Solidarité avec Marta – Les femmes NoTav marchent la tête haute

Pise, 25 Juillet 2013

Ils m’ont blessée, mais les blessures qui font le plus mal ne sont pas celles sur la peau mais sous la peau. Celles qui ne me laissent pas dormir la nuit. A ces blessures s’ajoutent les insultes gratuites et lâches lancées derrière un pc ou un microphone de radio.

C’est mon travail d’aider les femmes qui ont subi des violences, je les pousse à se battre pour elles-mêmes. Aujourd’hui que mon tour est venu, je ne reculerai pas.

Ces dernier jours de nombreux bras m’ont enlacée et m’ont remplie de force. La chaleur de la peau des camarades et surtout des camaradEs aide à cicatriser ce qui a été cassé. Comme les bras serrés en cordon soutiennent et poussent vers l’avant, la tête haute.

Je remercie déjà celleux qui m’ont été proches et celleux qui le seront demain devant le tribunal de Turin.

Je remercie les femmes du Val de Suse.

S’ils en touchent une, ils nous touchent toutes !

Pas un pas en arrière !

Voici la brève déclaration de Marta Camposano ce jeudi, à la veille de sa première audience au tribunal de Turin, où elle a été interrogée à la fois  en tant qu’arrêtée lors de la marche nocturne au chantier du Tav vendredi 19 juillet, et du fait de la plainte qu’elle a déposée pour dénoncer publiquement les violence physiques et sexuelles subies cette même nuit.

Première libérée des 9 arrêtés de la marche nocturne No Tav du 19 juillet (pour laquelle le mouvement No Tav dénombre 63 blessés graves et 7 emprisonnés pendant 4 jours avant d’être transférés entre les murs plus conviviaux de leur propres maisons, mais toujours en cage), Marta raconte et témoigne des violences subies.

Arrêtée alors qu’elle tente de faire échapper les « moins jeunes » aux charges policières, elle subit un premier passage à tabac en dehors du chantier-fortin, le dos matraqué, écrasée par les chaussures des agents de police, suffoquée par un air rempli de gaz CS. Elle est ensuite traînée à l’intérieur du chantier-fortin, bloquée au cou et au bras tandis que les autres policiers s’occupent d’elles : coup de matraque sur la bouche (8 points de suture), attouchements sur les seins et dans l’entrejambe, déluge d’insultes et menaces sexistes, un chœur de « sales putes » et des crachats. Insultes et crachats toujours à l’intérieur du fortin, en présence des procureurs Paladino et Rinaudi qui persécutent dans les tribunaux ces NoTav « apprentis terroristes ». Autres insultes et crachats de la part de la femme policière, qui a fait son métier de son aspiration à la servitude. Le médecin de la police demande une hospitalisation immédiate. Mais ce n’est que 4 heures plus tard qu’elle sera amenée aux urgences, dont elle sort libre mais sous enquête.

C’est la première à sortir et la première à pouvoir dénoncer. Publiquement, face aux médias (vidéo). Pas de silence pour ces 4 heures de sang, crachats et insultes parce que femme et parce que militante. Et alors la violence reprend. Celle dont toutes les femmes qui ont osé relever la tête connaissent si bien les contours et les modalités. La banale et archaïque solidarité machiste. La violence qui t’humilie et te viole une nouvelle fois. Après les attouchements, les coups, les insultes et les poursuites judiciaires, vient le dénigrement : son témoignage ne peut être que « mensonge » qui mérite une  « punition exemplaire », ou parce que (refrain jamais trop usé) « après tout, elle l’a bien mérité ».

Esposito, parlementaire de centre gauche et principal promoteur de la Tav dans les rangs des politiciens, commente sur twitter : « Elle part de Pise pour aller faire la guerre à l’Etat, prend justement quelques coups de matraque, et invente des violences sexuelles. #mensonge ». Déclarations qu’il maintient à la radio. Tandis que l’UGL, syndicat de droite, réclame à grands cris la punition exemplaire et que Meo Ponte, sur les pages du quotidien La Repubblica, se permet d’affirmer que “la réalité est différente” (différente comment, monsieur ?).

