antoine.fuentes@fr.bureauveritas.com
•Bureau Veritas Italia Spa
•D’Appolonia SpA, voir plus haut 731 300 €, 1er juin 2005

Services de gestion de projets de construction à Venaus
Groupement solidaire d’entreprises
•GEODATA S.p.A – Mandataire, Corso Duc Degli Abruzzi 46/E, I-10129 Torino. Tel. : (+39) 011 58 10 611. Fax : (+39) 011 59 74 40. E-mail : geodata@geodata.it
•SNCF Direction de l’Ingénierie
•SYSTRA SA 2 900 000 €, 13 mai 2005

Travaux d’enlèvement de gravats
(descenderie de Modane)
•Granulats Rhône Alpes SAS (GRA), 4, rue Aristide Bergès, BP 33, F-38081 L’Isle d’Abeau. Tel. : 4 74 27 59 00. Fax : 4 74 27 59 92 10 596 635,91 €, 29 septembre 2004

Travaux de sondage et de forage de reconnaissance, campagne 2003
•Coreis SA, Département COFOR, Att : M. Pierre Cachau, chef d’agence, 41, rue de la Ferté-Alais, F-91720 Maisse. Tel. : 5 55 38 90 00. Fax : 5 55 71 22 83 808 037 €, 19 août 2004

Services d’études d’impact sur l’environnement à Venaus
•Fenice SpA, Centro Servizi Ecologici, Att : Martino Narcisi, Direttore Operativo, Via Acqui, 86, I-10090 Cascine Vica – Rivoli (TO). Tel. : (0039) 0011 951 39 12. Fax : (0039) 011 951 36 65 1 995 623 €, 18 août 2004

Services de prospection géophysique pour le tunnel de Bussoleno Lots, 5 décembre 2003
•Geophysik GGD mbH, Att : Mme T. Raevskaia, Ehrentseintrabe 33, D-04105 Leipzig. Tel. : 00 341 58 313 33. Fax : 00 341 58 313 0. 191 718 € + 184 458 € + 55 264 €
•Geoexpert AG, Att : M. Walter Frei, Schulstrasse 5, CH-8603 Schwerzenbach. Tel. : 00 41 1 825 62 82. Fax : 00 41 1 825 62 83. E-mail : info@geoexpert.ch 42 700 €
•Geoinvest Srl, Att : Gianfranco Bruzzi, via della Conciliazione 45 / A, I-29100 Piacenza. Tel. : 00 39 05 23 59 36 22. Fax : 00 39 05 23 59 36 40 33 600 €

Étude aéraulique
Groupement solidaire d’entreprises
•Scetauroute (mandataire), les Pléiades n.o 35, park nord Annecy, F-74373 Pringy. Tel. : 4 50 27 39 39. Fax : 4 50 27 39 40. E-mail : dir.tunnels@scetauroute.fr
•Metropolitana Milanese S.p.A, via del Vecchio Politecnico 8, I-20121 Milano (Mu). Tél. : 02 77471, Fax : 02 780033 et via De Gaspeti 55, I-80133 Napoli (Na). Tél. : 081 4201206, Fax : 081 4203021 108 710 €, 18 octobre 2003

Services d’études de trafic Fret
Groupement solidaire d’entreprises
•Nomisma Spa (mandataire), Strada Maggioire 44, I-41125 Bologna. Tel. : 051 64 83 320 345. Fax : 051 22 34 41
•SWG Srl, via San Francesco 24, I-34133 Trieste (Ts). Tél. : 040 362525, Fax : 040 635050 239 500 €, 8 octobre 2003

Services relatifs à l’exploitation des différentes typologies de services d’autoroute ferroviaire
Groupement solidaire d’entreprises :
•TRACTEBEL Development Engineering SA (mandataire), Att : Transportation Division, avenue Ariane 7, B-1200 Bruxelles. Tel. : 2 773 75 33. Fax : 2 773 79 90. E-mail : jean-marie.vandeclisse@tractebel.com
•ITALFERR Spa, via Marsala 53, I-00185 Roma (Rm). Tél. : 06 49751, Fax : 06 49752711
•SNCF Ingénierie
•TRACTEBEL Ingegneria
•SETEC TPI, Tour Gamma D, 58 quai de la Rapée, F-75012 Paris. Tél. : 1 40 04 62 89, Fax : 1 43 46 89 95 348 040 €, 8 octobre 2003

