Alors que la lutte No-TAV se poursuit plus que jamais – avec en ligne de mire la venue de Mario Monti à Lyon le 3 décembre prochain -, qu’une dernière poignée d’irréductibles défenseurs du TAV (quelques élus locaux et autres sénateurs) s’est réunie le 7 novembre dernier au Palais du Luxembourg et que la Cour des comptes a finalement choisi son camp en reprenant une partie des « arguments No-TAV » dans son dernier rapport, la Police Judiciaire lyonnaise est sur les dents.
Explications.
Au matin du lundi 27 février 2012, le camp de la Baïta du Val de Suse, construit de manière a empêcher le début des travaux de la future ligne de train Lyon-Turin, est encerclé et expulsé par la police. Alors qu’il escalade un pylône électrique pour ralentir l’expulsion, un habitant de la vallée, poursuivit par un policier, se prend un arc électrique en pleine face et chute. Très grièvement blessé, il est emmené d’urgence à l’hôpital de Turin. Immédiatement, un vaste mouvement de protestation s’empare de toute l’Italie. L’autoroute A32 entre Bussoleno et Chianocco est bloqué (plusieurs jours), ainsi que deux nationales de la vallée. Le soir même, les gares des principales grandes villes italiennes sont bloquées par des groupes de manifestants. Pendant une dizaines de jours, les manifs, les occupations et les blocages sporadiques secouent la péninsule. Et c’est, au bout du compte, les multiples interventions policières et la fatigue qui finissent par avoir raison du mouvement. Entre-temps, les affrontements entre policiers et manifestants ont fait des dizaines d’autres blessés, d’un coté comme de l’autre cette fois.
À Lyon, quelques idées d’actions sont lancées : le 29 février, le consulat général d’Italie est peinturluré en plein jour ; le 1er mars, toujours en journée, les rails au niveau de Jean-Macé sont envahies par des dizaines d’opposants au TAV, bloquant au passage une bonne partie du trafic ferroviaire régional pendant plusieurs heures [1]. Enfin deux jours plus tard, des câbles électriques à proximité de lignes SNCF sont incendiés durant la nuit dans trois communes proches de Chambéry. Un tag No-TAV signe l’action.
Puis ensuite plus grand chose. Quelques journaux disent que la police a ouvert une enquête. Puis rien. Il y a bien cette journaliste dont le domicile est perquisitionné et qui se fait embarquer son téléphone portable, tous les disques durs de ses ordinateurs et quelques affiches mais ça s’avère un peu vain, surtout quand en « audition libre », l’invocation du « secret des sources » renvoie les enquêteurs dans les cordes. Pas grand chose à se mettre sous la dents pour les flics donc.
Puis fin octobre, on sent qu’il y a du remue-ménage, que ça s’agite en interne. L’enquête semblant être au point mort, ou en tout cas ne se traduisant pas par des arrestations et des inculpations, la Police Judiciaire essaye de ratisser le plus largement possible. Telle personne se fait convoquer, par l’intermédiaire de ses parents, car elle aurait été aperçue au cours d’une manifestation No-TAV, telle autre parce que trône un drapeau No-TAV sur son balcon. Les convocations de la dernière chance pour les fins limiers de la PJ. Ça sent un peu le désespoir pour ne pas dire le baroud d’honneur suivi du probable échec cuisant de toute la procédure. Mais ces convocations, 8 mois après « les faits », se comprennent un peu mieux si on sait que le président italien Mario Monti doit débarquer à Lyon début décembre pour parler coopération économique et finalisation du plan de financement de la ligne du TAV avec François Hollande. On imagine alors sans mal à quel point les policiers lyonnais en charge de l’enquête ont dû se faire souffler dans les bronches par leur hiérarchie devant le peu d’avancée du dossier. Assurément quelques arrestations avant le début de ce sommet franco-italien, sur le mode « le crime ne reste jamais impuni » et « nous les retrouvons tout le temps », tomberaient à pic.
Si depuis l’arrestation de son très médiatique numéro 2, Michel Neyret, la PJ lyonnaise est considérée, à juste titre, comme un peu « faiblarde », voire pour certains, « à la masse » et si, depuis le scandale des policiers racketteurs de la BAC marseillaise, l’institution policière dans son ensemble a définitivement perdu le peu d’estime et de respect que d’aucuns voulaient encore lui accorder, il faut toutefois savoir raison garder. Pour le dire autrement, même blessée et à terre, la bête est encore dangereuse. On ne saura donc que conseiller à tout un chacun d’éviter de répondre favorablement aux propositions de rendez-vous des hommes peu courtois de la PJ, même lorsque votre interlocuteur se montre insistant.
À sarà düra !