Le Front de Gauche, le TAV et le capitalisme industriel

Extraits de Critique de la planification écologique, par Pièces et Main d’Oeuvre :

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Les amoureux d’une vie libérée de la course au néant existentiel et du transport de marchandises sur les paysages, se réjouiront d’apprendre que le Front de gauche est un ardent défenseur de la ligne TGV Lyon-Turin (le TAV, en italien). Selon Antoine Fatiga, conseiller régional FdG et syndicaliste CGT : « Il faut tenir compte des intérêts des locaux qui ne veulent pas de ligne ferroviaire chez eux, mais aussi de l’intérêt de quelqu’un qui veut faire transporter des marchandises entre un port de Rotterdam et Turin. »

Michelangelo Antonioni - Il Deserto Rosso-1964

Idem pour le projet de ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux : « Nous souhaitons par ailleurs et toujours dans la même logique insister sur la pertinence supra nationale de ce projet. »

Les intérêts supérieurs de l’économie primeront sur les bouseux qui tiennent encore à leur terre. Dans le Nord-Pas de Calais, les élus du Front de gauche se liguent aux industriels et à tous les autres partis, de droite comme de gauche, pour réclamer la relance du monstrueux canal Seine-Nord-Europe au prétexte de lutte contre l’austérité. Du béton et des conteneurs, c’est de l’emploi.

Soutenant la candidature d’Annecy aux Jeux Olympiques d’hiver de 2018, le groupe Front de Gauche de la région Rhône-Alpes souhaitait « contribuer à ce que la région pèse de tout son poids pour une candidature exemplaire qui illustre une conception moderne des plus grands événements sportifs. »

À la condition d’une plus « haute qualité sociale » après s’être satisfaits des efforts entrepris pour que ces « Jeux » soient placés sous le signe de la haute qualité environnementale. C’est connu, les Jeux olympiques d’hiver, leur bétonnage, leur gaspillage et leur pollution de l’eau et des sols, leur transport de masses, il n’y a pas plus bio.

Tandis que le candidat Mélenchon promet un grand débat national « sous contrôle citoyen » sur l’énergie, les élus Front de Gauche de Provence-Alpes-Côte d’Azur et la commission Enseignement Supérieur et Recherche du Parti de gauche soutiennent la construction de la centrale nucléaire ITER de Cadarache : un « projet collaboratif de recherche publique [dont] les résultats concerneront l’intérêt général. » Ne dites plus ravages industriels, dites « intérêt général ». Au nom de « la liberté de la recherche », claquons 15 milliards d’euros d’ici un demi siècle pour des résultats douteux. Comment en serait-il autrement puisque le pilier du Front de gauche est le parti communiste français, co-gestionnaire de l’industrie nucléaire depuis la création du Commissariat à l’énergie atomique juste après Hiroshima.

Ceux qui aiment les paysages côtiers profiteront bientôt des usines d’éoliennes au large de Cherbourg et Saint Nazaire transformés en zone industrielle. Ces marchés remportés par le consortium EDF-Alstom répondraient, selon le Front de gauche de la Manche, « aux enjeux industriels et écologiques immédiats » tels que recharger son Ipad ou faire tourner des data centers, les principales causes d’augmentation de consommation d’électricité.

Dans son livre halluciné La règle verte, Jean-Luc Mélenchon jubile à l’idée de coloniser les fonds marins, espace « immense » et encore méconnu qui fera de la France « la première nation maritime » : « Voilà la grande ambition que nous pouvons avoir : la découverte, la conquête de la mer, comme nous avons conquis l’espace ! […] Nous pouvons être les premiers, par notre science, notre technique à la fois, à la découverte, puisque 15 % à peine de la biodiversité marine est connue. »

Grâce à ses DOM-TOM, la France possède la deuxième plus grande surface côtière du monde. Une aubaine ! Exploitons le mouvement de la mer – « gratuit et infini » – pour produire de l’électricité. Tant pis si les turbines sous-marines (hydroliennes) sont faites de matériaux coûteux et bientôt épuisés.

Outre les fonds marins, les profondeurs de la terre devront aussi contribuer à l’effort national. L’industrie pétrolière se reconvertira dans la géothermie : « Ce sont exactement les mêmes métiers : faire des trous, très profonds [jusqu’à 5 km], repérer les ressources, créer des anneaux, mettre au point les aciers, ce qui signifie donc que nous ayons une sidérurgie. » Pas un espace de cette planète qui ne soit la proie de ces ambitions écologiques.

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