Campagne de sondages complémentaires 2003 – Italie (tunnel de Bussoleno et secteurs à l’air libre)
Lots, 2 octobre 2003
•RCT S.r.l, Att : Dott. Sergio re de Paolini, 2 via G. Di Vittorio, I-20060 Liscate. Tel. : 003 90 29 54 20 01. Fax : 0039 02 95 35 0316. E-mail : rct@mi.nettimo.it 323 215,90 €
•Geotecno S.r.l, Att : Sig. Roberto Giacometti, Via Circonvallazione, 53, I-15011 Acquiterme. Tel. : 003 90 14 45 66 92. Fax : 003 90 14 45 59 68. E-mail : mfo@geotecnosrl.it 1 866 104 €

Campagne de sondages 2003 – France
Lots, 6 septembre 2003
•Foraco SAS, Att : Gérard Fages, BP 173, ZI des Fournels, F-34401 Lunel. Tel. : 4 67 83 51 60. Fax : 4 67 83 51 79. URL : www.foraco.com 1 322 082,45 €
•Coreis SA, Att : Pierre Cachau, Le Fraisse, F-87640 Razès. Tel. : 5 55 38 90 00. Fax : 5 55 71 22 83 113 678 € + 969 239 €

Services de levés hydrographiques
Groupement Solidaire
•EEG Simecsol (mandataire), 18, rue Troyon, F-92316 Sèvres. Tel. : 1 46 23 77 77. Fax : 1 46 01 35 80
•SEA Consulting Srl, via Cernaia 27, I-10100 Torino. Tél. : 011 5162939, Fax:011 5119185
•Bureau d’étude Evelyne Baptendier, 5 rue de Verdun, F-74200 Thonon. Tél. : 4 50 70 47 47, Fax : 4 50 70 47 26 79 980 €, 16 août 2003

Travaux de chantier à La Praz
Groupement solidaire
•SAS Martoia TP (mandataire), BP 37, F-74301 Ugine. Tel. : 4 79 37 38 13. Fax : 4 79 37 36 95
•Martoia SARL, 263 rue de Guille, F-73300 St Jean de Maurienne. Tél. : 4 79 64 08 09, Fax : 4 79 64 14 48 130 634 €, 18 juin 2003

Services de prospection géophysique
•Compagnie générale de géophysique (CGC), 1 rue Léon Migaux, F-91341 Massy. Tél. : 1 64 47 30 00, Fax : 1 64 47 39 70 463 557 €, 5 novembre 2002

Services d’études de marchés
•Price Waterhouse Coopers, largo Angelo Fochetti 28, I-00154 Roma. Tél. : 6 57 08 31, Fax : 6 570 83 25 36 127 700 €, 17 octobre 2002

Services de conseils financiers
Groupement d’entreprise
•Crédit Agricole Indosuez (mandataire)
•Intesa BCI SpA
•Société Générale 377 000 €, 17 octobre 2002

Ces informations ont été publiées dans le Ted, supplément au Journal Officiel de l’Union Européenne :
www.ted.publications.eu.int/…

* * * * * * * * * * *

Puisqu’il le faut bien

« Cette grève de la vallée contre la Grande Vitesse ne sera ni déposée ni organisée par la Cgil [CGT italienne]. Il n’y a pas d’espace pour une grève générale parce que je ne partage pas les raisons de cette protestation. A la Cgil, l’opinion dominante est qu’on doit faire la ligne ferroviaire Turin-Lyon. Naturellement, il faut trouver les conditions pour pouvoir le faire. »
Vanna Lorenzoni,
Secrétaire général de la Cgil de Turin, 10/05

« Il y a actuellement en Val Susa un mélange préoccupant de protestations populaires légitimes, de spéculations politiques et d’intrusions subversives qui risquent d’exploser d’un jour à l’autre. »
Giuseppe Pisanuministre de l’Intérieur,
Discours à l’Assemblée, 2/12/05

« –Et sur le reste ? –Nous sommes convaincus que la protestation italienne est erronée. Si on veut vraiment changer les choses, il faut faire un bond en avant sans avoir peur. –Et l’amiante, et les dégâts environnementaux ? –Nous aussi nous avons de l’amiante. Mais aujourd’hui, ce n’est plus un problème, on peut la traiter avec sécurité comme ça a été le cas au Gothard. –Il y a aussi le problème des nappes phréatiques. Certains parlent déjà de manque d’eau. –Ce sont de petits problèmes dépassés. Ce qui compte est de se battre pour bien faire les choses. C’est une chose d’être exigeant, c’en est une autre de dire non à une oeuvre importante comme la ligne Turin-Lyon. »
Gérard LerasPrésident des Verts Rhône-Alpes
Corriere della Sera, 6/12/05

