De quoi s’agit-il ?
Le MUOS (Mobile User Objective System) est un projet de l’US Navy, visant l’interconnexion du réseau de l’armée américaine (centres de commandement, de contrôle et de logistique avec plus de 18.000 terminaux radio existants) et du service de télécommunications entre les unités mobiles légères (drones, avions de combat, navires de guerre, sous-marins, missiles Cruise).
L’architecture MUOS est basée sur la construction d’un pont Terre-Espace-Terre qui comprend quatre satellites géostationnaires (plus un cinquième en orbite de rechange) et quatre bornes au sol. Les satellites sont conçus pour maintenir constante leur position dans l’espace à plus de 36 000 km de la Terre. Les stations au sol sont équipées de trois grandes antennes paraboliques d’un diamètre de 18,4 mètres et opérant avec deux bobines émettrices de 149 mètres au dessus du niveau de la mer dans la bande UHF – Ultra High Frequency (entre 240 et 315 MHz) pour le positionnement géographique. Les maxi-paraboles envoient des fréquences électromagnétiques qui atteignent des valeurs comprises entre 30 et 31 GHz avec une puissance de 1600 W chacun.
Trois terminaux, situés dans des zones non habitées en Virginie, en Australie et dans les îles hawaïennes sont déjà fonctionnels. Un quatrième est prévu à Niscemi, en plein cœur de la Sicile, à l’intérieur de la réserve naturelle protégée « La Sughereta ». Parc au croisement de trois villes historiques de 30 000 à 100 000 habitants, et englobé dans le périmètre de la base militaire américaine NRTF (Naval Radio Trasmitter Facility). Une quarantaine d’antennes installées depuis 1991 permettent les communications militaires entre terre, mer et air.
Quels effets, quelles conséquences ?
Les antennes NRTF, auxquelles viendront s’ajouter celles du MUOS, représentent une attaque menée par la classe au pouvoir contre les populations. D’une part, le rayonnement électromagnétique implique de grands risques sur la santé déjà attestés depuis 1991 (cancers, malformations), sur la sécurité (perturbation de l’aviation civile des aéroports de Comiso, Catania, Palermo et Trapani, déclenchement accidentel d’armements, dérèglement des appareils dans les hôpitaux) et sur l’environnement (mutations génétiques des plantes et des animaux, brûlures, diminution du nombre d’abeilles). Ce système de télécommunications en UHF est utilisé pour les opérations tactiques militaires impliquant des aspects C4ISR (Commandement, Contrôle, Communication, Informatique, Renseignement, Surveillance et Reconnaissance). Les diffusions par satellite à haute fréquence ont comme but de soutenir le déplacement rapide sur terre, air et mer à l’échelle mondiale. Ils ont maintenant un rôle irremplaçable à jouer, celui par exemple, d’envoyer des ordres et des informations à des unités mobiles opérant dans les principaux théâtres de guerre en Afrique, en Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est. Les émissions dans la bande UHF, tout en étant compatibles avec le plus grand nombre d’instruments de guerre, pourront pénétrer à travers le feuillage des jungles et des environnements urbains plus facilement que d’autres fréquences. En conséquence, les militaires peuvent communiquer et combattre indépendamment de la météo et des conditions atmosphériques.
Que fait-on ?
Pour toutes ces raisons, des comités No MUOS d’information se sont créés depuis le début des travaux en 2007, tout d’abord à Niscemi, ensuite dans les autres villes, couvrant aujourd’hui quasiment la totalité du territoire sicilien. L’implication de quelques figures importantes de la science (Massimo Zucchetti) et du journalisme (Antonio Mazzeo) ont contribué à la naissance de comités No Muos à Turin, Rome, Milan, Bologna. En janvier 2013, le mouvement No MUOS devient un mouvement d’action avec les premiers blocages qui visent à empêcher l’entrée des véhicules transportant ouvriers et matériel. Ce qui aboutit très vite à la décision d’acheter un terrain sur la seule route conduisant au chantier, le Presidio, d’où sont parties la première manifestation nationale du 31 mars, l’initiative de grève générale du 31 mai et la première invasion de la base militaire américaine par 3000 personnes le 9 août 2013.
