Rien n’arrête les No-TAV : après l’épisode en demi-teinte du rassemblement à Lyon le 3 décembre, un nouveau temps fort du mouvement s’est joué ce week-end dans le Piémont.
« Et ça continue encore et encore… »
Ce samedi 8 décembre 2012, avait lieu une journée d’action No-TAV du coté italien. Pourquoi ce jour ? Parce que depuis plusieurs années, le 8 décembre est devenue une date emblématique de la puissance que peut déployer le mouvement No-TAV. Cette date correspond à l’anniversaire de la reprise du campement de Venaus par des dizaines de milliers d’habitants de la vallée en 2005. « Reprise » car ce camp No-TAV, mis en place à l’époque pour empêcher le forage d’une première galerie dans la vallée, venait d’être expulsé violemment en pleine nuit un jour plus tôt. Cette nuit-là, la répression policière fut pour une fois démocratique puisque jeunes gens et vieillards furent également roués de coups et passés à tabac par les centaines de policiers et carabiniers arrivés sur place.
L’intervention de la police et l’expulsion du presidio [1] de Venaus et de ses deux cents occupants provoqua un soulèvement populaire dans la vallée et bien au-delà. Les réactions et les actions de solidarité se multiplièrent dans toute l’Italie [2], allant de grèves sauvages dans des écoles et certaines usines, à des blocages et des manifestations de rue. Décision fut prise de réoccuper sans plus attendre le campement qui menaçait de se transformer en futur chantier de la ligne TGV…
« L’instant d’après le vent se déchaîne… »
Le 8 décembre 2005, en l’espace de quelques heures, les flics sont débordés. Des dizaines de milliers de manifestants arrivés par les sentiers enneigés encerclent le camp. Partout des gens qui dévalent la montagne. La police n’arrive plus à gérer et à contenir la foule. Même les lacrymos sont peu efficaces en raison du fort vent. Le camp policier est littéralement pris d’assaut et repasse aux mains des No-TAV. Les flics qui ne sont pas enfuis, sont obligés de quitter le camp en file indienne, entourés de chaque coté par des habitants de la vallée qui les insultent. Immédiatement commencent les travaux pour reconstruire le presidio et détruire les équipements policiers abandonnés sur place. De grosses barricades avec des arbres sont érigées sur la route pour prévenir tout retour ennemi. Le Val de Suse vient de remporter l’une de ses plus grosses victoires sur le terrain de l’affrontement brut avec l’État Italien.
Le Parti de l’Ordre en difficulté face aux manifestants No-TAV (Venaus, 2005).
Depuis cette date historique, le mouvement No-TAV a donc pris l’habitude de célébrer chaque année ce succès, comme il prends le temps, chaque année depuis 1998, de se souvenir, lors de marches aux flambeaux, d’Edoardo Massari et de Maria Soledad, tous deux accusés d’être, avec d’autres, les auteurs de multiples actes de sabotage sur des chantiers du TAV et retrouvés « suicidaires », l’un dans la prison de la Valette (Turin), l’autre dans sa résidence surveillée.
Cette année, plusieurs rendez-vous avaient été donné par voie de tracts.
Dans le premier, une grosse centaine de gens se sont retrouvés à Chiomonte pour bloquer l’autoroute Turin/Bardonecchia. Au début, un seul sens de la circulation est coupé puis très vite les deux. Même bloqués dans leurs voitures, personne ne s’énerve, on sort pour discuter, certains automobilistes allant jusqu’à saluer et encourager les manifestants. Avant de partir, une heure plus tard, les armoires électriques du tunnel autoroutiers sont toutes incendiées. On aime décidément pas la vitesse dans cette région. Toute au long de l’action, la présence policière est quasi-inexistante, une première voiture de carabiniers est chassée à coups de menaces et de boules de neige avant qu’une deuxième, à la fin, soit chassée à coups de pierres dans les vitres.
Le deuxième rassemblement partait de Giaglione avec pour objectif d’aller jusqu’au chantier. Rapidement bloqué par la police, le cortège finit par s’introduire en fin de journée dans le chantier mais est repoussé par un canon à eau et des gaz lacrymogènes.
« C’est que le début d’accord d’accord… »
La force de la technique du blocage est d’être réalisable à peu et de pouvoir se répandre assez vite en plusieurs points d’un territoire, là où la bataille de Venaus de 2005 s’était réalisée en un seul point et à l’aide du nombre (plusieurs dizaines de milliers de personnes) ; à chaque fois, le point commun de ces actions, c’est que ce sont les gens qui les décident et les effectuent eux-mêmes, sans médiation, avec la simple intelligence de la situation. Et à chaque fois, c’est la politique classique en état de délabrement avancé qui se trouve mis à mal, délégitimé [3]. Devant la détermination du mouvement et l’enlisement du pays, le Président du Conseil des Ministres et père de la rigueur économique italienne [4], Mario Monti, vient de jeter l’éponge et d’annoncer sa prochaine démission !
Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, les deux derniers inculpés de la vague d’arrestations liée aux manifestations du 3 juillet 2011 dans le Val de Suse, Maurizio et Alessio, viennent d’être libérés début décembre. Ces deux camarades auront fait pratiquement un an de détention préventive. Leur procès, comme celui des quarante trois autres inculpés, doit se tenir à Turin le 21 janvier prochain. Une nouvelle occasion de se retrouver.
Notes
Texte publié sur Rebellyon le 10 décembre 2012.