« J’ai ouvert une table de concertation il y a un an pour qui veut des explications, pour les gens du coin. Personne n’est jamais venu. Nous, nous sommes à leur disposition. Maintenant je vais aussi ouvrir un observatoire permanent à Susa pour pouvoir contrôler les travaux, auquel devront participer tous les intéressés, des syndicats jusqu’aux curés, aux gens du coin, à leurs experts, à tous ceux qui veulent avoir des explications sur ce chantier qui doit se faire et qui est indispensable. »
Pietro Lunardiministre de l’Equipement
Corriere Adriatico, 7/12/05

« J’espère qu’on pourra dépasser la difficile situation qu’il y a en Val Susa par le dialogue. Par le dialogue et la légalité. Le dialogue ne veut pas dire que les autorités publiques céderont par rapport au respect de leurs propres responsabilités. Parce qu’un dialogue qui reviendrait à céder serait une capitulation et signifierait également que ceux qui bloquent les routes ont raison. »
Pier Ferdinando Casini,
Président de la Chambre des députés, 7/12/05

* * * * * * * * * * *

Bas les pattes du Val Susa

Cela fait plus de 10 ans que la population du Val Susa, dans le Piémont, se mobilise contre le projet d’une oeuvre monstrueuse : la ligne à grande vitesse Turin-Lyon.
Le train à grande vitesse (TGV et Tav en italien) se veut à la pointe de l’innovation ferroviaire, et est défini comme une étape inévitable du progrès et de la technologie (aucun politicien, aucun journaliste apparu à la télé ces derniers jours n’a imaginé remettre en discussion le projet). Mais vu que les miracles sont rares, il faut en payer le prix : lignes entièrement nouvelles avec des quais modifiés géométriquement, une alimentation électrique différente et des coûts de manutention très élevés.
Ceci signifierait pour les valsusains la destruction de leur terre. Des tonnes de béton envahiraient la vallée pour construire une ligne ferroviaire qui traverserait les villages, trouant par de longs tunnels les proches montagnes où se trouvent de fortes concentrations d’amiante, d’uranium et de radon.
Le tout pour faire circuler plus rapidement des marchandises et des hommes d’affaire.

Ce qui s’est créé au cours des années comme opposition au Tav a été un large mouvement qui comprend des gens « ordinaires », des groupes écologistes, certaines institutions locales et des comités de lutte. Ces derniers sont nés dans l’intention d’informer tous les valsusains du « problème Tav » et de créer ensemble des moments de lutte contre le projet.
Après une manifestation océanique en juin où plus de trente mille personnes ont marché dans la vallée en levant les drapeaux « No Tav », les comités populaires ont donné vie à trois rassemblements permanents sur les terrains où devraient commencer les sondages dans les montagnes (premier pas vers la réalisation des tunnels).
Nés pour veiller constamment sur la zone, ce sont vite devenus des lieux de rencontre, de socialisation, de confrontation réciproque et de passage des informations. Là, jeunes, familles et anciens se retrouvent chaque jour, faisant vivre une expérience d’autogestion qui va au-delà d’un projet dévastateur. Les rassemblements ont grandi grâce à la contribution de chacun, dans la mesure et la forme de ses possibilités : l’un fournissant les sièges, l’autre un poêle à chauffer, l’un cuisinant et l’autre portant un peu de bon vin. Dans ces moments, les gens se donnent la possibilité de créer un mode de vivre non programmé par la routine quotidienne, la mettant et se mettant en discussion. Des personnes qui peut-être peu de temps auparavant ne se seraient pas saluées se parlent à présent, réfléchissent, se disputent et programment ce qui est leur propre défense et la survie de la vallée. Le vif esprit d’autogestion, d’assemblées et de rassemblements s’est trouvé fort à faire avec le rôle de médiation des maires et des institutions locales, ou avec la poigne de fer de la région Piémont et du gouvernement. Se trouvant pris entre deux feux, d’une part une population qui s’oppose au Tav sans si et sans mais et de l’autre le sommet de leur parti qui insiste à plusieurs reprises pour commencer les travaux, les maires et les conseils locaux ont cherché à ralentir le temps à tout prix. (…)