Les travaux du MUOS ont commencé 2 ans avant les autorisations légales et ont continué jusqu’en juillet 2013 sans les autorisations environnementales (après quoi une loi expressément faite pour le MUOS déclare qu’il n’est plus nécessaire de les obtenir pour des travaux commencé avant 2010). Afin de défendre une œuvre totalement illégale, la répression tant policière que judiciaire sévit sur les activistes, avec des amendes allant de 2000 à 3500€ (stratégie adoptée surtout entre janvier et mars 2013 pour les blocages). Depuis le 23 janvier 2014, la répression s’est fortement accentuée : des chefs d’accusation très graves allant jusqu’à 3 ans de prison pèsent sur de nombreux activistes et chaque jours de nouvelles personnes sont approchées sans procédure légale par la police qui déploie une stratégie d’intimidation auprès des membres proches, de la famille, et des habitants de Niscemi, Gela, Caltagirone, cassant ainsi une dynamique de révolte dans une population historiquement peu mobilisée. Ceci, s’est passé la même semaine où les trois paraboles ont fini par être montées.
A l’origine, le Pentagone avait prévu de lancer les satellites d’ici la fin de l’année 2009 pour obtenir leur pleine capacité opérationnelle en 2013. Avant la fin de l’année 2012 devaient entrer en service quatre maxi-paraboles des MUOS. Le lancement du premier satellite en orbite a eu lieu le 24 Février 2002 du Cap Canaveral (Floride), tandis que le second satellite a été lancé 19 Juillet 2013. Selon les nouvelles dispositions de SPAWAR les trois autres satellites seront lancés entre 2014 et octobre 2015, tandis que les quatre stations au sol ne seront opérationnelles qu’à l’automne 2014. Dans ces conditions, la constellation MUOS sera pleinement opérationnelle en 2016.
Cette situation ne concerne pas uniquement cette région. Ce projet s’inscrit dans une perspective de transformation capitaliste globale du territoire. On peut relier ce chantier avec ceux prévus, par exemple, dans le Val de Susa en Italie ou à Notre-Dame-Des-Landes, et relever la constante qui les unit, rendre toujours plus fluide la circulation des informations, des personnes et des capitaux, mais seulement celle qui fait le jeu des Grands. D’autre part, le MUOS s’inscrit dans une perspective de militarisation de la Méditerranée en vue de maintenir un « équilibre » dans le Moyen Orient. La Sicile, suite aux accords bilatéraux de 1945, compte 16 bases militaires américaines dont Sigonella, d’où les militaires se préparaient à partir en cas de conflit en Syrie l’été passé.
Pour ces raisons, les comités No MUOS de plusieurs villes et villages luttent non seulement contre les antennes, mais aussi contre les politiques qui criminalisent l’immigration (Lampedusa, Mineo), désireux de construire une société débarrassée de la logique qui détruit nos vies et l’environnement. Ils participent donc aux combats contre la mafia, aux luttes pour le logement et contre les autres Grands Projets Inutiles en Sicile (forage de la côte sud en recherche de pétrole, Parc éolien de la vallée de Ragusa, entreprises immobilières qui bétonnent les réserves naturelles protégées). La Sicile, terre de merveilles naturelles, au passé grec, arabe et baroque, terre qui fait la seule richesse de ses pêcheurs et de ses paysans.
La lutte No MUOS vise la réappropriation de nos vies. Elle a besoin de se propager par-dessus les Alpes, au-delà de la mer et des frontières.
CETTE LUTTE EST LA TIENNE, informe-toi, parles-en, diffuse, viens nous voir !