Un conteneur : transport maritime & production mondiale

Un conteneur : transport maritime & production mondiale
Soudain, un inconnu vous offre un conteneur

Plus de 80% des marchandises prennent la mer entre leur production et leur distribution. Mais que peuvent bien raconter de la bonne marche du monde les matafs philipins, les dockers grecs, les prolos chinois et les pirates somaliens ?

Cahier disponible en librairie (6€), en infokiosque (à prix libre) ou gratuitement en ligne.

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Profitons-en pour une petite digression : l’accélération est au cœur de la reproduction du capital : la mesure du temps fonde l’idée même, non seulement de la productivité, mais aussi du salariat – c’est bien du temps qu’on échange contre de l’argent. On peut considérer (à la suite de Lewis Mumford) que l’invention de l’horloge a été au moins aussi décisive que celle de la machine à vapeur dans l’avènement du capitalisme. Et dire « que le temps c’est de l’argent » n’est à comprendre qu’au sens où le temps coûte de l’argent aux patrons : le temps n’est que du temps perdu. Depuis Karl Marx on sait que la bourgeoisie s’affaire essentiellement pour « détruire l’espace grâce au temps » – sa chronophobie est intrinsèque, et se répercute sur chaque moment et chaque recoin de l’activité sociale : qui ne s’agite pas en permanence dans le ventre et un agenda dans la tête ? C’est certainement en cela que l’on peut aussi entendre en quoi le capitalisme est un rapport social : l’argent, donc le travail déterminent entièrement les temps de la vie.

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L’accroissement permanent des infrastructures de transports est décisif dans le « développement des territoires » (c’est à dire le développement de l’économie dans ces régions) – en 2009, sous prétexte que cela permettrait de sortir de la crise, de nouveaux projets ont encore été mis sur la table dans de nombreux pays : en France, 149 projets routiers, ferroviaires et portuaires bénéficient de la plus grosse part des 26 milliards d’euros du « plan de relance de l’économie ». Les États-Unis misent sur le développement des lignes de train à grande vitesse : au printemps 2009, Obama a annoncé un financement de 13 milliards de dollars sur cinq ans pour la création de plusieurs corridors ferroviaires, pour augmenter la capacité du fret ferroviaire (entièrement privé, qui charrie 40% des marchandises dans le pays. En Chine, le Parti a pour sa part prévu de financer 20 000km supplémentaires de rails, surdévelopper le réseau autoroutier (pour atteindre 180 000 km pour 38 millions de voitures particulières – à titre de comparaison, aux USA, 75 000 km de routes font rouler 230 millions de véhicules) et construire de nouveaux aéroports.

Il est notable que certains de ces vastes chantiers cristallisent des luttes d’opposition caractéristiques et souvent énergiques : depuis les années 1990 dans le Val de Susa contre le projet de TGV devant relier Lyon à Turin ou au Pays basque sud contre le « Y basque » (ligne à grande vitesse entre la France et le Portugal ou Madrid) – deux tronçons du même Corridor Y tracé dès les années 1980 par la Commission européenne pour joindre Lisbonne à Kiev, un parmi les vingt projets prioritaires de l’UE. En France, pensons aussi à l’opposition à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en Bretagne, qui s’est récemment élargie, agrégeant de nombreuses autres personnes que les paysans menacés d’expropriation, bien seuls pendant des décennies. Malgré le brouillard social entretenu par les inévitables tenants du fonds de commerce de la défense de « territoires » qu’il faudrait savoir « habiter » (quand ce n’est pas de paysages à préserver), voire de prétendues « communautés de vies », contre les diverses nuisances (bien réelles), inéluctablement générées par la construction et l’usage de ces infrastructures, ces « luttes de sites » révèlent parfois de vigoureux antagonismes de classe, dès lors que débordent ces refus collectifs de la fatalité économique.

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