[Extrait d’El Salvanèl n°3, novembre 2005]

Quelques révoltés métropolitains

Mis en ligne le 22 février 2009 sur Infokiosques.net

Formats : (HTML)   (PDF,2.5 Mo)   (PDF,2.1 Mo) 

Version papier disponible chez : Mutines Séditions (Nancy-Paris)

Publié dans Textes & Analyses | Marqué avec , , , , | Commentaires fermés sur « A toute allure ». La lutte du Val de Susa contre le TGV Lyon-Turin

La ligne TGV Lisbonne-Kiev passe en Catalogne (soutien à la lutte contre la THT)

MADRID – Un accord sur la connexion électrique entre l’Espagne et la France sera signé vendredi à Saragosse (nord) à l’occasion de la réunion bilatérale entre les chefs de gouvernement des deux pays, a annoncé lundi José Luis Rodriguez Zapatero.

« Le 27juin, à l’occasion du sommet bilatéral entre les deux pays, le gouvernement d’Espagne signera un accord avec celui de France pour doubler l’interconnexion de notre système électrique », a indiqué le chef de gouvernement espagnol lors d’un discours à Madrid sur les questions économiques.
Lors du dernier sommet bilatéral France-Espagne qui s’était tenu le 10 janvier à Paris, la France et l’Espagne s’étaient engagées à adopter avant la fin juin 2008, ce projet controversé de construction d’une ligne à très haute tension (THT) dans la partie orientale des Pyrénées, entre Figueras (Espagne) et Perpignan (France).

Véritable serpent de mer entre les deux pays, ce projet était paralysé depuis de nombreuses années en raison de la vive opposition des riverains et des écologistes, en particulier du côté français.

Le projet a connu une avancée lorsque la France a accepté d’enfouir sous terre une grande partie de cette ligne de 400.000 volts, idée défendue par le coordonnateur européen du projet l’ex-Commissaire européen italien, Mario Monti.

Les opérateurs français étaient historiquement opposés à un enfouissement de la ligne qui coûte dix fois plus cher qu’une ligne THT normale.

Un travail de préparation du projet « dans les domaines technique, environnemental et financier » a été confié à une entreprise commune associant à parts égales les réseaux de transport d’électricité français et espagnol, RTE et REE.

RTE et REE avaient indiqué en janvier qu’ils proposeraient d’ici au 30 juin un tracé pour cette ligne.

 

Voir en ligne : Repression en Espagne

Des travaux ayant commencé en Catalogne du Sud, avant même un accord définitif entre la France et l’Espagne, un sabotage a eu lieu sur un chantier début juin. Un camion-grue a été incendié.

 

Voir aussi sur :

http://www.collectif-nonalatht.com/

Article en catalan

Autre article en catalan

texte publié sur Topseveso le 15/8/2008.

Publié dans Ailleurs, autres luttes, Répression | Marqué avec , , , | Commentaires fermés sur La ligne TGV Lisbonne-Kiev passe en Catalogne (soutien à la lutte contre la THT)

[Comité NO TAV Turin] Lettre ouverte à la couturière de Venaus : « le Lyon-Turin ne passera jamais ! »

Le 8 décembre, notre 8 décembre, je me souviens d’une famille qui, une fois les sandwich déballés, a commencé à manger, fidèle à l’engagement de déjeuner sur les prés de la Venaus libérée. Dans l’air, on sentait encore l’odeur âcre des lacrymogènes.

L’année der­nière, lors du pre­mier anni­ver­saire de la reconquête de Venaus, lors de l’assem­blée qui s’était tenue au QG, Claudio Cancelli se sou­ve­nait d’avoir attendu long­temps face à la clô­ture en se deman­dant com­ment ça allait se ter­mi­ner. A côté de lui, il y avait une dame avec son petit man­teau et son petit sac qui, à un cer­tain moment, sortit des ciseaux et com­mença à couper le plas­ti­que orange de l’enclos. S’aper­ce­vant du regard inter­ro­ga­tif de son voisin, elle expli­qua qu’elle était cou­tu­rière et que les ciseaux, elle les avait amenés au cas où ils puis­sent servir. C’est exac­te­ment à ce moment-là que Claudio com­prit que la partie pou­vait être gagnée.