La rengaine d’Esposito est millénaire : il fallait rester dans la chaleur et la protection du foyer familial, il ne fallait pas venir faire « la guerre » en Val de Suse (étrange dénomination pour une manifestation, mais une touche de diabolisation ne fait jamais de mal). Quant au leitmotiv « Tu l’as bien cherché, t’étais en mini-jupe et il était tard » … il devient « Tu l’as bien cherché, t’es allé te promener dans la zone rouge autour du chantier du Tav ».

Mais attention : celui qui parle est le représentant d’un parti qui redécouvre la priorité de la lutte contre les violence faites aux femmes à chaque féminicide, et qui veut punir d’emprisonnement toute affiche sexiste. Mais la seule femme utile à ces gens-là est la femme-victime. Les autres, autodéterminées et pleines de revendications, sont à battre, punir, humilier.

Une fois de plus, les sitav (pro-tav) révèlent leurs vrais motivations : violence fasciste et sexiste, abus de pouvoir sur la terre, et sur les femmes et hommes qui luttent pour un autre futur et qui créent chaque jour un présent différent.

Mais ce n’est pas fini. Quelques centaines de No Tav se pressent devant le tribunal vendredi 26 juillet pour soutenir Marta et dénoncer l’énième infamie montée par la justice sitav : Marta est interrogée par les mêmes procureurs sitav présents le 19 juillet dans le chantier-fortin. Le groupe est brutalement chargé par la police, qui pousse les manifestants au milieu du trafic de l’avenue toute proche. A nouveau, la violence policière est provocatrice, surtout dans une journée où brûle si fort la rage pour Marta et les autres arrêtés et blessés dont ces mêmes uniformes sont responsables.

Pour contrer les mensonges des politiciens et journalistes, les initiatives de solidarité pour Marta se multiplient ces jours-ci : campagne de soutien #senonconmartaquando?, initiatives en Val de Suse, appel du comité No Tav de Pise « Con Marta Donna No Tav » communiqué des travailleurs sociaux lancé par les collègues de Marta « Noi crediamo Marta » occupation de la salle du conseil municipal à Pise par la famille et les camarades de Marta et interruption du congrès du Partito Democratico (parti d’Esposito) à Rome.  Ce jeudi un groupe de No Tav pisan* a interrompu le conseil municipal de Pise afin de faire voter une mention de soutien à Marta et de condamnation officielle des violences survenues dans la nuit du 19 juillet. Les membres de quelques partis de gauche réussissent à mettre la mention à l’ordre du jour alors que la salle se remplit de policiers et Digos (police politique italienne). Mais la discussion très animée s’éternise, et pour finir la mention n’est pas acceptée. Sous les cris et les insultes des No Tav, les élus doivent s’enfuir de la salle communale protégés par la police.

A Rome vendredi un groupe de femmes No Tav à interrompu la fête du Parti Démocratique lors du débat de la soirée. Dès que le nom d’Esposito a été mentionné par la présentatrice le groupe a envahi la scène, submergé de sifflements et cris l’audience PD et brandi des panneaux de la campagne  #senonconmartaquando?. Malgré l’intervention de la police, une camarade a réussi à prendre le micro et exprimer leurs revendications : contestation de la position du PD sur la Tav et des déclarations d’Esposito au sujet de Marta évidement, mais également dénonciation du silence de tous les autres membres du parti, femmes comprises.

Prochaines initiatives de solidarité pour Marta à suivre sur infoaut.org.

Se toccano una toccano tutte…non un passo indietro!

(S’ils en touchent une, ils nous touchent toutes … Pas un pas en arrière !)

Comité NoTav Paris

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