Il s’est dit beaucoup de choses sur le grave accident de Luca Abbà, habitant du Val Susa et opposé au Lyon-Turin, lundi 27 février au matin. Mais peu ont pu raconté de manière précise ce qu’il s’était réellement passé, et les images qui tournaient en boucle, spectaculaires, ne permettaient pas de comprendre la rage qui anime désormais, ici à Lyon, dans le Val Susa ou partout en Italie, celles et ceux qui s’opposent à l’expropriation des habitants situés sur le tracé du No Tav. Et dont Luca Abbà faisait partie, lui qui ne voulait pas, en ce tragique matin de février, qu’on l’expulse de son terrain. Ceci est un témoignage des personnes qui étaient avec lui ce matin-là.
Il y avait de l’orage dans l’air…
Et ce lundi matin, quelques minutes après huit heures est arrivée la logique continuation des intentions expansionnistes des chantiers du Tav en Vallée de Suse. On s’est retrouvés à très peu d’entre nous au chalet, encerclés par centaines d’agents de la police secours, qui envahissaient la Vallée Clarea (petite vallée à l’intérieur de la Vallée de Susa). La situation semblait apparemment sous le contrôle de flics, quand soudainement Luca, un activiste du mouvement, a réussi à tromper les contrôles en grimpant sur un pylône à haute tension près du chalet. Un des deux flics qui le poursuivaient est monté inopinément, avec une hâte inhabituelle, inconsidérée et sans aucun dispositif de sécurité sur le pylône, tandis que nous étions tenus à distance par un cordon de police et isolés en face de la porte du chalet. A ce moment-là Luca, en direct avec Radio Blackout manifeste clairement et de façon incontestable son intention de résister à l’expulsion. Inquiets par la poursuite verticale bâclée à laquelle Luca est soumis, nous crions aux forces du (dés)ordre de s’arrêter. La réponse a été : « Pas de soucis, nous sommes professionnels ». Quelques instants plus tard, Luca est obligé de monter plus haut, afin d’échapper aux agents qui le poursuivaient, et est foudroyé par une décharge électrique de 50.000 volts. Son corps sans connaissance tombe par terre de plus de dix mètres de haut. Dans nos têtes résonne « le mort » annoncé par les discours du chef de la police Mario Manganelli et de l’ex-ministre de l’intérieur Roberto Maroni [Lire à ce propos le chapitre » Parler clair » de Lavanda 1]. Clairement choqués par les faits, tandis qu’ils nous empêchent de nous nous approcher, le temps passe sans que Luca ne reçoive les secours nécessaires. C’est seulement après trente minutes qu’une ambulance arrive.
Malgré le fait qu’il y aurait une personne grièvement blessée et en danger de mort, les travaux pour l’élargissement procédaient ininterrompus, évident démonstration des priorités des représentants de l’état et des ouvriers présents : le Tav est plus important que la vie humaine. Bien que nous insistions pour nous approcher afin de vérifier les conditions de Luca, ils ont permis après longtemps seulement à l’un de nous de s’approcher de notre camarade. L’ambulance et l’hélicoptère, qui l’a enfin amené à l’hôpital, ne sont arrivés qu’une heure après la chute.
Nous écrivons ce communiqué afin d’informer sur les faits réels qui ont eu lieu pendant l’expulsion de la Baita Clarea, pour démentir les fausses versions colportées par les medias du régime, en addiction à toutes les voix et versions qui sont en train de circuler pendant ces jours. Il n’y a pas eu de négociations entre nous et la police pour faire descendre Luca, aucun lacrymogène n’a été utilisé, aucun harnais de sécurité n’a été accroché par l’agent qui poursuivait Luca sur le pylône, il n’y a pas eu de barricades collectives à l’intérieur du chalet. Dans l’après-midi seulement ils nous ont permis d’abandonner le chalet, en nous contraignant à assister à la destruction de la Vallée Clarea et à la pantomime des dépositions : l’énième accident arrivé pour raison « d’ordre public ». L’exemple de Luca exprime ce que chacun de nous possède dans son cœur, défendre sans hésitation cette terre à n’importe quel prix. L’éclair qui l’a touché restera gravé dans nos mémoires ainsi que l’indifférence montrée par les ouvriers et par les flics face à un fait d’une telle gravité. Nous te prenons dans nos bras, Luca, en attendant de te revoir au plus tôt à lutter entre ces montagnes à toi et à nous si chères.
Les derniers à s’en aller.
Traduit de l’italien – Rebellyon