Devant la clô­ture abat­tue, devant le ter­rain grouillant de ban­de­ro­les no tav et tandis que les hommes de troupe étaient déjà loin, ce jour-là à Venaus, pour un bref ins­tant, beau­coup d’entre nous sont restés immo­bi­les. Immobiles face à l’intense émotion, pres­que incré­dule, d’y être arrivé.

Dès l’enfance, on nous apprend que l’on doit res­pec­ter l’auto­rité. Par amour ou par force. Fut un temps, cette expli­ca­tion s’accom­pa­gnait d’une cer­taine dose de bran­lée paren­tale. Aujourd’hui, peut-être la télé suffit-elle. Les rebel­les per­dent et finis­sent tou­jours mal : qui ne baisse pas la tête paiera de sa per­sonne. Ce récit est le pilier prin­ci­pal de la domi­na­tion qui nous vou­drait tou­jours timo­rés, inca­pa­bles de penser et de déci­der, inca­pa­bles de nous rebel­ler parce que pri­son­nier de l’étau de la peur.

Il arrive quel­que fois que quelqu’un lève la tête et com­mence à réflé­chir, à parler avec son voisin, à faire une assem­blée, à des­cen­dre dans la rue pour que la fai­blesse se trans­forme en force, pour les temps chan­gent et que l’his­toire ouvre un nou­veau cha­pi­tre.

Quand cela arrive, les puis­sants font tout pour divi­ser et épouvanter, afin de repren­dre le contrôle, parce que les affai­res sont les affai­res et qu’on ne peut per­met­tre à per­sonne de se mettre en tra­vers.

C’est l’his­toire de ces deux der­niè­res années, une his­toire qu’on vou­drait re-par­cou­rir ensem­ble pour faire en sorte que ce 8 décem­bre ne soit pas embaumé dans la rhé­to­ri­que et que la révolte rede­vienne une chose vivante, espé­rance, lutte, projet d’un monde dif­fé­rent de celui dans lequel nous sommes forcés de vivre.

On a eu face à nous des géants. Et on les a vain­cus. Depuis ce jour-là, depuis le 8 décem­bre 2005, le mou­ve­ment no tav est devenu point de réfé­rence pour tous ceux qui dans ce pays se bat­tent pour un envi­ron­ne­ment plus sain, pour des rela­tions socia­les plus justes, pour une pra­ti­que poli­ti­que de l’agir à la pre­mière per­sonne en refu­sant les chè­ques en blanc et les logi­ques poli­ti­cien­nes emprein­tes de manière irré­mé­dia­ble de volonté de conquête et de main­tien du pou­voir.

Accusés d’être des nimby (not in my backyard – pas dans mon jardin) ne s’inquié­tant que de leur jardin, nous avons démon­tré que notre jardin, c’est le monde entier, nous avons dévoilé la faus­seté de la rhé­to­ri­que du pro­grès et de l’inté­rêt géné­ral, rhé­to­ri­que qui cache des inté­rêts bien par­ti­cu­liers, des inté­rêts de porte-feuille, de profit à tout prix. Nous avons exigé la sau­ve­garde des biens com­muns, de la terre, de l’eau, de l’air, mais sur­tout, nous avons repris en main la faculté de déci­der qui nous avait été reti­rée par la poli­ti­que des puis­sants pour retrou­ver la poli­ti­que au sens de par­ti­ci­pa­tion directe de tous.

Nous avons fait peur, parce que face à la vio­lence et à l’occu­pa­tion mili­taire, nous avons érigé des bar­ri­ca­des, fait des grèves et des blo­ca­ges, parce que nous ne nous sommes pas arrê­tés au Carrefour des Passeggeri et que nous sommes allés au-delà en contour­nant la police, en des­cen­dant la mon­ta­gne, en détrui­sant les bar­riè­res.

Une bar­rière phy­si­que mais aussi sym­bo­li­que. Parce qu’en le fai­sant, nous ne nous sommes pas deman­dés si ce que nous fai­sions était légal parce que nous savions que c’était légi­time, parce que nous savions que ce que le gou­ver­ne­ment appe­lait ordre était seu­le­ment le désor­dre de qui défend le droit d’un petit nombre au sac­cage et à la dévas­ta­tion de notre ter­ri­toire, de notre vie, de notre futur.

Ils n’ont pas réussi à nous arrê­ter par la force, ils ont alors cher­ché à le faire par la ruse, par la mêlasse, par le temps qui passe.

Deux mois plus tard, com­men­çait la mas­ca­rade olym­pi­que : lumiè­res, spon­sors mil­lion­nai­res, affai­res. Et, bien sûr, son lot habi­tuel de des­truc­tion de l’envi­ron­ne­ment, de chan­tiers inu­ti­les et nui­si­bles, d’ouvriers morts et aus­si­tôt oubliés.

Après le 8 décem­bre, le gou­ver­ne­ment décréta la trêve, une trêve qu’il avait inté­rêt à sti­pu­ler pour faire en sorte que les JO puis­sent se dérou­ler dans la vallée no tav. L’his­toire ne s’écrit pas avec des Si, mais nous sommes encore convain­cus que le mou­ve­ment a perdu une pré­cieuse occa­sion d’effa­cer le tav du futur de cette région du Nord Ouest.

Les admi­nis­tra­teurs locaux qui, au len­de­main de la révolte, acce­ptè­rent à Rome la trêve avec le gou­ver­ne­ment ont commis une erreur très grave puisqu’ils offri­rent à la bande Berlusconi une porte de sortie alors que ce der­nier se trou­vait dans une impasse dont il n’aurait pu sortir que par l’emploi massif et vio­lent de l’armée dans la vallée. Vous ima­gi­nez les trou­pes d’occu­pa­tion pla­cées dans les vil­la­ges de la Val Susa sous l’œil atten­tif des télés du monde entier venus retrans­met­tre les olym­pia­des ? Pas même Berlusconi et sa clique de délin­quants et va-t-en-guerre ne pou­vait se le per­met­tre. Ce fut une erreur de ne pas le com­pren­dre et de perdre ainsi une occa­sion unique. Mais les erreurs ser­vent aussi à appren­dre si on y réflé­chit et si on en tire un ensei­gne­ment.

Peut-être les admi­nis­tra­teurs locaux qui firent ce choix pen­sè­rent-ils que le temps était notre allié, que la nais­sance de l’obser­va­toire dirigé par Virano repré­sen­tait un moyen hono­ra­ble de faire passer des mois et mêmes des années en bavar­da­ges.

Tandis que l’Observatoire grat­tait du papier, le gou­ver­ne­ment est passé de la bande Berlusconi à la bande Prodi qui s’est empressé de mettre le lyon-turin parmi les 12 points car­di­naux de son pro­gramme. Une prio­rité à réa­li­ser à tout prix.

Mais l’Observatoire dirigé par le mul­ti­forme Mario Virano, devenu entre-temps com­mis­saire extra­or­di­naire pour la réa­li­sa­tion du chan­tier, ne devait-il pas, au moins, évaluer l’uti­lité de la nou­velle ligne ? Si le gou­ver­ne­ment avait déjà pris sa déci­sion, à quoi ser­vait un orga­nisme dont la fonc­tion aurait du être celle d’aider les déci­deurs à déci­der ?

La déci­sion des admi­nis­tra­teurs de la Val Susa d’aller de l’avant à tout prix a créé une frac­ture dans le mou­ve­ment entre les gens et les ins­ti­tu­tions loca­les.

Comment oublier ce long après-midi devant le siège de la com­mu­nauté de com­mu­nes où nous, le mou­ve­ment du train barré, amas­sés dehors, et dedans, les maires et Mario Virano à qui on avait ouvert les portes de la Vallée ?

Comment oublier le déploie­ment de police qui défen­dait la villa Ferro ? et com­ment oublier cette sale soirée, peu avant la réu­nion de la table ronde, avec les maires à l’inté­rieur et nous dehors. Au milieu, la police. Nous vou­lions savoir ce qu’ils étaient en train de faire en notre nom mais nous n’avons obtenu aucune réponse sinon celle – arro­gante – que l’époque des assem­blées entre les admi­nis­tra­teurs et la popu­la­tion était révo­lue. Peut-être étions-nous allés trop loin, peut-être avions-nous pensé pou­voir déci­der à la pre­mière per­sonne sur des ques­tions qui ont trait à notre futur ?

Le 13 juin de cette année, les maires dési­gnés se sont rendus à Rome pour la Table ronde. Le jour d’après, les jour­naux et les agen­ces de presse ont écrit qu’un accord avait été trouvé entre le gou­ver­ne­ment et les popu­la­tions loca­les pour la réa­li­sa­tion du tav et que, à la lumière de cela, un finan­ce­ment serait demandé à l’union euro­péenne. Lors de l’assem­blée du 19 juin, les maires niè­rent mais n’envoyè­rent de démen­tis ni au gou­ver­ne­ment ni aux médias. Syndrome du « gou­ver­ne­ment ami » ? encore l’illu­sion que le temps joue en faveur de ceux qui font traî­ner les négo­cia­tions ? dif­fi­cile à dire. Certains admi­nis­tra­teurs se sont offus­qués parce qu’ils rete­naient que l’on met­tait en doute leur bonne foi. Ce n’est pas notre inten­tion de mettre en dis­cus­sion la bonne foi de qui­conque, sur­tout de qui a par­ti­cipé de longue à la lutte même dans les moments les plus durs. Toutefois, plus qu’un droit, c’est un devoir de sou­te­nir énergiquement que le choix de faire partie et de rester au sein de l’obser­va­toire, hier et encore plus aujourd’hui, est une erreur.

Le gou­ver­ne­ment a demandé et obtenu de Bruxelles les finan­ce­ments pour le Turin-Lyon en pré­ten­dant avoir l’appui des popu­la­tion loca­les : l’obser­va­toire est la feuille de chou avec laquelle la bande à Prodi défend ses men­son­ges. Mais la feuille de chou peut très bien deve­nir un lin­ceul, et même un suaire si elle tombe entre les pattes des médias asser­vis par les lobby du ciment, liés dou­ble­ment au gou­ver­ne­ment comme à l’oppo­si­tion, aujourd’hui comme hier, tous unis dans la lutte pour nous impo­ser un choix qu’on ne par­tage pas.

Les 32000 signa­tu­res recueillies avec pas­sion et enga­ge­ment, par de lon­gues heure de tra­vail volon­taire, maison par maison, foire par foire, marché par marché, consi­gnées ensuite à Strasbourg, Rome, Bussoleno, Nice ont été dis­si­mu­lées par les médias, ou rédui­tes au rang de mau­vaise habi­tude.

Il est temps de dire clai­re­ment ce que tous savent désor­mais : l’unique fonc­tion réelle de l’Observatoire est celle de four­nir un alibi à qui sou­tient (en men­tant et en sachant mentir) que les popu­la­tions inté­res­sées sont prêtes à accep­ter le tav, que les varia­tions du tracé dont les jour­naux font grand cas ont l’assen­ti­ment du plus grand nombre, que la ques­tion est désor­mais celle du « com­ment ». Il n’y a plus que les irré­duc­ti­bles pour s’y oppo­ser, les malade d’idéo­lo­gie, ceux qui sont contre, tou­jours, et de toute manière. Qui sait s’ils savent que nous sommes encore tous, irré­mé­dia­ble­ment, irré­duc­ti­ble­ment, mala­des du goût pour la liberté que nous avons conquis avec nos mains, avec nos pieds, mais sur­tout avec la convic­tion tenace de nos têtes et de nos cœurs ?

S’ils ne le savent pas, ou s’ils fei­gnent de ne pas le savoir, il est temps de repren­dre les chaus­su­res de mon­ta­gne et de le leur mon­trer à notre manière : gen­tille mais ferme.

C’est ce que nous avons fait le 20 juin quand, après un envoi de SMS et de mails, nous nous sommes retrou­vés très nom­breux sur les routes de Chiomonte pour dire à tous que le Tav n’est pas passé à Venaus et ne pas­sera pas non plus à Chiomonte. Personne n’en a parlé ? Nous, nous le savons : nous connais­sons notre force et notre déter­mi­na­tion. Nous devons aller de l’avant, sur notre route avec tous ceux qu’il y aura, avec la cons­cience que ce que nous avons aujourd’hui, nous l’avons gagné par nous même, sans délé­guer per­sonne, en nous repré­sen­tant nous-mêmes, en trans­for­mant la poli­ti­que, de sale jeu de pou­voir en libre exer­cice de la com­pa­rai­son et du choix, par le bas, chaque jour. Ces jours-ci, 70 admi­nis­tra­teurs ont aussi envoyé leur signal en disant qu’il est grand temps que la dan­ge­reuse farce de l’Observatoire soit aban­don­née.

Il est temps, aujourd’hui, alors que tous nous don­nent pour vendus, fai­bles, divi­sés, de démon­trer que leur jeu ne fonc­tionne pas, et que, même, nous sommes prêts pour nous enga­ger sur la voie de la réa­pro­pria­tion de la chose publi­que, contre le tav et contre les tir, ainsi que contre toutes les autres ques­tions qui ont trait à notre vie.

Certains, les syn­di­cats coges­tion­nai­res, ceux-là même qui ont vendu notre tfr, ceux-là même qui ont signé ce ter­ri­ble accord sur le wel­fare, posent le chan­tage à l’occu­pa­tion. Sur ce ter­rain aussi, il est temps de l’ouvrir, clai­re­ment et for­te­ment. Dans une Italie où la pré­ca­rité est la règle et où le chan­tage est quo­ti­dien, il s’agit de mettre fin à la pré­ca­rité et d’entre­pren­dre des actions posi­ti­ves pour nous tous. Dans les che­mins de fer, les restruc­tu­ra­tions des vingt der­niè­res années ont sup­primé des dizai­nes de mil­liers de postes de tra­vail. Dans ces mêmes années, les inci­dents mor­tels se sont mul­ti­pliés et le ser­vice aux per­son­nes s’est cons­tam­ment dété­rioré. Dans le domaine de la cons­truc­tion, com­bien sont les mai­sons et les édifices publics encore bour­rés d’amiante ? le moment est venu que le mou­ve­ment pose à son tour son propre chan­tage occu­pa­tion­nel, en exi­geant que les res­sour­ces gâchées par les grands chan­tiers soient des­ti­nés à la sécu­rité des trains et des mai­sons. Pour cela, il faudra beau­coup de tra­vailleurs. Pour cela, il faut un mou­ve­ment uni dans sa manière de dire NON, solide dans ses Oui encore plus forts.

Notre bien le plus pré­cieux, c’est l’auto­no­mie, l’auto­no­mie vis-à-vis du cadre poli­ti­que, de qui­conque gou­verne en notre nom, qui­conque choi­sit pour nous : c’est un bien pré­cieux à sau­ve­gar­der, un bien qu’ils sont en train d’essayer de nous enle­ver par la peur et la ruse.

En 2005, la peur a changé de camp, les forces du désor­dre ont dû s’en aller. Nous avons résisté aux matra­ques et à la police, nous pou­vons résis­ter aux pièges de tant de poli­ti­ciens qui vou­draient bien nous voir ren­trer à la maison, dis­sou­dre les assem­blées, les comi­tés, la coor­di­na­tion. Ce sont nos lieux, des lieux qui nous ont vu croî­tre, il ne tient qu’à nous de les faire croî­tre encore, en mul­ti­pliant la par­ti­ci­pa­tion, en ne se déro­bant pas à la confron­ta­tion, en ayant bien en tête que la diver­sité des points de vue est une richesse et non pas une limite, parce que les uni­for­mes vont bien aux marion­net­tes et aux sol­dats, et non à des hommes et des femmes libres.

C’est pour­quoi, en ce deuxième anni­ver­saire de la libé­ra­tion de Venaus, en ce jour où, il y a tant d’années, à la Garde, un pacte fut fait entre les résis­tants, il est bon de se sou­ve­nir que nos raci­nes sont soli­des, que la résis­tance conti­nue chaque jour, et que, quand c’est utile, il faut se mettre en tra­vers pour que la route soit barrée mais que la voie s’ouvre.
La cou­tu­rière de Venaus, nous en sommes sûrs, a tou­jours dans son sac les ciseaux pour couper la clô­ture.

Le tav ne passera jamais !
Le Lyon-Turin ne passera jamais !
Non au tav ! Autogestion !
Contre toutes les nuisances !

Comité no tav de Turin, décem­bre 2007

Proposition d’une ren­contre pour s’y mettre vrai­ment avec les gens du côté de Lyon :

Mardi 5 février 2008 à 19h à La Luttine
(91, rue Montesquieu Lyon 7e – m° Saxe)

Qu’on se le dise, pour enfin faire corps avec les gens qui résis­tent de si belle façon du côté de Turin !

 

texte publié sur Rebellyon le 8 janvier 2008.

Publié dans En Italie, En Italie - Val de Suse & Turin | Marqué avec , , , , , , | Commentaires fermés sur [Comité NO TAV Turin] Lettre ouverte à la couturière de Venaus : « le Lyon-Turin ne passera jamais ! »